NOTES SUR LA FAMILLE Sadoul

Écrites entre 1931 et 1937

                      

Par LOUIS ( Roger Charles)Sadoul

             (1870-1937),

   Président de Chambre de la Cour d'Appel de Nancy

 

Avec des textes de Paul et Georges Sadoul

 

                                          0   PRÉLIMINAIRES 

1.      INTRODUCTION

2.      Fulcran SADOUL

3.      Claude SADOUL

           3-1 Une fille de Claude SADOUL Mme VIDAL

4.      Jean Baptiste SADOUL

4-1 les fils et filles de Jean Baptiste

5.      LES BRENTANO

6.      La famille COZE

7.      Jean Louis Martin SADOUL

8.      La Famille SPITZ_RICHARD

9.      Les enfants du Président Louis SADOUL

10.  Victor SADOUL et Camille TRESTE (grd parent de l’auteur)

11.  Adrien SADOUL et Pauline MEYER (parents de l’auteur)

11-1 Pauline MEYER

12.  Famille MEYER

13.  Lucien SADOUL Hélène GANDREY

14.  André SADOUL

15.  Paul SADOUL

16.  Louis Roger Charles SADOUL Alice ( Marie Angèle) BENOIST

16-1 Adrien SADOUL

16-2 Marguerite SADOUL

16-3 Marie Louise SADOUL LOULETTE

17.  Charles (Xavier Marie) SADOUL Anna CLAUDE

17-1          Les Enfants de Charles et Anna SADOUL

17-2          Georges SADOUL

17-3          Georges Sadoul bio des hommes  illustres

17-4          l’ union Georges  SADOUL avec Jacqueline Cartier-Bresson

17-5           

17-6          Voyage a Pekin 1956

17-7          Georges et Ruta

17-8          Madeleine Sadoul Malon

17-9          Jeanne Sadoul Jeannette

17-10      Paul Sadoul Paulot

17-11      CHARLES SADOUL par Anna SADOUL

AUTRES ŒUVRES DE LOUIS SADOUL

 

 

PRÉLIMINAIRES

 

1/ On trouvera dans ce récit quelques redites. Elles sont volontaires, qu’on n’accuse pas mon style de négligence. Ces redites m’ont parue nécessaire pour camper chaque personnage ou chaque branche de la famille dans son ensemble et ne pas obliger le lecteur à se reporter à d’autres passages pour comprendre la filiation

2/ Je consacre des chapitres distincts à chacun des ascendants directs et des branches collatérales. Cette méthode permet un classement suivant les préférences, soit mettre d’abord l’ascendance et ensuite les collatéraux, soit placer les collatéraux après l’ascendant intéressé.

3/Je donnerai à la fin, comme pièces justificatives quelques documents intéressants et aussi, dans les premiers exemplaires les photographies ou reproductions de portraits que je pourrai me procurer.

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INTRODUCTION

 

Avec beaucoup de soin, de méthode et de patience, mon frère Charles Sadoul a recueilli sur notre famille des renseignements et documents nombreux –actes de l’état civil, pièces notariées, correspondances etc… Ces documents sont intéressants, mais leurs fouillis en rend l’étude difficile. Mon frère avait toujours pensé s’en servir pour faire un exposé général, d’une lecture facile et claire, qui pourrait intéresser les générations actuelles et futures et les renseigner sur leurs grands parentset arrières grands parents, mais il n’a pas mis son projet à exécution. Je vais essayé de le remplacer.

L’étude de ces dossiers de famille présente les difficultés et agréments que connaissent bien tous ceux qui comme moi ont consulté beaucoup de vieux papiers et fouillé des dossiers d’archives. On y trouve des pièces intéressantes, d’autres insignifiantes, il manque les documents essentiels. De plus , il existe surtout des pièces officielles ( actes de l’état civil notamment) qui sont un peu froides. Les documents d’un caractère plus intime comme des correspondances qui permettraient de se faire une idée du caractère et du genre de vie des personnages sont rares. Les traditions de famille sont vagues et comme toute les traditions , on peut douter de leur complète exactitude. Mon grande père connaissait certainement bien des détails, mais mon frère ne s’est occupé de l’histoire de la famille qu’après sa mort et ces renseignements sont perdus. De ces éléments incomplets il est cependant possible de tirer une synthèse qui à son intérêt et une suffisante précision.

Le nom de Sadoul indique très nettement que notre famille est originaire du midi, de la Provence ou plus probablement du Languedoc où ce nom, sans être répandu se rencontre cependant. Ainsi ? mon fils Adrien, à la fin de la guerre, était sous-lieutenant au 23ème d’artillerie du recrutement de Toulouse ; plusieurs hommes du régiment s’appelaient Sadoul. J’ai connu jadis à Bar le duc ? un vieux commandant en retraite, originaire de Toulouse. Il m’a dit plusieurs fois, qu’en patois de cette région le mot Sadoul s’appliquait à l’état d’un homme qui a bien dîné. Ce n’est point le sens du mot très courant en mauvais français qu’on

obtiendrait en supprimant le d de notre nom –SADOUL - SAOUL. La langue méridionale est moins brutale, plus aimable et pour elle, un Sadoul est un homme qui a bien dîné, qui voit la vie en rose et pour employer un mot médical aujourd’hui à la mode , se trouve en état d’euphorie. Ce serait un peu le sens de l’expression vulgaire employée dans les campagnes de l’est de la France à la fin d’un bon dîner :« j’ai bien fait ».

Cette interprétation est confirmée par le dictionnaire provençal-français de Mistral où l’on lit :

Sadoul, sadou, sadot :adjectif qui signifie saoul repu rassasié et aussi nom de famille méridionale . exemple = manga soum sadouManger son saoul .

 

AUTRE EXPLICATION

Internet :  http://www.jtosti.com/noms/s1.htm

SADOUL

Patronyme rencontré notamment dans le Tarn-et-Garonne et la Lozère. On peut penser à un sobriquet correspondant à l'occitan sadol (= saoul, rassasié), mais il doit plutôt s'agir d'un nom de personne d'origine germanique, Sadwulf (sad = rassasié + wulf = loup). Variantes : Sadoux (38, 86), Sadout (31). Matronyme : Sadoule (48). Diminutifs : Sadouillet, Sadouillette (24), Sadoulet (30).

 

 

M. Paris dans La table du d’Hozier indique un Sadoul dans cet armorial- Registre Toulouse – Montpellier n° 1013 et un Sadoul- Registre de la Rochelle n° 379

Une tradition de famille dit que les Sadoul venaient de Nîmes ou des environs ; cette origine est lointaine et mon frére n’a pu en retrouver la trace .C’est explicable , car s’il est relativement facile de faire la généalogie d’une famille qui n’a pas quitté sa région, les recherches deviennent à peu prés impossible en cas d’émigration, pour les familles bourgeoises.

Mais pourquoi les Sadoul ont-il abandonné le Midi pour se fixer en Alsace. La même tradition de famille veut, que , protestants, ils aient quitté Nîmes après la révocation de ‘l’édit de Nantes, donc vers 1685 , pour venir en alsace où la religion réformée était au moins tolérée .Cette explication me parait discutable. Le premier Sadoul qu’on trouve en Alsace figure dans l’acte de baptême d’un enfant en 1719, don prés de 35 ans après la révocation de l’édit de Nantes. Les premiers actes les qualifient de Parisis ou de Parisientis, ce qui semble indiquer qu’ils venaient de Paris, qui n’était pas précisément lun lieu de refuge contre les persécutions religieuses. En outre, dés le début du XVIIIéme siècle , tous les Sadoul sont catholiques. Auraient-ils abjuré si vite, après s’être expatriés pour conserver leurs foi.

Toutefois, l’origine protestante est possible. Au moment de rédiger ce travail, je me suis renseigné auprès de l’archiviste de Nîmes qui m’a répondu très aimablement. Il n’ a pas trouvé de Sadoul dans les familles protestantes de Nîmes. Pour lui ? les Sadoul seraient plutôt originaires de l’ Hérault de l’ Aude ou de Provence. Je lui avais signalé que le premier Sadoul d’ Alsace s’appelait Fulcran et qu’il avait un fils qui s’appelait Abram. Or le nom de Fulcran est catholique, l’église de Lodève (Hérault) est consacrée à St Fulcran. Mais le nom d’Abram, fils de Fulcran est protestant.

Il est difficile de se démêler de tout cela. Peu importe d’ailleurs que les Sadoul d’autrefois aient été catholiques ou protestants, le certain, c’est qu’ils sont originaire du midi ? soit du Languedoc, soit de la Provence. Il ne nous reste dans les veines que quelques gouttes de ce sang méridional, mais chez certains Sadoul il reparaît encore quelquefois, malgré les mariages et les alliances qui ont donné un mélange extrêmement complexe. Il s’y trouve un peu de tout ? sans compter l’inconnu des ascendances féminines lointaines. 

Il me paraît probable que les Sadoul sont venus en Alsace comme fonctionnaires, amenés là par on ne sait quelles circonstances, peut-être tout simplement le hasard d’une carrière.

On les voit tous dans des fonctions administratives que définit assez mal d’ailleurs le latin de cuisine , ou plutôt de sacristie, employé par l’église dans les actes de baptême, de mariage ou de décès, tenant lieu d’actes d’état civil. Parfois ils font du commerce, ils ont été aussi à diverses reprises employés dans les fournitures militaires.

Avant d’entrer dans le détail un résumé d’ensemble aidera à mieux comprendre la suite.

Le premier Sadoul d’ Alsace apparaît en 1719, avec le prénom bizarre de Fulcran, il mourut en 1723. Son fils Claude était né vers 1702, sans doute ailleurs qu’en Alsace . Il mourut en 1767. Il eut un fils Jean Baptiste, personnage dont la vie est curieuse, qui fut le 

Père de mon arrière grand-père, Louis Sadoul, lequel mourut en 1845, président honoraire du tribunal de Sélestat. Nous arrivons ainsi aux générations récentes par mon grand père Victor Sadoul, ses deux fils Adrien et Lucien ( mon père et mon oncle) puis moi-même, mon frère, nos enfants et petits enfants.

Tous ces Sadoul du 18ème siècle eurent de très nombreux enfants. C’était à la fois la mode et la nécessité de l’ époque; la mortalité infantile était effrayante et il fallait avoir des enfants de rechange. Malgré cela, il en arrivait pas mal à l’âge adulte et , à en juger par le nombre des petits Sadoul d’ Alsace au 18ème siècle, toutes les provinces de l’ Est devraient être peuplée de leurs descendants. Or, on n’y voit que la souche qui venait de mon arrière grand-père. Que sont devenus les autres. On n’en sait rien. Peut-être subsiste –t-il des descendants par les femmes dont les noms ne nous disent plus rien. C’ est possible.

On trouve un certain nombre d’actes concernant les enfants de Fulcran ? mais leur nombre exact est inconnu. Claude, son fils n’eut pas moins de 19 enfants. Le suivant, Jean-Baptiste, en eut 16 dont 8 étaient encore vivant vers 1792. Mon arrière grand-père n’en eut que 5 qui tous vécurent.

Ces Sadoul eurent des fortunes assez diverses; à un moment de leur vie, ils sont dans l’opulence et ils finissent dans la gêne. Ce fut le cas de Claude et de Jean-Baptiste. Le premier se lança dans les affaires qui lui donnèrent d’abord la fortune, puis périclitèrent et à sa mort , il laissa sa famille dans une situation très embarrassée. Par lui-même et peut être surtout par son mariage, son fils Jean-baptiste posséda une très belle fortune il la perdit. Il est vrai que la cause principale est dans les événements de la Révolution qui lui enlevèrent sa situation de grand bailli, et amenèrent les bouleversements de la monnaie que nous avons connus à notre tour, heureusement à un degré moindre, jusqu’à présent au moins. 

D’autre part, j’ai entendu dire par mon grand père que chez les Sadoul tout était parti par la cheminée, ce qui voulait dire, sous une forme pittoresque, qu’ils aimaient à bien vivre, ne se privaient pas de grand chose, sans avoir la prévoyance de penser à l’avenir. Cette tradition ne s’appliquait probablement pas à mon arrière grand-père, mais à Jean-Baptiste et sans doute aussi à Claude 

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Fulcran Sadoul

 

Je l'ai dit, c’est en 1719 qu'on voit Fulcran à Strasbourg, ville qui va être le centre de la famille pendant de longues années. Les actes de l’ état-civil, alors dressé par l’église, ont, on le sait, un très médiocre respect de l’orthographe des noms et prénoms. Ainsi Sadoul devient parfois Sadoulle ou Sadouille et Fulcran se transforme en Fulgent ou François ? nom que notre ancêtre avait peut-être fini par adopter comme compréhensibles aux oreilles alsaciennes. 4/10/1719 il lui naît un fils Frédéric. sa femme , mère de l'enfant, s'appelle madeleine Lambert. dans l'acte de baptême, dressé à la paroisse Saint-Louis de Strasbourg, il est désigné comme « custos compationum regiarum in hac urbe ( Strasbourg ); dans d'autres actes, il est dit ( « provisor munitionum regiarum parisis» ou « custos annona regiac»ou encore «custos provisionum regiarum». il est difficile de déterminer les profession exactes qu’indique les expressions assez vague de ce mauvaislatin. Gardien des choses Royales vacations des vivres., agent du roi, voilà à peu près le sens général. Donc situation de fonctionnaire mais laquelle au juste ? il peut s’agir tout aussi bien de fonctions élevées que d’emplois fort modestes.

A voir les parrain et marraine de Frédéric. fils de Fulcran en 1719, on penser que le père a une fonction assez en vue. Le parrain est Frédéric, Comte de Mandresheim et Geroslheim vulgo comte de Frets et la marraine , Marie-Anne de Maupeau, femme de N.P. d’ Angevilliers , Intendant d’ Alsace, les intendants étaient alors, plutôt que les gouverneurs, les véritables administrateurs des provinces. Les rois, dont ils étaient plus directement les agents, avaient peu à peu étendu leurs pouvoirs dans un dessein de centralisation.

De cet acte de baptême, on peut conclure que Fulcran était attaché à l’administration d’ Alsace à un titre quelconque, sous les ordres de l’intendant d’ Angevilliers. C’est d’autant plus vraisemblable que le petit-fils et l’ arrière petit-fils de Fulcran seront eux aussi des fonctionnaires de l’ intendance d’ Alsace. Il y avait sans doute là une tradition de famille. Les actes divers qui ont été retrouvés, comme aussi ceux intéressant son fils Claude, les désignent tous deux, je le rappelle, comme parisis ou parisensis. L’un et l’autre devaient être nés à Paris ou du moins être venus de Paris en Alsace.

Fulcran et encore ses descendants( ceux-ci malgré un séjour déjà prolongé en Alsace° se mêlent assez peu à la population. Tous les témoins des actes portent comme eux des noms Français, tous aussi ont des situations de fonctionnaires, aussi vaguement désignées d’ ailleurs que celles de Fulcran ; tous s’occupent des affaires du Roi.

Fulcran devait déjà avoir un certain âge à son arrivée à Strasbourg, il y avait amené toute sa famille et notamment des fils en âge d’avoir des situations. Ainsi en 1722, à l’acte de décès de son fils Jean-Baptiste, âgé de dix ans, figurent comme témoins, deux autres fils, Charles et Abram, qui sont donc pour le moins majeurs. Tous ces fils, à n’en pas douter, devaient, comme leurs père, exercer des fonctions administratives. Il est avait fallu ou des évènements sérieux ou le fait que le père avait trouvé une situation avantageuse en Alsace pour que toute la famille s’y fut ainsi transportée en bloc. Il pourrait y avoir là un point intéressant, mais il ne peut être éclairci.

Fulcran mourut à Strasbourg ? le premier mai 1723, et fut enterré dans l’église Saint-Louis. 

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Claude Sadoul

 

Né vers 1702, à Paris semble-t-il , mort à Strasbourg, le 30/08/1767

L’acte de naissance de Claude n’a pas été retrouvé en Alsace. A sa mort , en 1767, il avait 65 ans, il serait donc né en 1701 ou 1702 à Paris peut-être, d’où venait vraisemblablement son père Fulcran. La première mention qu’on trouve de lui est de 1729. Le 21 novembre le curé Humann de la paroisse St Louis à Strasbourg, lui donne l’autorisation d’aller se marier à l’église paroissiale de Sélestat. Le mariage a lieu le lendemain. Claude épouse Anne Julienne BIOT, dont le père Claude Bernard BIOT  est « munitionum regiarum provisor Selestadiensis », donc commissaire ou agent du Roi, comme Fulcran. Les témoins ont mêmes professions. Toujours des fonctionnaires qui vivent et se marient entre eux et sont tous , leurs noms l’indiquent d’origine française.

De ce mariage devaient naître 19 enfants. 

La situation de Claude Sadoul semble s’améliorer assez vite. D’après les indications prises aux actes de l’état civil, en 1730, il est commissaire du Roi, en 1735, garde des armements du Roi, en 1745 fournisseur et garde des fourrages, il est alors en même temps que fonctionnaire, fournisseur aux armées. Sa situation doit lui donner honneurs et profits, car, le 7 avril 1745, lors de la naissance de sa fille Claudia, l’acte le qualifie de « clarissimus » ( «  in rebus ad pabulum regium spetatoribus occupatus «  ) il est vrai qu’on n’était pas avare de qualifications pompeuses et sans doute ne faut-il pas s’exagérer la portée du mot « clarissimus » qu’on pourrait traduire, non sans quelque étonnement / très illustre surveillant des fourrages du roi.

En 1757, il fait partie de la tribu des Fribourgeois, composée de négociants ( organisation administrative de Strasbourg dont l’ étude pourrait être curieuse, mais ne serait pas à sa place ici ). Cette année là, la tribu des Fribourgeois le choisit pour la représenter au Grande Sénat. 

C’est sans doute en qualité de membre du Grand Sénat qu’il tint en 1757, un des cordons du dais à la procession su Saint-Sacrement que la confrérie du Saint-Sacrement de la paroisse Saint louis a l’habitude de faire dans le quartier, le1er dimanche après la Fête-Dieu. Les autres porteurs de cordons sont les gouverneur d’ Alsace pour le roi, le commandant de la ville et un Monsieur Trombert. La qualité de ces personnages indique suffisamment que Claude avait une situation en vue. En 1764, dans le procès-verbal des publications de sa fille Anne-Marie, on lui donne le titre d’ assesseur au grand Sénat.

A ce moment, il est aussi dans les affaires. Il a notamment la fourniture des lits militaires. En 1766, il renouvelle son marché, il se plaint des conditions qui lui sont faites et de l’exigence des officiers, il indique tous les meubles qu’il faut à ces « Messieurs » (sic) pour une somme trop minime où tout son gain se perd, il demande que pour la fourniture de 60 livres faite aux officiers, il lui soit accordé la fourniture de lit de soldat, ce qui n’avait lieu auparavant que pour 

80 livres.

Claude a aussi avec des associés une manufacture de toiles à voile. Enfin, le 13 mai 1766, il est

accordé « permission au sieur Sadoul et compagnie d’établir à Illkirch, prés Strasbourg en Alsace, une manufacture d’ouvrages en fer battu, blanchis et bien étamés et de les vendre et faire vendre et débiter pendant 15 ans dans toutes les viles et bourgs de l’étendue du Royaume.

L’industrie du fer blanc était alors toute nouvelle, elle ne fut établie solidement surtout en France qu’à la fin du 18èmesiècle. Claude Sadoul était donc un précurseur, mais en matière industrielle, innover est souvent dangereux. Et c’est peut-être pour cette raison qu’à sa mort, l’année suivante, sa situation, qui avait été brillante, se révélera tout autre. Faut-il incriminer les dépenses excessives et les charges d’une très nombreuse famille, c’est possible.

Ce qui est certain, c’est que sa femme et ses enfants vont se trouver très gênés.

Ils ont une consolation : Claude leur mari et père, est très estimé. Il meurt le 30 août 1767, et sa mort est à Strasbourg un événement assez important pour que M. de Gayot, prêteur Royal

(maire administrateur de la ville au nom du Roi) ,qui se trouve alors à Paris, en soit immédiatement prévenu. Dès le 5 septembre, il écrit à l’ammeinter ( ?) régent Franck : « Je suis fâché de la mort du pauvre M Sadoul : je l’ai toujours reconnu pour un fort honnête homme. »L’état précaire des affaires de Claude Sadoul était connu, car M. de Gayot ajoute : « Il laisse sa famille dans une situation peu aisée, Je suis persuadé que l’intention de M. du Magistrat 

=( Organisation administrative de Strasbourg ) sera que sa veuve et ses enfants conservent le bail qui avait été passé, il y a, je crois, quelques mois, pour la fourniture des lits de la garnison. Je vous prie, Monsieur,de bien vouloir conférer avec MM. de la chambre d’économie qui, à ce que j’espère, ne trouveront aucune difficulté à cet acte de justice. « 

satisfaction fut donnée à la demande de M. de GAYOT ET Madame Sadoul toucha des associés de son mari dans l’entreprise des lits militaire une pension annuelle de 1000 livres. Cette pension fut payée régulièrement, mais quelques années après Mme Claude Sadoul craint qu’elle ne soit supprimée et , le 4 septembre 1775, elle écrit au prêteur royal qui a succédé à m. de Gayot. Sa lettre débute ainsi : «  L’avenir effrayant qui se présente à mes yeux dans l’aspect le plus horrible m’oblige à recourir à vous pour vous supplier de vouloir bien jeter un regard de compassion sur une malheureuse famille qui est à la veille de se voir jeter dans la misère la plus complète. »Le bail de la vecheris( ?)sans doute entreprise des lits militaires) va expirer . Mme Claude Sadoul demande au prêteur royal d’intervenir pour qu’elle soit encore intéressée dans le nouveau bail et qu’elle puisse continuer à recevoir la pension de 1000 livres qui lui permet de vivre, elle et ses « pauvres filles » .

Elle le prie aussi d’intercéder près des créanciers et notamment près de M. d’Oberkirch pour qu’ils cessent leurs poursuites ; ils veulent faire saisir ses meubles, ce à quoi ils ne gagneront rien. Le dossier n’indique pas si Mme Claude Sadoul continua à toucher cette pension, il est probable que oui.

Cette somme de 1000 livres nous apparaît bien modeste aujourd’hui, j’aurai encore l’occasion de faire de semblable remarque ; au milieu du 18éme , elle pouvait assurer la vie de toute une famille. Il faut aussi noter que le fils aîné Jean-Baptiste était alors dans une situation de fortune qui lui permettait de venir facilement en aide à sa mère et à ses sœurs et que la situation de Mme Claude Sadoul n’était pas aussi désespérée qu’elle le disait.

Il se trouve au dossier des pièces de procédures et des réclamations de créanciers qui ne font qu’établir que le passif de la succession était supérieur à l’actif. Leur résumé n’apprendrait rien d’intéressant ;je note seulement que la veuve Sadoul a vendu pour vivre sa vaisselle d’argent. Ce détail montre à la fois la splendeur passée et le dénuement qui a suivi.

Mme Claude Sadoul meurt à Strasbourg le 18 décembre 1777. Son fils Jean-Baptiste, celui dont nous descendons, déclare le décès ; il est alors secrétaire de l’intendant de la province. Et « assequens » ( assesseur) de la maréchaussée. Le second témoin est un autre fils Jean-Louis.

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Une fille de Claude SADOUL Mme VIDAL

 

Claude , on le sait, eu 19 enfants, en dehors de mon trisaïeul Jean-Baptiste, il est possible d’identifier quelques uns, mais de façon assez vague. Sur l’un d’eux, une fille, les renseignements sont plus précis et malheureusement, ils ne sont pas très flatteurs.

Catherine Madeleine Sadoul naquit à Strasbourg le 17 mars 1744. Elle se maria jeune, à 18 ans et demi, le 19 Décembre 1762 avec Martin VIDAL, secrétaire du baron de Treslan, Chevalier de Saint Louis et Lazare, Brigadier des armées. Le père du marié était marchand à Limoux ( aujourd’hui département de l’ Aude ). Le 21 octobre 1763 elle eu un fils Jean, dont le parrain fut Jean Vidal, sans doute le frère du père qui était « fori militaris scriptor » secrétaire du tribunal militaire de Landau.

Martin Vidal mourut peu après. Sa veuve se consola trop vite et trop bien. Que fit elle au juste, on ne le dit pas, mais il n’est que trop facile de le deviner.

En effet peu après la mort de son père Claude, à l’automne 1767, la Famille Sadoul, en tête la veuve de Claude et le fils aîné Jean-Baptiste, adresse une supplique à M. de Gayot, Conseiller d’état, ancien intendant des armées du Roi et prêteur royal de la ville de Strasbourg.

Il est exposé : «  La veuve et la famille de feu sieur Sadoul que vous avez honoré de vos bontés et de

votre protection, qui n’avait jamais rien de plus à cœur pendant toute sa vie que de vous être inviolablement attaché, vient vous supplier de lui être encore favorable. Un fille incorrigible en tous sens, travaillée d’une aliénation d’esprit de l’espèce la plus dangereuse, qui court à sa perte et au déshonneur de ceux à qui elle appartient, met les exposants dans la nécessité indispensable de la faire enfermer dans un couvent pour éviter de plus grands malheurs. ». Et la famille Sadoul demande qu’une lettre de cachet soit délivrée par le ministre pour faire enfermer Mme Vidal. 

Que ces mots : lettre de cachet n’étonnent pas ici, qu’ils ne fassent pas penser à des prisonniers d’état, au masque de fer ou à la Bastille. Il y avait plusieurs sortent de lettres de cachet et notamment celles qui permettaient l’incarcération dans l’intérêt des familles, mesure préventive pour empêcher un scandale possible. C’est le cas ici. On enfermait des femmes et des filles qui pouvaient se mal conduire ou des fils qui pouvaient compromettre l’honneur d’une famille. Le Roi exerçait en somme une sorte de puissance paternelle d’ordre supérieur. Il en reste quelque chose dans le droit de correction paternelle prévu par le code civil, droit qui, en pratique, n’est pour ainsi dire jamais exercé, mais qui juridiquement n’en existe pas moins.

Le 10 décembre 1767, le prêteur royal, M. de Guyot adresse la requête de la famille Sadoul au premier Ministre, le duc de Choiseul. Il donne un avis favorable et demande que les ordres nécessaire lui soient adressés pour faire arrêter la nommée Catherine Madeleine Sadoul et la faire conduire au couvent de la congrégation à Saint-Nicolas-de-Port, près Nancy. , au frais de la famille.

Accueil favorable est fait à cette demande, une lettre de cachet est signée et, le 6 mai 1768, la veuve trop joyeuse fait son entrée au couvent de la congrégation à Saint-Nicolas-de-Port, elle avait 24 ans.

Les difficultés vont s’élever pour le paiement de la pension. Son prix a été fixé à 300 Livres par an, argent de Lorraine, pour que Mme Vidal soit logée, nourrie, chauffée, éclairée et blanchie. La famille Sadoul a promis de payer cette pension ; elle verse les premiers termes, mais c’est l’époque des grands embarras financiers de la veuve de Claude et elle se trouve en retard. Le 18 mai 1769, la supérieure de Saint-Nicolas signale ce retard à M. d’Antigné, le prêteur royal qui a succédé a M. de Gayot. La veuve Vidal n’a pas attendu si longtemps pour réclamer, elle l’a déjà fait en 1768, elle recommence le 4 mai 1769, elle déclare qu’elle est très bien soignée, qu’elle n’a qu’à se louer du couvent de la congrégation, et qu’elle ne demande qu’a y rester, pourvu qu’on lui assure une pension annuelle de 100 livres de France pour ses besoins personnels.

Plus tard elle réclame encore, elle a été malade, elle ,ne peut payer le chirurgien, ni rembourser les personnes qui lui ont fait des avances pour les remèdes et bouillons dont elle n’a pu se passer. Sa dot de 3000 livres a été placée dans la manufacture d’ Illkirch et cette manufacture est devenue insolvables. Elle demande à une personne qui n’est pas indiquée aide et protection pour la veuve orpheline qu’elle est.

Cette requête est entendue, le curateur de Mme Vidal, M de Gombeau , paiera ce qu’elle a été obligée de dépenser pour sa maladie. Puis, comme elle demande a sortir de Saint-Nicolas, la famille consentira volontiers à la levée de la lettre de cachet si Mme Vidal peut lui prouver que , réellement, elle est assurée d’une place convenable pour s’y retirer, mais à la condition expresse qu’elle ne reviendra pas à Strasbourg, tant que les raisons qui ont donné lieu à sa détention persisteront

L’histoire de Mme Vidal s’arrête là. Que devint-elle ? On ne sait. Sans doute quitta-t-elle un jour Saint-Nicolas, espérons que c’était pour rentrer dans le droit chemin.

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Jean Baptiste Sadoul

 

Né a STRASBOURG Le 30 Janvier 1732

mort à STRASBOURG Le 28 Brumaire an VII (19/11/1798)

Jean Baptiste est un personnage curieux. Je possède son portrait qui se trouve actuellement dans le 

salon de Raon et derrière lequel je vais placer une notice résumant la vie de Jean Baptiste.

Nous sommes bien renseignés sur son compte.

Il débuta très jeune dans la diplomatie secrète de Louis XV, entra ensuite dans l’armée, fit un très riche mariage, il acheta une charge de Grand Bailli et se trouva alors dans une très belle situation. Ruiné, ou tout au moins réduit à état extrêmement modeste, à la suite de la Révolution, il résuma alors les évènements de sa vie dans une requête où il demande un emploi et qui commence par ces mots pathétiques « Du pain, du pain, du pain pour un père de famille qui a eu 16 enfants, auquel il en reste huit, du pain pour un citoyen qui depuis 42 ans sert sa patrie ».

Cette notice, appuyée par d’assez nombreux documents recueillis par mon frère, permet de rapporter fidèlement la vie de Jean Baptiste. 

En 1753 , il avait 21 ans, il remplit dit-il, les fonctions de premier secrétaire de l’ambassade près le Roy et la république de Pologne. M de la Fayardie était alors ambassadeur en Pologne. Il eut part, ajoute-t-il, à la confiance du roi Louis XV qui entretenait à l’insu du Ministère, une correspondance secrète avec l’ambassadeur ; il touchait annuellement sur la cassette du roi une pension de 2000 livres.  En 1756 il est chargé des affaires de France près le Roy et la République de Pologne.               

Jean-Baptiste Sadoul fit don partie de la fameuse organisation de diplomatie secrète qu’on appela : Le Secret du Roi. Le duc de Broglie , descendant du comte de Broglie qui dirigea le secret du Roi, a écrit sous ce titre un livre fort intéressant . Au Ministère des affaires étrangères, on trouve trace de Jean-Baptiste Sadoul dans une lettre chiffrée, écrite le 18 décembre 1756 par Durand ambassadeur de France en Pologne de 1754 à 1757.l’ambassadeur écrit : « M. Sadoul est arrivé le 15. Il a eu beaucoup à souffrir dans sa route, ce qu’il est bon qu M. de l’hôpital n’ignore pas pour éviter de s’engager dans les montagnes de Hongrie (sans doute les Carpates ) » . Le comte de Broglie succéda à Durand comme ambassadeur en Pologne en 1758. L’actuel duc de Broglie a des archives personnelles sur le Secret du Roi, il se pourrait qu’on y trouve des renseignements sur Jean-Baptiste Sadoul. Mon frère avait commencé à se mettre en rapport avec le duc de Broglie par l’intermédiaire du comte d’ Alsace sénateur des Vosges. Il a abandonné ces recherches.

Le mémoire de Jean-Baptiste Sadoul continue ainsi : en 1757 le Roy lui fait ordonner de se rendre à l’armée, il y fut employé comme aide de camp du comte de Broglie. Il a combattu à Grefeld à l’attaque du camp de Holstein Gottorpp et à Munster. En 1758 ( le 24 Septembre ) il obtint un brevet de cornette dans le régiment des carabiniers de Monsieur, Brigade de Saint-André.

Jean-Baptiste Sadoul prit donc part, au début tout au moins, à la malheureuse guerre de sept ans. L’armée française commandée par le comte de Clermont fut battue à Grefeld ; les carabiniers chargèrent, leur chef le comte de Gisors fut tué ainsi que 13 officiers, 43 autres furent blessés. Le régiment des carabiniers était un corps aristocratique qui avait une organisation particulière. Chacune de ses cinq brigades comprenant deux escadrons était commandée par un officier général. 

Créé le 1er novembre 1693,le régiment des carabiniers avait été commandé jusqu’au 10 octobre 1755 par le duc de Dombes, fils du duc de Maine ; donc petit-fils de Louis XIV et de mme de Montespan. Le 13 mars 1758, Louis XV nomma mestre de camp des carabiniers son petit fils, le comte de Provence, le futur Charles X alors âgé d’un an.

Le 23 Janvier 1759, Jean-Baptiste Sadoul épousa à Francfort Marie Thérèse Paule Brentano, file d’un riche négociant de la ville. Très vraisemblablement, il l’avait connue quand son régiment se trouvait à Frankfort. L’armée française, dite armée du ,Hanovre alors commandée par Soubise, avait cantonné à Francfort dans l’hivers de 1758. 

                                  

                                                                          Jean Baptiste en uniforme de cornette vers 1758

   Marie-Thérèse Brentano n’était plus toute jeune. Née en 1728, le 15 octobre, elle avait dépassé la trentaine. Jean Baptiste ,

Avait 27 ans, il est probable qu’il était séduisant, il avait déjà vu beaucoup de choses dans sa mission de Pologne et à l’armée et, le prestige de l’uniforme et d’un corps aristocratique aidant, le mariage se fit.

 

   A en juger par le nombre des enfants, le ménage Jean-Baptiste Sadoul eut le nombre un peu effarant de 16 enfants, je l’ai dit, et, quand il dresse la liste, Jean-Baptiste n’oublie pas de mentionner en plus la fausse couche d’un enfant mâle le 4 juin 1763.

 

    Dans un chapitre à part, je donnerai plus de détails sur les Brentano. Voici un résumé. Le père de Mme Jean-Baptiste Sadoul était d’origine italienne, il tenait à Francfort, alors ville libre et siège d’un grand mouvement d’affaires internationales, un commerce de fruits du midi. On peut penser que dans l’importante place commerciale de Francfort, c’était en grand le commerce qu’exercent aujourd’hui un peu partout, plus en petit, les espagnols.

 

   Le père Brentano avait une très opulente fortune. Sa famille est nombreuse, et cependant il donne à sa fille une dot de 150.000 livres. Cette somme ne dit peut-être pas grand chose aux générations actuelles, mais elle était énorme à l’époque. Il est très difficile de fixer la valeur relative de la monnaie et du prix des choses à travers les âges. Aucune méthode , et on en a essayé beaucoup, ne donnent de résultats tout à fait certains. Mais on admet généralement qu’entre l’époque actuelle et le milieu du XVIIIème    siècle, il faut multiplier par 10 au moins, et sans doute par un plus gros chiffre la valeur nominale de la monnaie actuelle. La dot de Mlle Brentano vaudrait sans doute aujourd’hui

 un million et demi (NB Francs 1930) . sinon davantage. On voit bien peu de dot de cette importance et pour ma part, je n’en connaît point.

 

   Jean-Baptiste quitta aussitôt le service militaire et, comme il l’écrivit plus tard , il s’empressa de s’établir aussi honnêtement que solidement.

 

  

 

   En 1760, il fut nommé juge de la Connétablie et élu sénateur au Magistrat de Strasbourg. Il dirigeait aussi en chef le

bureau contentieux et forestal de l’intendance d’ Alsace.

 

 

   Il n’a alors que 28 ans et sa situation est déjà importante. On ne sait quelles études il avait faites, mais il apparaît qu’il avait une instruction développée. Sans doute, avant de partir pour la Pologne, avait-il fait des études juridiques. Les situations qu’il occupe en 1760, celles qu’il va avoir par la suite le font penser.

 

 

En 1766, lors de la mort de son père Claude, il est secrétaire de l’intendance d’ Alsace et assesseur à la maréchaussée.

En 1768, il acquit l’office de juge dans les bailliages appartenant en basse Alsace au duc de Deux Ponts Christian IV .

C’est à dire les bailliages de Seltz, Hagenbach, Gouttenberg.  Deux ans après, en 1770, il réunit aux bailliages du duché de Deux Ponts la subdélégation de l’intendance d’ Alsace à Wissembourg. C’est dans cette ville qu’il Habitait. Il paya ces différends offices 49500 livres, soit, au taux du jour, au moins cinq cent mille francs.

 

 

    Jean Baptiste Sadoul était donc à la fois fonctionnaire français comme subdélégué de l’intendance d’ Alsace à Wissembourg ( fonction administrative assez semblable à celle de sous préfet ) et Grand Bailly Juge au nom d’un souverain étranger, le duc de Deux Ponts. Cette double situation qui étonne aujourd’hui était alors toute naturelle. L’ Alsace était divisée en un très grand nombre de souverainetés diverses. des princes allemands y avaient des possessions. La question des princes possessionnés d’ Alsace donna lieu à d’inextricables difficultés au début de la Révolution. Jusqu’en 17989, Jean Baptiste Sadoul est riche, très riche même. Ses offices lui donnent un revenu de 12000 Livres et il ajoute les intérêts de la dot de sa femme 7500 livres, en tout près de 20000 livres, soit au moins 200 000 francs d’aujourd’hui et il faudrait lui ajouter les 2 000 livres qu’il continua longtemps de recevoir de la cassette royale pour ses services en Pologne.

 

 

     Jean baptiste Sadoul était Grand Bailly quand le Roi  lui fit proposer une mission secrète en Angleterre. Son dégoût pour tout ce qui est intrigue dit-il, la lui fit refuser, cette mission n’ayant aucun contact avec le service de la nation et les affaires diplomatiques. Son refus, ajoute-t-il, lui fit perdre la gratification annuelle sur la cassette et la protection. Cette histoire est curieuse. Le mémoire de Jean Baptiste Sadoul porte «  B.M. s’en tira mieux que je ne l’aurait fait « . Il est  vraisemblable que ces deux lettres B.M. désignent Beaumarchais. A deux reprises, le célèbre écrivain fut en effet chargé de missions secrètes en Angleterre, l’une près du Chevalier d’ Éon, personnage énigmatique dont la curiosité publique se demandait s’il était un homme ou une femme,  l’autre ayant pour objet d’arrêter la publication de libelles injurieux contre la Du Barry, maîtresse de Louis XV.

 

 

    La première de ces missions, qui est la seconde en date est la plus intéressante. Le chevalier d’Éon avait fait lui aussi partie du secret du Roi; plusieurs fois il avait été chargé de négociations occultes en Russie et en Angleterre. A L’avènement de LOUIS XVI, le ministre Vergennes voulut rentrer en possession de la correspondance compromettante qui était entre les mains du chevalier d’Éon et lui envoya Beaumarchais pour négocier l’affaire. Celui-ci réussit à se faire remettre ces papiers en Octobre 1775 et aussi à faire reconnaître au chevalier d’Éon qu’il était une femme, alors qu’en réalité il était un homme. Il est dans l’histoire du chevalier d’Éon bien des dessous qui ne sont pas encore éclaircis.

L’offre qui fut faite à Jean Baptiste, quinze ans après la fin de sa mission en Pologne, montre qu’il avait conservé des relations aux affaires étrangères et qu’il avait du y laissé le souvenir d’un homme à l’esprit délié. Peut-être avait-il connu le chevalier d’éon, employé dans le secret du Roi en Russie pendant que lui-même était en Pologne. De plus le chevalier d’Éon comme Jean Baptiste avait été aide de camp du comte de Broglie.

 

 

   On peut aussi penser qu’il avait rendu des services appréciés puisqu’il continuait à toucher une pension de 2000 livres sur la cassette royale longtemps après qu’il était revenu en Alsace et y occupait des fonctions judiciaires et administratives. Il est bien regrettable qu’il n’ait pas écrit ses souvenirs. il n’est pas téméraire de penser qu’il a joué un rôle, sinon dans la tout à fait grande histoire, au moins dans la petite.

 

 

   J’ai déjà dit que les nombreuses pièces très précises recueillies par mon frère n’ont guère qu’un caractère officiel et ne permettent qu’un exposé un peu sec. Il manque des documents plus intimes qui pourraient donner une idée du caractère et du genre de vie des personnages, des correspondances par exemple. J’ai dit aussi que mon grand père connaissait certainement des détails sur mon grand père Jean baptiste, mais que malheureusement, quelques uns seulement avaient été recueillis.

 

 

Par ailleurs, notre cousine Mme Sérot a entendu dire par son père, que  l’arrière grand-père, le Président Sadoul, fils de Jean baptiste n’aimait pas à parler des évènements d’autrefois et que quand on l’interrogeait, il répondait philosophiquement : ` Je me porte bien ‘ . que voulaient dire exactement ces paroles énigmatiques. Peut-être tout simplement qu’il était satisfait d’avoir enfin trouvé la tranquillité et que ne plus penser à tous les tracas d’une vie que les événements avaient rendue pour lui aussi fort agitée, en brisant successivement toutes les situations qu’il avait pu trouver.

 

 

    Mon frère et moi nous ne nous rappelions plus qu’une anecdote assez amusante sur notre trisaïeul. Jean baptiste exigeait de ses enfants beaucoup de tenue , à table notamment. Avec une aussi nombreuse famille, c’était nécessaire. Un jour, l’un des enfant, dans un geste de détente, s’étira et étendit les bras en croix. Vite, il s’aperçut de son incartade, et, craignant les rigueurs paternelles, il dit «  Voilà comment Notre Seigneur Jésus Christ a été crucifié «  . Ce jeune Sadoul probablement mon arrière grand père, avait de l’esprit d’à propos. mais son père, le Grand Bailli, n’en avait pas moins ; il donna à son fils une paire soufflets et ajouta : « Et voilà, mon ami , comment Notre seigneur fut flagellé.

 

 

   Madame jean baptiste Sadoul mourut à Wissembourg, le 27 septembre 1786. Deux ans après. le 23 octobre 1788 Jean Baptiste se remaria à Sélestat avec Antoine Claire Françoise Mourch alors âgée de 29 ans , lui-même avait 56 ans. Le père de la seconde Madame Sadoul était ancien médecin du Roy et chirurgien –major à Sélestat. Aux termes du contrat de mariage reçu par le notaire Rumpler, chacun des époux conservera ses biens propres, l’inventaire en sera fait. Le montant des apports n’est pas précisé .

 

 

   Aussitôt après la mort de sa première femme, Jean baptiste avait résolu de céder sa charge de Grand Bailli à son fils Jean louis Martin. ( Louis de son prénom habituel ) notre arrière grand père. le 13 décembre 1786, Louis Sadoul avait été nommé par le duc des deux ponts, juge et bailli en survivance, pour prendre  définitivement la charge à la mort ou à la démission de son père et successeur désigné.

 

 

   Mais arrive la révolution qui va bouleverser du tout au tout la vie de Jean Baptiste. Les anciens offices de judicature sont supprimés et le Grand Bailli cesse ses fonctions en octobre 1789.

 

 

   En 1790, il rendit compte à ses enfants, dont plusieurs étaient encore mineurs, de la succession de leur mère. Les biens de celle ci étaient déjà entamés ; par délicatesse, dit-il, en décembre 1790, il abandonna toute la fortune à ses enfants qui en reconnaissance ; s’engagèrent à lui verser une pension modique mais suffisante. La chute de la monnaie allait réduire cette pension à rien, détruire aussi l’indemnité que Jean Baptiste avait touché à la suite de la suppression de sa charge. Sa situation devint très critique.

 

 

   Plus tard, une assemblée de famille du 22 fructidor an V  ( septembre 1797) fixa le chiffre de cette pension à 600 livres elle avait peut-être été augmentée en raison de le baisse de la monnaie. Il n’est pas dit si cette pension était payable en assignats ou en monnaie métallique, comme on disait alors. La différence était grande.

 

 

   c’est après la suppression de sa charge qu’il adressa aux autorités son intéressant et pathétique mémoire. A divers indices qu’il est inutile de rapporter ou peut penser qu’il a été écrit dans le courant de l’été 1762 où en 1793, au  plus tard. Ce serait alors avant la grande chute des assignats. Jean Baptiste avait quitté Wissembourg et s’était retiré à Sélestat près la famille de sa seconde femme.

 

 

   Jean Baptiste, en termes sobres, raconte sa vie, dit les diverses fonctions qu’il a occupées, les services qu’il a rendus.

Il expose que la suppression de sa charge , la perte sur les assignats l’a mis dans la plus grande détresse et qu’il est au moment d’être poursuivi et peut être emprisonné par ses créanciers. 5la prison pour dettes civiles existait toujours).

 

 

   Il a fait, continue-t-il, ces sacrifices sans murmurer, il avait appris que les révolutions ne se faisaient point avec du sucre. Constamment attaché à sa patrie, il ,’a écouté que la loi, il lui a obéi et où elle manquait, son patriotisme lui a servi de guide ; il l’a empêché d’errer. Ces service, ces sacrifices, les moyens qui lui restent pour être utile à sa patrie doivent lui assurer du pain et il veut mériter par son application, son zèle et son travail. Et Jean Baptiste conclut en demandant à être nommé Commissaire des guerres ou commissaire du pouvoir exécutif. Ceux qui occupent ces emplois, dit-il, ne connaissent ni les localités, ni les personnes, ni leurs mœurs, ni leurs opinions ; ils trompent et les législateurs et les administrateurs, parce qu’ils sont trompés eux-mêmes et il en résulte des désordres, des gaspillages , un manque de services qui ne peut tourner qu’à la perte de la chose publique. Sans doute, il ne remplit pas les conditions fixées par un récent décret pour obtenir ces postes, mais lui qui a été officier de cavalerie, secrétaire d’intendance et subdélégué, est très capable de les remplir et en fait il les a déjà exercées.

 

 

   A la suite de cette requête qui ne manque pas d’allure Jean Baptiste obtint satisfaction, partielle tout au moins, il fut nommé chef de bureau du Département du  Bas-Rhin. c’est cette qualité qui lui est donnée lorsqu’il est témoin dans l’acte de naissance de sa petite fille Marie Marguerite ( la future madame de Rey) , le 15 germinal an II  ( avril 1794).

 

 

   Vint la réforme judiciaire de la constitution du 5 fructidor an III (22 août 1795), celle qui créait le directoire. Depuis la suppression  des Parlements et des anciennes juridictions l’ organisation avait varié plusieurs fois sans donner de résultats bien satisfaisants. La constitution de l’an II lui assura plus de stabilité et plus de force. Elle substitue aux tribunaux de districts trop nombreux des tribunaux départementaux, composés de 20juges non points nommés par le pouvoir central, mais élus pour 5 ans. Jean Baptiste fut élu juge au tribunal civil et criminel du Bas-Rhin, ce qui lui donnait une situation, sans doute modeste , mais suffisante. Il touchait d’ailleurs à la fin de sa vie. Cette vie avait été fort agitée, et après des périodes intéressantes comme celle de la jeunesse prospère comme celle de l’âge mûr , elle finissait tristement. Des malheurs privés ne l’avaient pas non plus épargné ; sa femme était morte relativement jeune ; sur quinze enfants, il en avait perdu huit. J’ai déjà signalé qu’a cette époque la mortalité des enfants était épouvantable.

Ainsi en 1765, Jean Baptiste ne perdit pas moins de quatre enfants, dont trois en quelques jours, les 20 février, 7 mars et 11 mars; ils étaient âgés respectivement de 5 ans, 4 ans et un an. Ils furent évidemment victimes d’une épidémie, sans doute de la petite vérole, alors redoutable. Un quatrième  enfant mourut encore au mois de novembre de la même année. Il fallait évidemment avoir de la résignation pour supporter ces malheurs répétés.

 

 

   Au moment où commençaient ses revers de fortune Jean Baptiste était encore éprouvé par la mort d’un fils qui débutait brillamment dans la vie. Marie Jean Baptiste Valentin était né à Strasbourg le 7 janvier 1773. Le 15 février 1788, il venait d’avoir quinze ans, il est nommé sous-lieutenant dans la compagnie de Schauenburg du régiment d’infanterie allemande d’ Alsace dont le colonel est le baron d’Enebeck. Ses lettres de service sont délivrées à Strasbourg par Maximilien Joseph, prince palatin du Rhin, duc de Bavière et de Juliers, colonel propriétaire du régiment d’infanterie d’ Alsace au service de sa majesté très chrétienne. A noter que Maximilien Joseph, le prince palatin était souverain des territoires où Jean Baptiste était bailly. Une ordonnance du 31 Décembre 1789, signée du Roi Louis XVI

nomme Valentin qui n’avait pas encore dix sept ans, sous lieutenant à la compagnie d’ Aminoff au régiment royal d’infanterie suédoise dont le colonel propriétaire est le comte de Farsen ( sans doute le fameux chevalier servant de Marie Antoinette) . L’ ordonnance de nomination le qualifie pour la circonstance : Valentin de Sadoul.

 

   Ces nominations montrent, à côté sans doute du mérite du jeune homme l’influence que pouvait avoir alors son père.

Valentin était jeune officier au moment où allaient commencer les guerres de la révolution. Peut être y aurait-il fait son chemin, mais il mourut le 27 février 1791, à 18 ans, alors que son régiment tenait garnison à Valenciennes ; il fut enterré le lendemain au cimetière de la paroisse Saint-Jacques.

 

 

   Jean Baptiste exerça ses fonctions de Juge au tribunal de Strasbourg pendant trois ans environ, il mourut à Strasbourg le 29 Brumaire an VII ( 19novembre 1798). il habitait alors rue du Dôme 17, à l’angle de la rue Brûlée. La maison était un vaste immeuble, autrefois propriété du grand chœur de la Cathédral, vendu à la révolution comme bien patronal. elle à été brûlée en 1870 pendant le siège de Strasbourg.

 

 

   Bien entendu, après ce qui vient d’être dit, il va de soi que la succession de Jean Baptiste Sadoul était loin d’être opulente. Ses enfants l’acceptèrent d’abord sous bénéfice d’inventaire, puis y renoncèrent quand il fut établi que le passif de la succession était de 1.634frs 70 et l’actif de 428 Frs 80 seulement.

 

 

   Cependant le 26 fructidor an IV, le relevé des créances appartenant à la famille Sadoul avait été dressé, le total s’élevait à une somme assez importante 1113.055 Frs 68, y compris 11.000 Frs pour la moitié d’une maison à Oberotterbach. Mais s’agissait-il d’assignats ou de francs métalliques ? On peut penser que jean baptiste renonça à sa part et qu’en compensation ses enfants s’engagèrent à lui verser la pension annuelle de 600 livres dont il est question plus haut.

 

 

   A noter que dans cet inventaire de l’an IV figure une somme de 900 livres que notre aïeul avait prêtée à la loge maçonnique de Wissembourg. Il était en effet franc maçon et j’ai entendu dire que, plus tard, une de ses descendant brûla avec indignation ses insignes maçonniques. C’est dommage pour les collectionneurs de la famille et d’autant plus regrettable que les tendances de la franc maçonnerie de ce temps étaient fort différentes de celles d’aujourd’hui au point de vue religieux.

 VOIR L’historique des relations  de Jean Baptiste Sadoul avec la franc-maçonnerie

 

  VOIR   ARTICLE DU NOUVEL OBSERVATEUR  n° 20 33  23/29 Octobre 2003 Pages Alsace Lorraine

 

   On sait par exemple qu’en 1817 à la mort de Fualdès, la célèbre victime du drame qui donna lieu à la plus grande affaire judiciaire qui soit, les franc maçons de Rodez firent célébrer à la cathédrale une messe pour le repos de l’âme de leur frère. au XVIIIéme  , un très grand nombre de gens éclairés faisaient partie de la franc maçonnerie, quelles que fussent leurs opinions religieuses. il faut croire cependant que dés le début du XIXéme  siècle, les dames dévotes avaient en horreur les franc maçons.

 

 

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les fils et filles de Jean-Baptiste

 

 

   Outre notre aïeul Jean Louis Martin, j’ai déjà noté Marie Jean Baptiste Valentin Mort à 18 ans, le 27 février 1791,

sous lieutenant au Royal Suédois, en garnison à Valenciennes.

     On trouve encore :

 Marie Anne Walburge Sadoul, née le 7mai 1775, qui épousa un Monsieur Arent ( pas d’autres renseignements)

       

        Charles François Marie , dit Charles né le 1 Mars 1774. Pas d’autres indications.

 

        Deux autres fils s’engagèrent jeunes :

         Charles Etienne né le 12 Mars 1777 était en l’an VI Hussard au II°  régiment . On a de lui quelques lettres qui

        sont bien celles d’un soldat en ce sens qu’elles se bornent à demander de l’argent à sa famille pour améliorer

        l’ordinaire. Son orthographe est très fantaisiste et surtout très alsacienne, il écrit français comme il parle, c’est  à

        dire en dialecte. Ainsi dans une lettre , il dit qu’il a été à la bataille de Lodie. s’agirait-il de la fameuse bataille de

        Lodi et de Bonaparte. On ne sait trop. on le voit à Besançon , à Annecy, à Marseille, le ton de sa correspondance

        ne varie pas ; ce sont toujours des demandes d’argent. Charles Etienne devait être un personnage assez turbulent le

        27 florial an VI , 18/9/1797, il écrit qu’il s’est disputé avec un camarade , puis qu’il s’est battu avec lui en duel au

        sabre et qu’il a eu le petit doigt de la main droite coupé. Il espère bien qu’on va lui donné son congé , le

        10 prairial an VI , 29/5/1798 , il écrit qu’il a son congé, que sa blessure est peu de chose mais qu’il a simulé

         devant les chirurgiens. Il va revenir a Strasbourg, et il donne sa parole d’honneur qu’il agira comme un brave

         enfant ; il reconnaît qu’il est obligé de changer de caractère , car on ne reste pas toujours jeune . Après cet aveu,

          indiquant que Charles Etienne a du faire pas mal de bêtises, il demande qu’on lui envoie deux louis, ce qui est fait

          . La lettre ne devait pas avoir d’autre objet que de carotter les deux louis , car il n’a pas son congé du tout. Le

            4 messidor an VII, 22/6/1799, il est à l’hôpital de Marseille , il revient de l’armée d’ Italie , il a reçu un coup de

            fusil et deux coup de sabre , son cheval a été tué . Bien entendu   il demande de l’argent , cette fois pour

           s’habiller . Un Monsieur Quinon, qui a été son tuteur et continue à s’occuper de ses affaires,  ne l’oublie pas

            d’ailleurs et il lui fait verser par l’administration du régiment une haute paie de 12 livres par mois . Il devait donc

            rester encore à la famille Sadoul quelques débris de son ancienne fortune. en Thermidor an VII Juillet 1799,

            il est à Aix en Provence , il n’est pas encore guéri, il pense être envoyé à l’armée du Rhin . En l’an XI 1803 ,

            il est à Hoenheim et il achète pour 300 francs un cheval au citoyen Isaac Lévy le 4 pluviose an XII

            25 Janvier 1804 il donne procuration à son beau frère Pierre Coze pour toucher les intérêts d’une créance Lebel

            et de remettre 300 francs au maquignon Isaac Lévy  qui n’est pas encore payé. C’est fini, à partir de ce jour de

            pluviôse an  XII fin 01/1804, Charles Etienne disparaît et on n’entend plus parler de lui.

 

            Un autre militaire est Joseph Marie, né le 28/3/1779. Il a été volontaire du Bas-Rhin, puis le 10 thermidor an VI   

             28/7/1798, il s’est engagé au 13ème régiment de dragons à Colmar . Ce dragon est plus sérieux que son frère

             le hussard, il a aussi plus d’instruction  et il écrit bien.

 

             Dés son arrivée au régiment, il espère qu’il pourra bientôt être nommé sous officier , puisqu’on lui comptera

              son temps de service au volontaires du Bas-Rhin . Il commence par se faire faire un uniforme de fantaisie, pour

              paraître aussi bien que plusieurs jeunes gens de famille qui sont au corps ; mais comme il ne peut le payer, il le

              rend au tailleur .

 

               Finalement Quinon son tuteur ( Joseph n’a encore que 19 ans) lui envoie de l’argent et il peut avoir son

               uniforme .

 

               en l’an XI (1803), Joseph est à Mayence. ensuite silence complet.

 

                Nous sommes un peu mieux fixés sur une sœur plus âgée, Marie Thérèse Paule Antoinette Charlotte, dite

                « Thérèse », née le 14 juillet 1766.

 

                 Elle épouse avant la révolution Française, François Antoine Joseph Queffeme, avocat

              au conseil souverain  d’ Alsace   et Bourguemaître (sic) en la ville de Wissembourg. La famille Queffeme avait 

             en Alsace une situation en vue. Le père du marié était  un avocat  célèbre  du conseil souverain; un de ses

       frères était conseiller au conseil souverain ; il devint sous l’ Empire, Président de chambre à la cour d’appel de Colmar,son fils lui succéda. de cette branche des Queffeme  descendent les de Dardemelle, Sequinot de Préval, Guy

             de Bellac, des Aulnois, de Crovisier , familles fixées en Lorraine. Nous ne sommes d’ailleurs pas parents.

             Pendant la Révolution, notre Queffeme adopta des idées avancées, ce qui le brouilla avec sa famille.

            D’ avocat ; il devint officier de gendarmerie, il devait arriver au grade de colonel. Dans ses fonctions il paraît

                  avoir fait preuve de beaucoup de zèle. le 17 messidor an II ( 5 juillet 1794) quelques jours avant

                 le 9 thermidor an II (27 Juillet 1794) et la chute de Robespierre, il était chef d’escadron de la 17° division

                  de la  gendarmerie nationale, et il reçoit l’ordre de Maironi , agent national du district de Strasbourg , de

                  rechercher les suspects et les prêtres qui exercent encore leurs fonctions, notamment le curé d’Illkirch

                  qui s’est permis d’ouvrir les temples , de baptiser et d’exercer les fonctions supprimées. On lui donnera les

                 forces nécessaires, on fouillera les villages, on fera  des perquisitions, on organisera en somme une sorte de

                 grande battue à travers tout le département du Bas-Rhin. on ne sait comment le chef d’escadron Queffeme

                  se tira de cette mission.

 

                  Thérèse Sadoul, épouse Queffeme , mourût jeune elle n’était déjà plus en l’an VII ( 1799) . Elle avait eu six

                   enfants  .Un fils Louis militaire mourut pendant la campagne e Russie en 1812. Un fils Louis militaire, né

                  vers 1797, était en 1829, brigadier au 6°  escadron des lanciers de la garde royale et élève officier à l’école de

                   cavalerie de Saumur . Dans la nuit du 10 au 11/7 1820 pris d’un accès de somnambulisme, il tomba d’une

                  fenêtre et se tua . l’acte de décès donne à sa mère la particule de  Sadoul  C’était, on l’a déjà vu pour

                 Valentin, fils de Jean Baptiste , l’habitude pour les officiers des corps distingués et notre Queffeme était

                 dans la garde royale. Le ménage Queffeme-Sadoul eut trois filles connues , l’une religieuse au couvent de la

                 Visitation à Metz vivait encore en 1857, une autre fit un mariage avantageux en Belgique, la troisième

                 épousa M. Valentin pharmacien à Porrentruy ( renseignements donnés à mon frère par M. Guy de Bellocq

                 descendant d’une autre branche des Qeffeme.

 

 

                 Quelques actes existent concernant les Queffeme . L 9 avril1790, ils reconnaissent devoir à Jean Baptiste

                  Sadoul , leur père et beau père, un somme de 6000 Livres tournois que celui-ci vient de leur prêter. Je

                 note ce fait parce qu’il prouve qu’en 1790 la situation  pécuniaire de Jean Baptiste était encore aisée et que ce

               sont surtout les bouleversements de la révolution qui l’ont diminué ou plutôt anéantie. Le II germinal an VII

                22 Mars 1797 cette créance dont les intérêts sont régulièrement payés fait l’objet d’une inscription

                hypothécaire à Wissembourg.

                 Puis à propos de cette créance, un acte curieux, en 1802 . Le père de Queffeme est mort. Son Altesse

                 Sérénissime, Monseigneur l’électeur de Bavière à Munich, lui doit, pour on ne sait quelle raisons , 6000 livres

                Les Héritiers de Jean baptiste chargent un mandataire de faire toutes les démarches nécessaires près de son

                 Altesse Sérénissime pour se faire payer cette somme qui servira à Joseph Queffeme, Héritier de son père à 

                 payer ce qu’il doit à la succession de Jean Baptiste. Espérons que ces démarches prés d’un haut personnage

                que Napoléon devait faire roi furent couronnées de succès. 

        

                

 

 

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LES BRENTANO

 

 

  VOIR AUSSI L’ ETUDE ENEALOGIQUE TRADUITE DE L’ALLEMAND PAR M VERRIERRE

   Aux dossiers de mon frère se trouvent pas mal de renseignements sur les  BRENTANO, malheureusement ils sont pris de telle façon qu’ils ne sont pas clairs. La mémoire de mon frère complétait ces documents dont beaucoup ne sont pas utilisables.

 

    Le nom de BRENTANO se trouve encore aujourd’hui en Allemagne ; il est porté par des personnages ayant une certaine notoriété et dont certains sont indiqués dans ces dossiers. L’un BRENTANO de Tremezzo, habitait Offenbach, après FRANKFURT en 1917 . J’ai trouvé, au col de la Chipotte, la tombe d’un BRENTANO, lieutenant au 8éme Bataillon de chasseur allemand, en garnison avant la guerre à Sélestat, tué dans les combats d’ Août et septembre 1914. Cette tombe était avec 5 ou six autres, là où se trouve le monument des coloniaux. Elle a été relevée lors de l’érection de ce monument en 1917.

 

 

   Les Brentano étaient originaire de la haute Italie, de la région du lac de Côme. un arbre généalogique au dossier remonte jusqu’à Magnifico don Antonio Brentano, nobile au lac de Côme de 1480 à 1500, qui serait notre ascendant.

 

  Notre trisaïeule Paule Marie Thérèse Brentano, épouse de Jean Baptiste SADOUL, avait pour père Carlo Antonio Marie Brentano né en 1698 à Bolvedro (Italie) Il avait épousé à Bonsenzo/Castillo-Cimaroli en 1724, Kaifua Marie Théronia  Brentano de Cimaroli 5peut être une de ses parentes). Il mourut à Frankfort en 1748.

 

 

   Sa veuve se remaria avec Jean Antoine von Mügnoni ou Muignoni( Nom encore à tournure italienne) et mourût à

Strasbourg en 1783.

 

Notre ancêtre, Paula Maria Thérèsia (Paule Marie Thérèse) naquit à Frankfort le 15 10 1728 ; elle n’en est pas moins italienne de pur sang. Son père était déjà établi à Francfort avant son mariage en 1724. On trouve   en effet des Brentano dans la région rhénane dès avant cette date. un Charles Brentano est reçu Bourgeois de Frankfort le 17 mai 1704, un autre Antoine, le 23 Juin 1723( c’est peut être le notre) Un Brentano est négociant à Strasbourg, Grande Rue, au début du 18ème siècle. Avant encore, en 1644, un Jean Martin Brentano était marchand de citrons (Citronen krämer) à Frankfort.

 

 

     D’après l’arbre généalogique qui n’est pas très compréhensible, il est l’ancêtre de Mme Jean Baptiste SADOUL. Il

 en résulte que les Brentano, quoique établis à Frankfort depuis longtemps, étaient restés en contact très étroit avec

l’ Italie , que notamment ils retournaient s’y marier.

 

 

   Nos arrières grand parents étaient, on peut les dire d’une façon certaine, à la tête d’un commerce de fruits du midi. On

trouve aux parents Brentano au moins dix enfants ; c’est un minimum, car il est probable que certains actes n’ont pas été trouvés. Par contre, quelques un de ces enfants son certainement morts , mais il doit en rester pas mal, et cependant les parents peuvent faire à leurs fille, Mme SADOUL, la dot très considérable de 150000 livres( 1 million et demi,

 sinon plus, d’aujourd’hui je l’ai déjà fait remarquer). J’ai dit aussi que Frankfort était ville libre, siège d’un grand commerce international, et il est probable que le commerce de fruits Brentano s’exerçait à la fois sur l ’Allemagne,  la région rhénane et la France. A ce propos, il est bon de noter qu’à cette époque les habitants du couloir rhénan que ce soient l’ Alsace , Mayence, Frankfort ou Bade , ne se considéraient pas du tout comme des ennemis Héréditaires, mais entretenaient entre eux d’excellents rapports de voisinage. Ils étaient d’ailleurs partagés entre des nationalités très diverses ; l’unité allemande commence aux guerres de la révolution et surtout de l’ Empire pour s’affirmer en 1866 et 1870. A Frankfort toutes les nationalités se rencontraient. En 1728, Marie Paule Thérèse a pour marraine Marie Thérèse Carravi, épouse de M. Lachausse, médecin des armées. Le nom de Lachausse semble bien indiquer qu’il devait s’agir des armées françaises. en 1798, une correspondance d’un Joseph Brentano de Frankfort montre qu’il écrivait en français comme s’il était sa langue maternelle.

 

 

   Les relations de famille entre les SADOUL et les Brentano paraissent avoir été excellentes. Le père Brentano de Francfort devait avoir eu à se féliciter de son gendre Jean Baptiste, puisque son fils Jean Charles épouse une sœur de

Jean Baptiste, Anna Maria en 1764, Si cette arrière grand tante lointaine à laissé des descendants, ceux ci sont certainement devenus allemands. L’ officier de chasseur tué à la Chipotte serait-il un de ceux-là ?

 

 

   En outre, on voit apparaître les Brentano dans les cérémonies de famille, comme parrains et marraines notamment.

 

 

   La dernière trace que je trouve des Brentano est une correspondance en 1798 de Joseph Brentano. Négociant à

Francfort  avec Quinon, le tuteur des enfants encore mineurs de Jean Baptiste. Quinon lui réclame le remboursement d’un prêt dont le montant n’est pas indiqué que lui ont fait jadis M et Mme Jean Baptiste SADOUL . Joseph Brentano se fait tirer l’oreille, il dit que le commerce ne va pas, que l’argent se fait rare, nous sommes en 1798 ; Joseph Brentano avait raison. Mais il devient de mauvaise foi. Comme Quinon insiste, il lui répond que ce n’est que par pure amitié pour Mme SADOUL qu’il a accepté le prêt. En effet il payait 4% d’intérêts alors qu’il aurait pu emprunter ailleurs à 3 et 31/2 % .Il reconnaît bien qu’en 1798, on paie 8 mais comme il a longtemps payé 4%, il trouve que cela fait compensation. Joseph Brentano était pour le moins un roublard.

 

 

   Il reste encore des Brentano une tradition qui est probablement une légende. C’est celle du fabuleux héritage qui aurait échappé aux descendants de Jean Baptiste SADOUL et de Paule Brentano. Cette tradition dont mon grand-père parlait qui est encore connue de Mme Devallée et de Mme Sérot , dit qu’un Brentano, notre parent, aurait laissé une très grosse fortune et que comme il avait manqué une  pièce pour prouver la parenté, cet héritage serait allé aux hôpitaux de Milan.

 

 

   Il existe aux dossiers quelques lettres qui éclaircissent assez complètement cette affaire et lui donnent une physionomie très différentes de celle de la tradition familiale. Cela n’étonnera que ceux qui ne se sont jamais rendu compte combien les souvenirs des hommes se déforment et s’amplifient.

 

 

   Donc, vers 1830, serait venu en Alsace un homme d’affaires qui recherchait les héritiers d’un Brentano d’ Italie.

La famille ne semble pas y avoir prêté grande attention et c’est seulement en 1845 qu’on se rappelle cette affaire déjà vieille de quinze ans. Mme Laurence et Mme Rabiat, filles du Commandant SADOUL et nièces de mon grand père,

vont à Frankfort, trouvent un curé qui leur remet l’acte de naissance de Paule Brentano épouse de Jean Baptiste, la liste de ses frères et sœurs nés dans la paroisse, et leur montre le portrait d’un Brentano avec lequel Mme Rabiat se trouve de la ressemblance. La dessus, on ne parle plus de rien ; quinze ans se passent encore en 1860 seulement certain membres de la famille repartent en quête de la succession. C’est le Docteur Léon COZE qui paraît surtout s’y intéresser.

 

 

   La succession est maintenant de 18.000.000(dix huit millions) tantôt ce sont les hôpitaux de Milan qui ont hérité,

tantôt le Brentano a laisser sa grande fortune à l’église pour qu’il soit célébré des messes pour le repos de son âme. Si je me souviens bien, mon Grand père disait plutôt que c’était la cathédrale de Milan qui avait hérité. Mais , point essentiel, personne ne sait si le fait est exact, personne ne connaît l’identité de l’homme aux millions. Enfin, une lettre est envoyée

à Milan pour avoir des renseignements,  c’était évidemment la seule chose à faire. La réponse n’est pas au dossier. S’il

y en a eu une, elle a du être assez décevante, car, depuis, la famille SADOUL, n’a plus fait de démarches pour entrer en possession des 18 millions. Le certain, c’est que la tradition d’un seul acte d’ état-civil qui aurait manqué pour établir la filiation est inexacte, on  ne savait même pas le nom du défunt Multimillionnaire, on ignorait donc la parenté qu’il fallait établir ; on n’a jamais produit un seul acte. Mme Laurence et Mme Sabiat se sont procurées en 1845, l’acte de naissance de leur arrière grand-mère, et c’est tout ; en 1860 elles ne savaient même plus ce qu’il était devenu.

 

 

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La famille COZE

 

 

   Si nous ne savons que des choses assez vagues sur la plupart des enfants de Jean-Baptiste, par contre nous sommes beaucoup mieux renseignés sur une fille . Pauline Sadoul et nous avons conservé jusqu’à aujourd’hui les relations les plus cordiales avec quelques unes de ses descendantes. Marie Paule Thérèse, dite Pauline Sadoul était née le 26 Avril 1768, elle épousa le 26 avril 1791 Pierre COZE, alors chirurgien major au 12° régiment de chasseur à Lunéville et avant à Sélestat.

 

 

 Pauline Sadoul, épouse COZE était fort séduisante. Nous avons d’elle un ravissant portrait qui m’a été donné par un des ses descendant, M Trombert, mort en 1923, juge honoraire au tribunal d’ Angers ( les indications nécessaires sont portée derrière ce portrait).

 

 

   Pierre COZE était né le 17 Août à Ambleterre ( Pas de Calais). Le 26 mai 1779, il est médecin-major du régiment de Champagne cavalerie Je viens de dire qu’en  1791 ? Lors de son mariage , il était chirurgien major au 12° chasseur à cheval à Lunéville. Il est ensuite nommé médecin en chef de l’armée de Sambre et Meuse. en 1794, il abandonne la médecine militaire  et devient professeur de clinique interne à l’école de près la Faculté de médecine de Strasbourg ;

la même année, le 3 juillet 1794 il est nommé doyen de la Faculté de médecine. il mourût le 25 Juin 1821 d’une attaque d’apoplexie. Son éloge fût prononcé par le Professeur Tourdes, appartenant lui aussi à une belle famille de médecin de Strasbourg avec laquelle mes grands parents étaient très liés. Mme Pierre COZE née Pauline Sadoul ne survécut guère à son mari elle mourut le 13 janvier 1824.

 

Leur fils Rozier COZE (1795-1875) fut aussi professeur à la faculté de médecine de Strasbourg; il en devint également le doyen; il prit une grande part à l’organisation de l’école du service de santé militaire de Strasbourg.

Rozier COZE eut deux fils. Nous avons bien connu l’aîné , Léon (1819-1896). Léon COZE était comme son père et

son grand père professeur à la faculté de Médecine de Strasbourg. Il avait débuté comme médecin de campagne à

Sainte Marie aux mines (68) où il resta 8 ans, puis il était revenu à Strasbourg. A signaler que volontairement , il alla

soigné les cholériques à Gray en 1865, et qu’en 1870, il fut médecin principal de l’armée sans doute au siège de

Strasbourg. Il vint à Nancy , lors du transfert de la Faculté de médecine de Strasbourg à Nancy après la guerre de1870.

Le professeur Léon COZE était un digne et excellent homme. D’un premier mariage il avait eu deux enfants, un fils

Vital qui fut aussi médecin et que je n’ai pas connu, mais qui était m’a t’on dit, un homme très intelligent, un peu

bohême ; il est mort à un age avancé il y a quelques années, laissant plusieurs enfants dont un fils, Fulbert, est actuellement médecin au Puy(Hte Loire) Nous ne nous sommes jamais vus mais nous continuons à nous envoyer des faire-part aux évènements de famille. Le docteur COZE a une sœur Mme GASSER dont le mari, après avoir été

greffier de justice exerce maintenant je ne sait quelle profession. Les GASSER ont de nombreux enfants dont plusieurs

sont élevés par leur grande tante Mme RAISSEL 

 

Une fille du mariage de M Léon COZE épousa Mr BRUNET directeur de l’usine à gaz de Châlons-sur-Marne ; Elle eut

de nombreux enfants, elle perdit 3 fils pendant la guerre, dont René Brunet, capitaine au 10° Bataillon de chasseur à pied, tué le 25 Août 1914 à Ste Barbe près de la Chipotte. René BRUNET  avait lui même de nombreux enfants dont deux sont entrés dans les ordres.

 

 De son second mariage, Léon COZE  eut deux filles. L’ aînée , Berthe se fit religieuse à  Versailles et mourut assez jeune ; l’ autre Jeanne épousa M ROUSSEL ? Professeur à l’école forestière , elle n’eut pas d’enfant . Depuis la guerre,

elle s’est retirée dans le midi, nous sommes toujours en relation affectueuse avec elle.

 

Léon COZE avait un frère Émile qui fut directeur de la compagnie du gaz à REIMS et auquel succéda son fils André. Il

a laissé plusieurs enfants que nous avons perdu de vue et notamment un fils Édouard , directeur de la compagnie du gaz à Beyrouth, qui épousa une princesse russe, Sophie Dabidja, sur laquelle nous n’avons jamais été très renseignés.

 

Des détails plus complets sur la généalogie des COZE se trouvent dans les dossiers de mon frère. On peut les y

chercher. Je juge inutile de les reproduire ici, pour ne pas alourdir mon exposé qui doit rester dans les lignes générales.

 

Je note seulement que notre cousin Trumber , célibataire, mort juge honoraire à Angers, le 25 Juin 1923, à l’age de

79 ans, descendant des COZE avait une sœur , Mme Humbel qui a laissé des descendants et un frère sans enfants.

Il avait un cousin germain descendant des COZE , M Fürst , qui resta en Alsace après la guerre de 1870. Il entra dans

 la magistrature allemande et mourut un peu avant la fin de la guerre, président du tribunal de Saverne. Il fut mêlé

d’assez prés à la retentissante affaire de Saverne en 1913 ( incidents lu Lieutenant Förstner et du Colonel Reuter)

 et il fit preuve à ce moment d’une grande indépendance de caractère, comme d’ailleurs d’autres magistrats du tribunal qui étaient tous je crois d’origine allemande.

 

 

 

 

 

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Jean Louis Martin SADOUL  1762 1845

 

 

   Mon arrière grand-père est né à Strasbourg le 10 Novembre 1762. Le 12 Janvier 1787, il épousa à Lauterbourg

Marie Anne Spitz, dont le père était bailli de Lauterbourg. La jeune Madame Louis Sadoul n’avait guère plus de 18 ans

,elle était née le 19 décembre 1768 à Lauterbourg. Notre bisaïeul mourut le 1er juin 1845, dans sa 83éme année

sa femme était morte le 22 janvier 1835Tous deux sont enterrés au cimetière de Sélestat et nous entretenons toujours

 leurs tombe.

 

    De ce mariage sont nés cinq enfants.

 

Marie Anne Baptiste Pauline ( 2 avril 1788- 5 août 1858 ) .Mariée jeune, elle divorça peu après et ne se remaria pas

 

Joseph – (13Avril 1789 Novembre 1852)

   Commandant d’infanterie , eut deux filles Mmes Laurence et Rabiat, Branche aujourd’hui éteinte.

Marie Marguerite ( 15 Germinal an II ( 4/4/1794)  13 Avril 1863). Épousa Jules de Rey . Ses Petites filles sont Madame

Devallée et Mme Grivet. Toutes deux sont sans enfants. Au même degré descend de Mme de Rey, le général Ferru,

actuellement en retraite à Beaune (Côte d’ Or). Il a deux enfants, un fils et une fille. Nous n’avons guère conservé de relations avec lui, en dehors d’envois de faire-part.

 

 

 

Louis  né en 1795 – 8 mars 1863

Docteur en médecine- se fixa à Woerth  Bas Rhin. Ses descendants sont les deux Sadoul de Figeac, Mme Sérot et

son fils Pierre.

 

Marie Joseph Sébastien Victor

   qui est mon grand père . Il était beaucoup plus jeune que ses frères et sœurs ( 22 ans de moins que l’aîné )étant

    né à Spire le 20 Janvier 1811. IL mourut à Raon le 25 mai 1891. 

 

   Les évènements de la Révolution, puis de l’empire devaient faire à mon arrière grand père une existence mouvementée

    au moins dans sa première partie. Et pourtant la vie semblait s’annoncer pour lui douce et facile. Son père était riche,

   considéré, il réservait à son fils la charge de grand bailli, la famille de sa femme était aussi honorable et aisée. Il

   semblait que Louis Sadoul n’eut qu’à se laisser vivre . Combien les événements déroutent les prévisions des hommes. Jadis, nous aurions mal compris ces bouleversements. La guerre de 1914 et ses suites, en diminuant dans de proportions

  très considérables nos situations, nous font malheureusement comprendre trop bien ce qui est arrivé à nos arrières

    grands parents, Jean Baptiste et son fils Louis, sans parler des frères et des sœurs de celui ci.

 

    Louis Sadoul fait ses études de droit, il est licencié de l’ Université de Strasbourg et , le 12 février 1784, il prête

     serment d’avocat devant la première chambre du conseil Souverain d’ Alsace  à Colmar.

 

   Fin 1786 , il vient d’avoir 24 ans, il est sur le point de se marier, et son père va lui assurer sa succession dans sa charge de bailli. L’acte qui fait de lui le coadjuteur de son père se trouve au dossier ; il est intéressant. Le 13 Décembre 1786,

Charles II, par la grâce de Dieu Comte Palatin du Rhin, Duc de Bavière, Juliers, Clèves et Berg ? Prince de Meurs ,

Comte de Veldenz, Sponheim et Ribeaupierre, Seigneur de Ravenstein et Hohenack nomme avec toutes les formules laudatives dans ce genre d’acte :

                                         Jean Louis Martin Sadoul

Juge et Bailli en survivance de ses seigneuries de Gouttenberg , Hagenbach et Seltz, situé en Basse Alsace  pour qu’en

cas e décès ou de démission volontaire de son bien-aimé Jean Baptiste Sadoul , il soit reconnu en cette qualité  et

jouisse de tous les droits privilèges, honneurs émoluments et appointements attachés à ces fonctions.

 

 

   Le 4 Janvier 1787, en son hôtel  de Strasbourg, Maximilien Joseph, Prince Palatin des Deux Ponts(ensuite la même longue liste de titres que pour Charles II) après avoir examiné les provisions accordées par son très honoré frère

Charles II , Duc régnant des Deux Ponts , à Jean louis Martin SADOUL leur donne don adhésion.

 

 

   Quatre jours après, le 8 Janvier 1787, le Conseil Souverain d’ Alsace enregistre ces sortes de lettres patentes et le mariage suit de très près, le 12 Janvier. Louis Sadoul apporte en dot 24000 livres lui venant de la succession de sa mère.

24000 Livres , 250000Francs au moins et il y a encore neuf enfants vivants de Jean Baptiste- très  belle situation.

Il va avoir bientôt les revenus de la charge de son père que celui ci évalue à 12000 livres( 120 à 150000 Francs). Le jeune Sadoul était un parti très avantageux. Il reconnaît  à la future une somme de 5000 livres à titre de Morgengaab .

De leur côté les parents Spitz font à leur fille une rente annuelle de 1200 livres(12000 à 15000 Francs) ils lui donneront aussi un trousseau convenable à son état

 

En 1788, Jean Baptiste ne conserve que le bailliage de Gouttenberg et son fils

Louis devient  bailli de Seltz et Hagembach, après avoir été agréé , les 12 et 15 Janvier 1788, par le conseil souverain d’ Alsace. La même année il succède à son père comme subdélégué de l’intendance d’ Alsace. Enfin, Jean Baptiste donne sa démission pour Gouttemberg  et le 1er Septembre 1789 , le duc des Deux Ponts, Charles II , institue Louis Sadoul

  dans ses fonctions de Grand Bailli. Ces fonctions il ne devait pas les conserver longtemps. une loi du 3 novembre 1789

  déclare que les anciens corps judiciaires sont incompatibles avec la nouvelle constitution et elle les met en vacances.

La loi du 16 Août 1790 les supprime, elle décide que désormais les magistrats seront élus par le peuple et installé au

nom de la Nation. Voilà le Jeune Bailli sans situation. La chute des assignats lui fera perdre à lui aussi toute sa

fortune, il le précise dans une demande qu’il adressera beaucoup plus tard en 1814, au Chancelier Ministre de la Justice

, pour obtenir un emploi. c’est à cette demande que la plupart des détails qui vont suivre sont tirés.

 

 

   En 1793, il est arrêté et détenu comme suspect, il se justifie sans doute assez vite, car il est bientôt remis en liberté

et il devient secrétaire en chef de l’administration du district de Saar-union ;

 

Il l’est déjà le le 15 germinal an II ( vendredi 4 Avril 1794) Lors de la naissance de sa fille Marguerite Marie. Il avait

donc été libéré avant les mois les plus tragiques de la Terreur( été 1794 jusqu’au  27 Juillet 1794) et sans doute n’était il

pas considéré comme un contre révolutionnaire dangereux , puisqu’il avait été pourvu d’un emploi administratif.

 

   La constitution de l’an III ( celle qui établissait le directoire en 1795)  supprime les administrations de district.

 Louis Saoul est alors élu électeur du collège électoral du Bas Rhin et élu par ce collège administrateur du département

 du Bas Rhin. Il remplit ces fonctions jusqu’au coup d’état du 18 fructidor an V( 4 Septembre 1797) après lequel les

  élections du bas Rhin furent annulées comme ayant été influencées par le parti royaliste (Septembre 1797)

 

    Louis Sadoul résolut alors de s’établir à Mayence ; il trouva dans cette ville si nouvellement française, la

protection du Commissaire  général qui organisait les quatre départements de la rive gauche du Rhin. C’était

Jean Joseph Marquis, qui devait devenir bientôt préfet du département de la Meurthe et dont le nom est encore bien

connu de tous ceux qui font des recherches sur l’époque impériale en Lorraine. Marquis attacha Louis Sadoul au tribunal

  en qualité de défenseur officieux ( le titre d’avocat , on le sait, avait été supprimé et ne sera rétabli qu’en 1810).

 

Louis Sadoul resta avocat jusqu’à l’époque du consulat. Le 22 Floréal an VIII ( 12 Mai 1800) Le nouveau commissaire

 général, le citoyen Shée , le nomme administrateur du département du Mont Tonnerre ; bientôt Bonaparte crée

les sous-préfectures  et Louis Sadoul est nommé sous-préfet de Spire département du Mont Tonnerre (Chef Lieu

Mayence) . Son décret de nomination est signé Cambacérès en l’absence du Premier <Consul. Pourquoi Bonaparte

n’était-il pas là ? Il est facile de la dire , le décret est de juin 1800 et la bataille de Marengo se livra le 14 Juin. Le

commissaire général Shée écrit au nouveau sous-Préfet qu’il recevra son serment prévu par la constitution en présence

du Peuple assemblé le jour de la célébration du 14 Juillet(1800)

 

   Louis Sadoul ne devait pas porter longtemps l’uniforme de sous-préfet de Bonaparte , deux ans , pas plus. Le 20 Juillet

1802 il est nommé sous-préfet de Pontarlier (Doubs) .Pourquoi ? J’ai entendu dire qu’il avait déplu par son

  indépendance  au gouvernement consulaire. Sur sa tombe il fut dit par Drion, Président du tribunal de Sélestat qu’il

ne résigna son emploi que lorsque les exigences du pouvoir lui parurent inconciliable avec les prescriptions de sa

   conscience .En 1814, il écrira seulement que des intérêts de famille et la médiocrité de sa fortune ne lui permirent

  point  un déplacement aussi dispendieux et qu’il fut forcé de donner sa démission. Cette nomination de Spire à

  Pontarlier devait sans doute cacher une demi disgrâce.

 

 

   Sous-préfet démissionnaire, il se fit avocat avoué à Spire. Dans sa nouvelle profession il trouva sans doute quelques avantages puisqu’il l’exerça jusqu’aux événements de 1814. c’est pourquoi mon grand père naquit à Spire le

 20 Janvier 1811  , deux mois jour pour jour avant le Roi de Rome.

 

 

   Le traité de Paris et l’annexion de Spire à la Bavière Rhénane bouleversèrent une fois de plus la vie de notre aïeul .

Il a maintenant 52 ans, des enfants encore jeunes, mon grand père en bas âge et il est sans situation. C’est alors

le premier Juin 1814, qu’il adressa deux demandes où il rappelait sa vie et ses états de services, l’une au chancelier,

  Ministre de la justice ?  pour obtenir un emploi dans l’ordre judiciaire, l’autre au ministère de l’intérieur pour être

nommé à un poste dans l’ Administration du Haut-Rhin ou du Bas-Rhin.

(Ces demandes se trouvent aux archives nationales, La première au fond du ministère de la Justice BB648, la seconde au

fond du ministère de l’intérieur FIBI (1731) )

 

   En attendant, il s’installa comme avoué à Wissembourg. La vénalité des offices n’avait pas encore été rétablie, elle ne

le sera qu’en 1816 et la profession d’avoué était libre. il n’obtint pas tout de suite satisfaction ; le 25 septembre 1816

seulement , il fut nommé Procureur du Roi à Sélestat ;

    D’après ses états de service, il ne paraît avoir pris ses fonctions que le 29 mai 1817. Il avait trouvé des protecteurs.

Le 18 Mars 1815, le Maréchal Suchet, duc d’Albufera, le recommandait au chancelier pour être nommé greffier  du

tribunal de Wissembourg, poste à la nomination du gouvernement, l’office n’étant encore pas vénal et il était  proposé

  par le président du tribunal. Suchet duc d’Albufera, avait commandé en Espagne et il est possible qu’il ait eu sous ses

 ordres et qu’il ait pu connaître et apprécier Joseph , le fils aîné de Louis Sadoul ? De là l’intérêt qu’il portait au père.

 

 

 

 18  mars 1815, la lettre de Suchet était écrite deux jours avant le retour de Napoléon et elle ne trouva plus le

    ministre de Louis XVIII à qui elle était destinée. Cambacérès  avait remplacé le 20 mars le vicomte d’Ambray.

De plus Suchet s’était rallié aux Bourbons. Le Roi l’avait nommé pair de France. Est ce pour ces raisons, le certain est

 que notre grand père ne fut pas nommé huissier.

 

 

   Le 18 Août 1815, nouvelle recommandation au Garde des Sceaux , qui était redevenu celui de Louis XVIII, c’était le

Baron Pasquier. Le 18 Août 1815 , le Duc de Dalberg écrit ; «  Je connais personnellement Monsieur Sadoul, il mérite

 l’intérêt et les bontés de Mr le Garde des Sceaux, M Sadoul est un magistrat habile et intègre. j’ai l’honneur de le

 recommander » Le Duc de Dalberg, d’une grande famille allemande, était entré au service de la France. Naturalisé

 Français ? il occupa des fonctions importante sous Napoléon et pendant la Restauration. Il est probable que Louis

 Sadoul l’avait connu pendant son long séjour dans la région Rhénane.

 

 

   Voilà donc notre grand père Procureur du Roi à Sélestat. Il va demeurer au tribunal de Sélestat pendant 25 ans et

 trouver enfin stabilité et tranquillité dans une existence modeste sans doute mais honorable. Il reste  dix ans procureur

; Le 14 Avril 1857, il est nommé Président. Il paraît avoir été un excellent magistrat ; à diverses reprises la Cour de

 Colmar et le Premier Président le félicitent de son zèle, de son activité et des résultats qu’il obtient.

 

 

 Mais l’âge venait, notre aïeul venait d’entrer dans sa 80éme  année, sa vue s’était affaiblie, ses forces déclinaient,

il avait perdu sa femme  le 22 Janvier 1835 . Il songe à prendre une retraite pour laquelle il n’y avait pas alors de limite

  d’âge . Une chose cependant le préoccupe et à très juste titre. Le 27Juin 1841, il l’expose au premier Président. En raison de sa santé et pour le bien du service, il prendrait de lui même sa retraite s’il était assuré d’avoir une pension.

 Mais il n’a pas les 30 ans de service réglementaires et si une pension lui était refusée , il serait obligé de rester

Président pour vivre, puisqu’il manque totalement de fortune. Or  il sait que des pensions sont parfois données

 avant 30 ans de services, il espère que pareille faveur lui sera accordée. Le 24 juillet 1841, le premier Président de Colmar signale cette situation au Garde des Sceaux et il insiste : « Monsieur Sadoul , dit il , est un magistrat plein d’honneur et de délicatesse, dont la conduite pendant la longue carrière qu’il a parcourue a constamment été

honorable . Les sentiments qui l’ont dirigé jusqu'à ce jour sont encore ceux qui le déterminent à demander sa retraite

   Sa position malheureuse lui fait une loi de s’assurer les moyens de pourvoir à ses besoins pour le temps qui lui reste

 à vivre. Vous comprendrez cette nécessité , M le Ministre, et vous tendrez une main secourable au vieux et

 respectable magistrat « 

 

   Des assurances sont sans doute données au Président Sadoul, il demande sa retraite et il yest admis le 5 octobre 1841.

 Le Roi Louis Philippe par ordonnance du 21 octobre 1841 le nomme chevalier de la légion d’honneur , distinction

alors rare. A la mort de mes grands parents, sa croix a été donnée a mon frère qui l’a placée au dessus de son bureau.

Le 9 mars 1842, sa pension est liquidée à 1.161 Francs, elle est basée sur 27 ans et 27 jours de services et un traitement

  moyen pendant les trois dernières années de 2580frs83 . C’était alors le traitement d’un Président de petit tribunal, c’est avec cette somme qui paraît aujourd’hui si modique qu’il devait vivre honorablement, élever ses enfants. Je note

en passant que ,sans fortune, avec son traitement, le Président Sadoul pus faire entreprendre et terminer des coûteuses

  études de médecine à l’un de ses fils. Il est vrai qu’il semble y avoir été aidé par Noël et peut être Joseph Spitz

  ses beaux frères et belle sœur( voir plus loin)   

 

 

  Il vécut encore trois ans dans la retraite et mourut à Wissembourg, Chez sa fille Marie-Anne, le 1 juin 1845 dans sa

83ème année. Il fut enterré le 4 juin à Sélestat prés de sa femme. Le Courrier du Bas-Rhin consacra à sa mémoire

un article élogieux et,  il faut le remarquer les journaux étaient alors moins prolixes qu’aujourd’hui. M Drion,

Président du tribunal, M° Dorlan bâtonnier et M° Dispot père, Président de chambre des avoués, prononcèrent

de discours sur sa  tombe. En faisant la part de la littérature obligatoire en pareille circonstance , je crois qu’on peut hardiment dire : Le  président Sadoul fut un fort brave homme.  

    

 

 

 

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La Famille SPITZ –RICHARD

 

   Notre arrière grand-père avait épousé le 12 janvier 1787 Marie Anne Spitz. J’ai déjà dit quelles étaient les conditions

   matérielles du mariage et la belle situation des jeunes mariés.

 

   La famille Spitz était très considérée en Alsace. Le père, Dominique Spitz, originaire d’ Epfig, était grand bailli de

Lauterbourg. Les publications de son mariage, le 7 février 1768, en l’église collégiale de Saint Martin de Colmar portent

 qu’il épousa la distinguée demoiselle Marie Anne Richard, file légitime de l’éminent et prudent seigneur Jean Baptiste Richard, conseiller du roi et garde des minutes auprès de la cour suprême d’ Alsace et de M. A Frics. Le mariage eut lieu

à l’église d’ Epfig. Ne prenons pas trop au pied de la lettre les épithètes ronflantes dont l’acte de mariage qualifie les

jeunes mariés et leurs parents, on en usait et abusait alors avec beaucoup de facilité, elles conservent néanmoins une

certaine valeur.

 

 

Les Richard par d’autres branches, les frères sœurs ou cousins de Mme Spitz Richard, ont laissé de nombreux

descendants  dont nous sommes les parents lointains. Il m’est agréable de noter que la famille Benckard-Taubfield ,

et par conséquent ma belle fille Madame Adrien Sadoul descend des Richard. On trouve aussi dans la même descendance, Ingold, inspecteur des forêts, Rudolphi, président de Chambre à la Cour d’Alger. Bucquot commandant de

gendarmerie, Camille André, imprimeur à Nancy, Rossé, notaire honoraire à St Nicolas. La filiation exacte de ces parentés éloignées n’est pas établie, elle paraît avoir pour point de départ chez les frères ou sœurs de mme Dominique

Spitz née Richard, belle-mère de mon arrière grand père Louis Sadoul.

 

 

  Madame Noël

  Marguerite Françoise Spitz était née le 13 novembre 1771. elle épousa le docteur Joseph Noël, né le 5 janvier 1753

à Bayon( aujourd’hui en Meurthe et Moselle) où son père était chirurgien juré. Joseph Noël était un personnage original

en même temps qu’un homme de valeur. Il fit ses études au collège de Nancy, devint docteur en philosophie, alla à Paris

,puis revint à Nancy où il enseigna l’anatomie . Médecin militaire, il prit part à des expéditions lointaines comme chirurgien major sur des vaisseaux  de guerre dans les campagnes de 1781 à 1783. D’après son éloge par le professeur

 Flamant . Il aurait embarqué sur le Neptune et aurait soigné Hyder Ali Kan. souverain de Mysore dans les indes

orientales et qui fut un prince remarquable. Il prétendait descendre de Mahomet. Ce que n’ajoute pas le professeur

Flamant c’est que les soins du docteur Noël ne parvinrent pas à sauver ce souverain des Indes qui alla rejoindre Allah en 1782. Que ces connaissances précises sur ce personnage un peu oublié qu’est Hyder Ali Kan ne fasse pas trop l’admiration du lecteur je viens de les prendre dans un dictionnaire.

 

En 1788, le professeur Noël est chirurgien major au régiment d’ Austrasie, en 1791, il st attaché aux hôpitaux de Besançon. Il passe en 1795-1793 , chirurgien chef de l’armée des Alpes ; il est destitué, on ne sait trop pourquoi, il se justifie et il devient chirurgien chef de l’armée du nord(1794-1795). Il est bientôt chirurgien à l’hôpital du val de grâce à

Paris. C’est de là qu’il est nommé le 14 thermidor an IV.( 1er août 1796) directeur de l’école de médecine de Strasbourg.

L’acte de nomination porte qu’il pratiquera la médecine légale dans les cas rares.

 

  On le voit, le docteur Joseph Noël n’était pas le premier venu et il fit une jolie carrière. il était membre de sociétés de

médecine de Paris, de Bruxelles et aussi membre de l’académie des Sciences Lettres et Arts de Nancy et je le dis

d’autant plus volontiers qu’il s’agit de l’ Académie de Stanislas, dont je suis au moment où j’écris ces lignes le Président.

 

 

   M et Mme Noël étaient tous deux très originaux , sans enfants, ils élevèrent leur neveu Louis Sadoul et je donne ailleurs, dans le chapitre docteur Sadoul, quelques détails pittoresques à ce sujet. Joseph Noël était paraît-il, très

 goutteux, il souffrait de rhumatismes qu’il avait peut-être rapportés de ses campagnes, abrégèrent-ils sa vie ? il

mourut subitement à Strasbourg, le 29 juin 1808, âgé seulement de 55 ans. Sa mort, on fut unanime à le dire, fut une

 lourde perte pour la Faculté.

 

 

 Madame Noël devait demeurer veuve pendant 52 ans, c’est presque un record, puisqu’elle mourut a Strasbourg le

11 juin1860 à l’âge de 80ans et 7 mois. son souvenir est resté longtemps presque légendaire dans la famille. Elle

était très connue à Strasbourg , elle avait conservé les modes de sa jeunesse et, très âgée, elle s’habillait de blanc et

de couleurs claires. elle avait toujours un grand ridicule,.Ce qui la mettrait à la mode aujourd’hui avec les sacs à main

des femmes, mais qui la faisait remarquer au milieu du 19ème siècle où les femmes avaient des poches. Elle vivait

encore du temps des crinolines, et quand les crinolines monstrueuses faisaient ressembles les femmes à des cloches

à melon, elle persistait à ne porter que des robes à fourreaux, C’est là un dédain de la mode et du qu’en dira –t-on bien rare chez la femme. Il indique au moins, avec l’originalité sans doute, un caractère énergique et qui savait ce qu’il

voulait. Elle aimait le spectacle comme on disait alors, et elle passait ses soirées au théâtre, par économie disait-elle

,et pour ne pas faire de feu chez elle. C’est une façon comme une autre d’allier l’économie à la satisfaction de ses goûts.

 

 

   La tante Noël n’était pas jolie, il s’en fallait du tout au tout, une photographie que nous avons d’un de ses portraits

dans son  âge mur n’est pas en effet très flatteuse.. il paraît qu’un jour elle racontait devant mon grand père qu’il lui était

arrivé en diligence une singulière aventure, qu’un voisin très entreprenant lui avait pincé le mollet. Et mon grand père

de répondre très irrévérencieusement : ‘il faisait donc bien nuit ma tante ‘. Madame Noël pardonna sans doute à ce

neveu très mal élevé  parce qu’il était le benjamin de la famille.

 

 

   Les femmes coquettes de Strasbourg qui cherchaient à se rajeunir la redoutaient un peu, elle connaissait toute les

familles de la ville et elle citait les dates de naissances et de mariage des parents et des enfants avec une redoutable

précision. Elle avait d’ailleurs une imperturbable mémoire et rappelait volontiers les souvenir de sa jeunesse et

notamment de la Révolution.

 

   Il est fort regrettable que ces récits, contés paraît-il avec beaucoup de verve n’aient pas été recueillis.

 

  Malgré ses travers, ses ridicules même, la tante Noël était très aimée et aussi très respectée à Strasbourg. Quand

elle mourut, le professeur Tourdes, professeur à la faculté de médecine de Strasbourg prononça un beau discours sur sa

tombe, Hommage rare pour une femme, à cette époque comme aujourd’hui. Il rappela sa bonté, son dévouement, la

droiture de son esprit, la sûreté de son jugement, la fermeté de son caractère, son inépuisable charité et la fidélité de son

amitié. A lire ce discours, on a l’impression que ce n’étaient pas là des banalités et que le professeur Tourdes ne faisait

que traduire ce que tous pensaient.

 

   La liquidation de la succession de la tante Noël eut lieu le 29 septembre 1860 chez maître Burtz, notaire à Strasbourg.

Par testament, elle faisait de petits legs aux pauvres et aux églises, elle donnait à la faculté de médecine le portrait de

 son mari et elle demandait cent messes pour le repos de son âme à dire dans le mois qui suivrait son décès. Sa fortune

se partagea entre ses quatre neveux et nièces où les descendants de ceux-ci. Mon grand-père eut pour sa part

23.726 Francs  sur lesquels il eut a payer 1554 Frs de droits,  l’enregistrement était encore raisonnable à cette époque.

23 000 Frs en monnaie or font plus de100.000Frs d’aujourd’hui, beaucoup plus si l’on tient compte des besoins et du

genre de vie de l’époque. La succession de la tante Noël était donc très appréciable ; elle se montait à plus de 500.000 F

de maintenant. D’où lui venait cette fortune, alors que son beau-frère , le Président Sadoul, mari de sa sœur n’en avait

pas. Je signale cette petite énigme sans pouvoir y donner de réponse ; on la retrouve à d’autres occasions.

 

 

 

C’est des Noël Spitz que nous viennent de jolies assiettes à fleurs, que le docteur Spitz avait rapporté des Indes. Il

devait y avoir un service très complet, puisque, après de nombreux partages de famille, il nous reste encore douze

 assiettes

 

Joseph SPITZ 1774 – 20 MARS 1850

 

   Marguerite Françoise Spitz épouse Noël, était une originale ; son frère cadet Joseph, en était un autre. C’est surtout ce

 que nous savons de lui. Marié en 1811, il n’avait pas d’enfant. Il s’était fixé à Spire, je ne sais trop pourquoi ; peut-être

 parce que N. et Mme Louis Sadoul, sa sœur et son beau frère, y habitaient, peut-être aussi parce qu’il avait trouvé

l’occasion de se faire là une situation. Il y avait un commerce de vins. le 28 septembre 1845, Louis Sadoul fils, alors

étudiant en médecine va chez lui, sans doute envoyé en ambassadeur pour voir ce que devient l’héritage de ce vieil

oncle sans enfant. Il fait de son voyage un récit humoristique à ses parents, décrit avec verve l’intérieur de l’oncle,

et les manœuvres de la famille de sa femme qui cherche à s’assurer l’héritage en faisant la cour au père Spitz. Il ajoute

avec philosophie : l’horizon de nos héritages revêt des couleurs bien suspectes. D’après la tradition, ces prévisions

devaient se réaliser. A la mort de l’oncle Spitz, sa femme et sa famille auraient fait disparaître des valeurs et des titres et

il ne serait resté que ce qui ne pouvait être dissimulé. Cependant mon grand-père touche pour sa part 21986 Frs

(sensiblement plus de 100 000 Frs d’aujourd’hui) et ses quatre frères et sœurs sans doute la même somme. Mme Noël,

sœur de Joseph Spitz, intervient pour une grosse part . La succession de l’oncle Spitz ne s’était donc pas volatilisée complètement, elle était encore opulente.

 

Joseph Spitz avait fait son testament le 5 janvier 1848. Il léguait à mon grand-père qui était son filleul, par préciput et

hors part, sa montre d’or portant pour dessin : »il est l’heure de faire le bien » ; ainsi que la chaîne d’or, la clef et les breloques qu’il avait porté toute sa vie. Mon grand père m’a donné cette montre ; j’y ai fait mettre un mouvement

moderne et je la porte habituellement. Elle est un précieux souvenir de ma famille et de moi-même que celui à qui je

la laisserai devra conserver avec soin.

 

 

 

 

 

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Les enfants du Président Louis SADOUL

 

            Ils étaient cinq on le sait :

 

            Marie Anne 1788-1858

             Joseph  1789 1852

             Marguerite ,épouse de Rey de Baron 1794-1863

             Louis 1795-1863

             Victor, mon grand père, beaucoup plus jeune que les autres 1794-1891 

 

             Marie Anne Baptiste Pauline Sadoul

 

   Elle était née le 2  avril 1788 à Lauterbourg  où son grand père Spitz était bailli. Nous connaissons sur elle assez peu

 de choses. Elle se maria très jeune et divorça très vite. Dans son acte de décès elle est dite veuve de Gaspard Dick,

Président du tribunal de Franckenthal (Bavière Rhénane ) Il est évident qu’elle avait connu son mari quand son père

était avocat à Spire Dick devait être Rhénan, sans doute fonctionnaire français, puis il demeura dans son pays après

et l’annexion  de Spire et d’une partie du Palatinat à la Bavière. Quelle furent les causes du divorce, on  l’ignore

Le certain, c’est que Marie Anne ne se remaria pas et qu’elle vécut on ne sait trop comment jusqu’à sa mort le

8 août 1858 à Wissembourg. C’est elle qui prit soin des dernières années de son père qui mourut chez elle à

Wissembourg(1845).

   D’après une tradition assez vague, Marie Anne devait être une personne assez originale et d’un caractère peu

commode. Son divorce et son isolement pourraient l’expliquer. Mme Sérot, se souvient que quand elle était petite

et qu’elle n’était pas gentille, son père lui disait :’cette enfant là , elle sera comme la tante Marie Anne’ Heureusement

Mme Sérot a mieux tourné, mais cette comparaison montre que la tante Marie Anne avait laissé dans la famille un

souvenir peu flatteur.

  Comme pièce authentique nous possédons son testament . Elle fait des legs assez importants à ses neveux et nièces,

fils et filles de ses frères et sœurs . ces legs s’élèvent au total de 41 200 Frs dont 5000 Frs pour mon père et 5000Frs

pour mon oncle. Il y a en plus des dons à des amies et aux pauvres. Il s’agit de legs, remarquons le, et le reste de sa

fortune , dont le montant n’est pas indiqué , a du se partager entre ses héritiers naturels, ses frères et sœurs. Marie Anne

était donc dans une situation pécuniaire assez belle. 41200Frs compte tenu de la stabilisation de 1928, font déjà

206 000Frs d’aujourd’hui. Si on se rapporte au milieu du 19éme siècle , des besoins de l’époque, du genre de vie, il faut

compter plus de 300 000Frs et à ne pas oublier qu’il s’agit de legs seulement. Cette situation matérielle pose encore

une fois la petite énigme que je ne parvient pas à expliquer . Le père de Louis Sadoul se dit sans fortune et ne pouvoir

faire les frais d’un déménagement quand en 1802, il est nommé sous préfet de Pontarlier, il le dit encore quand il veut

prendre sa retraite en 1841. Bien qu’âgé de prés de 80 ans, il ne quittera ses fonctions que s’il est assuré d’avoir une pension qui seule lui permettra de vivre. Alors comment se fait il que sa fie Marie Anne laisse une fortune appréciable

.Peut être c’est la seule explication logique avait elle hérité de la famille Spitz et de sa mère. Mais de cette fortune

maternelle, part égale serait venue à mon grand père, or quand il se marie en 1840, après la mort de sa mère, sa

situation est beaucoup moins belle. Il en est de même du docteur Louis Sadoul, de Woerth et du commandant

Sadoul. D’autre part, il serait bien resté quelque chose de cette fortune Spitz au grand père Sadoul. Pour l’hypothèse

d’une fortune familiale, on peut relever encore que la tant Noël , sœur de Mme Louis Sadoul, toute deux nées Spitz,

laisse aussi à sa mort en 1860 une assez jolie fortune. Toutes ces petites questions restent sans réponse.

 

 

   A relever aussi que dans son testament la tante Marie Anne oublie quelque peu la branche du docteur Louis Sadoul

de Woerth.  C’est seulement dans  une cocidille qu’elle lègue à son neveu Lolo  2000 Frs., moins qu’au autres , et c’est

 peut être pour cette seule raison que Mme Sérot quand elle était méchante, s’entendait comparer à la tante Marie Anne

morte alors depuis quelques années déjà.

   Peut-être conviendrait il alors de ne pas trop charger la mémoire de cette vieille tante.

 

    Joseph  Sadoul, né le 13 avril 1789, mort le 29 octobre 1852, marié le 27 février 1818.

 

     La première partie de la vie de Joseph Sadoul est fort intéressante. Il aurait pu faire comme militaire une brillante

     carrière ; celle-ci fut brisée par les évènements. Joseph Sadoul, fut un demi-solde et un rapide coup d’œil sur sa vie

   montre bien qu’elle fut l’existence de ces officiers de l’ Empire réduits très jeune à l’inactivité et à la médiocrité, après

   avoir pu rêver de prestigieuses destinées.

 

     Joseph Sadoul était né quelques jours avant la réunion des États  Généraux ; il arrivait à l’âge d’homme à une époque

   où tous les espoirs étaient permis au jeunes gens intelligents, audacieux et braves.

   Il fit des études on ne sait trop où , sans doute à Spire près de son père. Dès qu’il eut 18 ans, il s’engagea,

 le 1er Juin 1807, on dit qu’il se sauva du collège pour s’engager. Il prit du service dans les troupes du Grand Duc de Berg

Le Grand duché de Berg, situé sur la rive droite du Rhin, avait comme capitale Düsseldorf. En 1806, Napoléon en avait

donné la souveraineté à son beau frère , Joachim Murat, qui la conserva jusqu’au 1er Août 1808 date où par avancement

Napoléon le fit Roi de Naples. Le Grand duché de Berg fut alors incorporé à l’ Empire Français . pourquoi

Joseph Sadoul, choisit-il un corps du Grand duché de Berg  plutôt qu’un régiment français. Sans doute y avait-il des

relations, en raison de la proximité de Spire  et de Mayence ; peut être espérait-il un avancement plus rapide dans ce

 corps étranger.

 

 

     L’histoire des troupes du grand duché de Berg est intéressante, mais elle ne serait pas à sa place ici . On la retrouvera

dans le livre de Charles Schmidt : Le Grand  duché de Berg( bibliothèque universitaire de Nancy). Ces troupes

composées en très grande majorité d’allemands du Grand duché  étaient à la ois très indisciplinées et très braves. Elles

combattirent en Espagne et en Russie où elles subirent des pertes énormes.

 

  L’avancement rapide de Joseph Sadoul, d’après ses notes, fut très mérité. Ses états de services sont très beaux ; Les

voici pris au Ministère de la Guerre.

 

 

  Engagé volontaire au service du Grand duc de Berg le 1er juin 1807 il est caporal le 20juillet 1807.

   Sergent trois semaines après, le 15 août, et sous-lieutenant un an après son engagement, le 17 juillet 1808.

dix huit mois après, le 25 février 1810, il est nommé lieutenant et dés le 17 décembre 1811, après quatre ans et demi

de service, il est capitaine. Il a alors vingt deux ans et demi. Capitaine à 22 ans après s’être engagé comme soldat,

évidemment c’était très beau, et Joseph Sadoul pouvait se croire appelé à une brillante destinée, s’il ne tombait pas sur

quelque champ de bataille.

 

  En 1809, 1810, 1811, il est à l’armée d’ Espagne, où il se distingue , probablement sous les ordres du Maréchal Suchet,

 Duc d’ Albufera , le seul des généraux d’ Espagne qui fut à la hauteur de sa tâche . Il est blessé d’une balle au bras

 gauche, le 22 décembre 1810, à l’affaire de Saint Laurent de la Mouya.

 

En 1812, il est envoyé à l’armée de Russie. Il est alors capitaine. Il se trouvait au passage de la Bérézina, où il fut blessé

d’un coup de feu à la tête. En 1813, le capitaine Joseph Sadoul prend part à la campagne d’ Allemagne. Le 23 décembre

1813 , après Leipzig et l’abandon de l’ Allemagne, les troupes du Grand duché de Berg sont dissoute et Joseph Sadoul

est versé au 5° régiment d’infanterie légère ; le 1er février 1814 , il passe au 135° régiment. la campagne de France du

printemps 1814 n’est pas portée à ses états de services. Le 1er mai 1814, après le retour de Louis XVIII , il est affecté au

1er régiment du Roi(infanterie de ligne). le 29 juillet 1814, il est nommé Chevalier de la légion d’honneur. Il prend part

en 1815 à la courte campagne et le 18 juin, à Waterloo, il est blessé à la main droite.

 

 

   Capitaine à 22 ans, campagnes d’ Espagne, de Russie, d’ Allemagne, blessé à Waterloo, à la Bérézina, Joseph Sadoul

était un des grognard de Napoléon. Il va en partager le sort. Après Waterloo , on le sait, l’armée française a du se retirer

derrière la Loire où elle va être licenciée. Joseph Sadoul est licencié le 19 septembre 1815, le voilà sans situation et il a

26 ans. Ses galons, sa croix , il les a cependant bien gagnés. Plus tard quand il demandera sa réintégration dans l’armée,

ses anciens chefs diront ce qu’ils pensent de lui. Le 29 novembre 1826, le lieutenant général Damas certifie qu’il a été

commandant supérieur des troupes du grand duché de Berg depuis leur formation à la fin de 1806 jusqu’à leur

licenciement en 1813 . qu’il a connu le capitaine Sadoul et qu’il a toujours été rendu de très bon témoignages de sa

 conduite et de sa bravoure par ses officiers. Le 30 octobre 1826, le maréchal de camp en retraite Geither , qui a été

colonel brigadier, commandant l’infanterie du grand duché de Berg, dit que l’avancement rapide de Joseph Sadoul

était une récompense due à son intrépidité en face de l’ennemi. Ce sont là de beaux témoignages.

 

   Aussitôt après le licenciement, Joseph Sadoul avait demandé à être réintégré. Clarke duc de Feltre, l’ancien ministre de

la guerre sous Napoléon, est devenu ministre sous Louis XVIII et il est chargé de la réorganisation de l’armée.

Joseph Sadoul lui adresse une demande de réintégration le 19 décembre 1815. Le 8 février 1816, l’inspecteur général

Comte  de Quinsones  donne un avis favorable et il précise que cet officier est très dans le cas d’être d’ être employé,

tant à cause de l’aspect général de son physique que pour son excellente conduite et ses bonnes opinions.

 

Le 5 Août 1817 il est nommé capitaine complémentaire à la légion des Basses Alpes, mais c’est une nomination assez

théorique, et en fait , il ne reprend pas de service actif ; il touche la solde de son activité en attendant l’ordre de

 rejoindre son corps. C’est le 30 avril 1819 seulement qu’il est bientôt admis à la solde de congé par suite de

l’ordonnance royale du 23 octobre 1820. J’ai rappelé tout à l’heure ses démarches de 1826, elles ne devaient aboutir

qu’en 1829. Le 28 octobre de cette année là, il est enfin nommé capitaine au 18° régiment d’infanterie.

 

 que fit-il, comment vécut-il, pendant ces quatorze années d’inactivité. Sans doute, il ronge son frein vécut de sa petite

solde d’officier sans emploi et de sa très modeste fortune . Le 27 février 1818, il s’était marié à Wissembourg avec

Louise Marguerite Heydenreich , née à Strasbourg le 5 thermidor an IV . La fiancée apporte en dot 10 000Frs, des

espérances notamment celle de la succession d’un oncle négociant à St Peters bourg

 

 

Joseph Sadoul était donc enfin réintégré et capitaine au 18° régiment, quand arriva la révolution de 1830 ; comme

beaucoup de soldats de Napoléon, il en bénéficia. Le 31 octobre 1830, Louis Philippe le nomma chef de bataillon.

Il avait été nommé capitaine prés de 20 ans auparavant sur les champs de bataille d’ Espagne. L’âge était déjà venu,

Joseph Sadoul avait des rhumatismes ; désormais sa carrière ne pouvait plus être brillante. il est cependant fort apprécié de ses chefs et quand le 30 avril 1836, il est promu officier de la légion d’honneur, son colonel le félicite avec des mots

extrêmement chaleureux.

 

 

  La retraite approchait. Au commencement de 1837, le 48° est envoyé en Algérie, le commandant Sadoul pour une

raison ou une autre, peut-être sa santé et ses rhumatismes, ne peut plus faire campagne, il demande sa retraite et il

l’obtient le 24 avril 1837, il avait 48 ans. Il vécut encore quinze ans, et mourut à Wissembourg le 29 octobre 1852.

 

   Je me suis étendu avec une certaine complaisance sur la carrière du commandant Sadoul. C’est qu’elle montre bien

quelle fut la vie de ces jeunes officiers. Réduits à l’inaction à l’âge où beaucoup entrent seulement dans la vie, ne

connaissant plus que des déboires et des désillusions après s’être cru appelés à de belles destinées. Cette vie fut celle de

milliers d’officiers, elle explique l’opposition aux Bourbons et la formation, dés ce moment de la légende

napoléonienne. A noter cependant que d’après divers indices le commandant Sadoul paraissait s’être rallié au

gouvernement de la Restauration. on peut se demander si ce ralliement était tout à fait sincère ou s’il était inspiré

par le désir d’obtenir sa réintégration 

 

 

Le commandant Sadoul eut deux filles. L’ aînée , Pauline, naquit à Wissembourg le 17 août 1818, elle épousa le

23 novembre 1847 Constant Léonard Rabiat né à Meaux le 14 juin 1807 alors capitaine au 8° régiment de lanciers, en garnison à Haguenau ; elle mourut le 12 août 1896 ; son mari commandant en retraite, était mort le 13 mars 1883 à Vernon. Sa sœur Marie Catherine Amélie , née le 8 mai 1823, épousa le 20 septembre 1852, M. Gustave Laurence, Inspecteur des douanes à Tarbes, qui fut par la suite nommé à Niort, le 26 avril 1901, M et Mme Laurence n’eurent pas

 d’enfants. Sa sœur aînée, Mme Rabiat eut deux filles. L’aînée Pauline Marie Anne Frédérique , était née à Wissembourg

le 21 octobre 1848. Elle fut religieuse dans l’ordre de Notre Dame de Sion, sous le nom de sœur Marie Thérédice.

Elle devint supérieure de divers établissement de Sion à l’étranger notamment à Constantinople et mourut à

Vienne Autriche le 19 septembre 1923. C’était une femme extrêmement distinguée, ai je entendu dire.

 

 

   MARIE MARGUERITE SADOUL, épouse de Rey de baron, née à Strasbourg le 15 germinal an II

( 4 Avril 1794), morte à Strasbourg le 12 avril 1863

 

  

       Lors de la naissance de Marie Marguerite, le 4 avril 1794, en pleine Terreur, son père est secrétaire du district de Saarweden ( Sarre-Union)  Bas-Rhin ; son grand père jean Baptiste est chef de bureau au département du Bas-Rhin.

Tous deux sont désignés ainsi à l’acre de naissance.

 

    Marie Marguerite fut élevée à Spire, puis en 1814, revint avec ses parents à Wissembourg d’abord, à Sélestat ensuite.

Le 30 décembre 1821, elle épouse à Sélestat Jules de Rey de Baron qui avait été lieutenant au régiment du Roi à Sélestat

Jules de Rey appartenait à une excellent famille, originaire du midi. Son père était né en 1771 à Valréas( Vaucluse) ; au

moment du mariage de son fils, il était directeur des contributions à Remiremont, et Chevalier de Saint Louis

 

   Jules de Rey était né à Paris le 21 janvier 1797(nivôse en V). Nous le trouvons en mars 1815 très jeune officier dans

la maison du Roi, comme lieutenant de cavalerie, garde de corps à la compagnie de Puységur  en garnison à Béthune.

Mars 1815, c’est le retour de l’île d’elbe. Napoléon arriva à Paris le 20 mars. sept jour avant, le 13 mars, il avait

licencié par décret la maison du Roi. Avis du licenciement est donné au jeune de Rey le 26 mars, il est autorisé à se

retirer à Lons le Saunier  où son père était alors fonctionnaire des contributions indirectes. Il ne servit donc pas pendant les cent jours. a la seconde restauration, il rentra dans l’armée. en 1821 on le trouve sous lieutenant au 39° à Nancy

le 12 septembre, il passe au 47° à Mézières  où il prendra rang le 15 juillet 1814 ? . C’était évidemment le jour de son entrée à la maison du roi. Les simples soldats avaient rang et solde d’officiers. Le rétablissement de la maison du roi

avait excité un très vif mécontentement dans l’armée napoléonienne en raison des avantages qui lui étaient faits. elle

était évidemment  composée de militaires dévoués à la cause des bourbons.

 

   Les notes du jeune de Rey sont excellentes. Le 30 septembre 1821, le colonel du 39° le recommande à celui  du 47° :

« officier d’une conduite au dessus de tout éloge, dit-il, connaissant parfaitement son état, et servant avec zèle. est un

sujet très distingué, il est porté cette année sur les tableaux d’avancement et proposé pour la garde royale ».

 

   Jules de Rey était donc un officier d’avenir, il ne devait cependant pas rester dans l’armée. Le grand père Sadoul

n’avait consentis au mariage qu’à la condition que son futur gendre donnât sa démission et choisît une autre carrière.

 

  cette opposition peut paraître aujourd’hui peu explicable et mme Devallée , la petite fille de Jules de Rey, s’en étonne

et même s’en indigne, mais pour apprécier une décision, il faut toujours se reporter au moment où elle a été prise et aux

conditions qui l’ont inspirée. Celle ci se comprend à merveille. L’armée était alors une armée de métier, les changements de garnison étaient incessants, d’un bout à l’autre du territoire français , de Strasbourg à Bayonne ou de Dunkerque à

Perpignan. Surtout on était au lendemain des longues guerres de la Révolution et  de l’ Empire, six après Waterloo.

Enfin, et c’était peut être la raison principale , le grand père Sadoul avait son fils aîné Joseph, officier d’avenir lui aussi

mais en demi solde en 1815 et ne parvenant pas à retrouver une situation. C’était peu encourageant et compte tenu des

circonstances, la décision du père Sadoul s’explique à merveille. Elle était rigoureuse certes et Jules de Rey confiait

volontiers  à ses derniers jours qu’il avait éprouvé deux grandes douleurs dans sa vie, quand il avait du donner sa

 démission d’officier et lorsqu’il avait perdu sa femme en 1863. le ménage de Rey Sadoul  fut un très beau ménage,

j’ai retrouvé une lettre du 1er mai 1863 où Jules de Rey  écrivant à mon Grand père son beau-frère  et parlant de sa

femme, dit qu’elle était l’astre qui éclairait sa vie.

 

 

Après son mariage, il entra dans les contributions indirectes comme son père. Il occupa différends postes dont celui

de Raon . Là, il fit la connaissance de ma grand mère Camille Treste dont le père était brasseur à Raon et sa femme et

 lui, le   trouvant à leur goût, eurent l’idée du mariage avec mon Grand père.

 

 

    Jules de Rey termina sa carrière comme receveur principal à Strasbourg, sa femme ne voulut jamais quitter cette ville

et lui fit refuser tout avancement. Il mourut le 17 avril 1866. Les de Rey eurent huit enfants dont deux seulement survécurent. L’aîné Jules, né en 1822, entra aussi dans les contributions indirectes, il eut deux filles, marguerite, née

en décembre 1858 devint Mme Devallée ; elle créa à Nancy un pensionnat de jeunes filles qui eut beaucoup de succès

et où mes filles ont fait leur instruction. elle réussit grâce à son intelligence et à son énergie. Elle n’a pas d’enfants, mais elle a adopté le fils né d’un premier mariage de son mari.

 

 

     La seconde marie épousa M Grivet qui était à la fin de sa carrière de professeur au collège de Lunéville. Elle vit aujourd’hui avec sa sœur à Nancy. Rapports excellents avec Mme Devallée et mme Grivet.

 

 

    Le ménage Rey-Sadoul eut aussi une fille Émilie qui épousa M Ferru et eut un fils qui est aujourd’hui général de cavalerie en retraite à Beaune( Côte d’or ) ; il a eu un fils et une fille. Nous n’avons à peu prés pas de relations avec

les Ferru.

 

 

     Louis Pierre Ignace Sadoul 1795-1863

  

       Louis Sadoul était né à Epfig en 1795. ses parents, alors à Spire, se séparèrent de lui très jeune et le confièrent pour

qu’il pu faire ses études  à Mme Noël née Spitz , sœur de sa mère et à son mari, M Noël, professeur à la faculté de médecine de Strasbourg. M Noël mourut en 1808. quand le jeune Louis Sadoul n’avait que 13 ans ; celui-ci resta avec la

 tante Noël. Le souvenir de l’oncle Noël lui avait donné le goût de la médecine, il fit ses études à la Faculté de

Strasbourg et passa sa thèse sur les anévrismes du cœur en 1817, il dédia cette thèse à la mémoire toujours chérie de son oncle Noël et à sa tante qui avait été pour lui une seconde mère.

    Il est possible, probable même, que les Noël aient subvenu aux frais élevés d’étude de Louis Sadoul que son père ne pouvait assumer.

 

 

   Mme Sérot, sa petite fille, a conservé quelques souvenirs assez amusants du séjour de son grand père chez l’oncle

et la tant Noël . C’étaient deux originaux et un chapitre spécial leur a été réservé. L’oncle Noël avait sur l’éducation des enfants et la façon de les aguerrir des idées un peu spéciales. Ainsi un jour sur la plate forme de la cathédrale de

Strasbourg il saisit le jeune Louis par les fond de la culotte et le maintint dans le vide, par dessus la balustrade, en

lui disant : « Tiens, garçon prend courage » . Le résultat net de cette expérience, soi disant éducative de l’énergie fut que Louis Sadoul conserva toute sa vie un vertige intense et une horrible peur du vide.

 

    Autre trait – Le jeune Louis couchait dans une petite chambre qui servait de débarras, l’un des mur était recouvert

d’un drap blanc. Avec la curiosité de son âge, l’enfant souleva le drap. Derrière était suspendu au plafond un grand

squelette qui se balançait. Autre terreur.

 

 

    Une fois ses études médicales terminées, Louis Sadoul vint s’établir comme médecin à Woerth (Bas-Rhin). Son fils

lui succéda. les deux Sadoul furent médecins à Woerth pendant prés de 80 ans, de 1817 à 1814, et ils s’y firent une

situation morale considérable. J’ai eu maintes fois la preuve, que, non seulement dans la région de Woerth mais dans toute la Basse alsace, et même au-delà, les deux docteurs Sadoul étaient entourés de la respectueuse affection de tous.

Types du médecins  d’autrefois, d’un dévouement absolu qu’on trouve encore, d’un désintéressement complet qu’on ne

peut plus guère demander aux jeunes, mais qu’ils ne devraient pas complètement oublier, bons et charitables, ils ont fait

 grand honneur à la famille.

 le premier docteur Sadoul mourut le 8 mars 1863. Son fils, qui s’appelait comme lui Louis, continua la profession paternelle.

 

Né le 24 avril 1822, il épousa Mlle Chastelain et mourut à Woerth le 19 Juin  1894. Sa femme mourut le 3 mai 1899.

Il eut dans sa vie une page émouvante. C’est à Woerth que se livra le 6 août  la première grande bataille de la guerre

de 1870, entre l’armée de Mac Mahon et les troupes du prince royal de Prusse. de très nombreux blessés français et

allemands furent amenés à Woerth, le docteur Sadoul se prodigua près des uns comme près des autres avec un

dévouement que la gouvernement français récompensa par la croix de la légion d’honneur.

 

   Le docteur Sadoul eut 3 enfants qui furent pour nous de bons amis. Le père du se séparer de ses deux fils, dont il ne

voulait pas faire des allemands.

 

   L’aîné, Louis était né le 16 avril 1860. Il fit ses études médicales à Nancy, 

où il laissa un souvenir qui resta longtemps légendaire et qui n’est pas encore tout à fait oublié. Très grand, rempli d’esprit, très amusant, aimant les farces et la bonne chère, il était sympathique a tous ceux qui le connaissaient. il entra

dans la médecine coloniale après avoir prolongé un peu longuement ses études médicales et sa vie d’étudiant. Il débuta

dans les  Indes à Karikal , fit un peu toutes les colonies, Madagascar, le Sénégal, l’ Indochine .Il avait épousé, le 28/avril 1898 sa cousine mlle Thérèse Chastelain. dont les parents habitaient Figeac ( Lot) . il prit prématurément sa retraite

et se fixa à Toulouse où il mourut subitement ,peu  après, le 10 décembre 1912. il a laissé deux fils Jean et Paul,

garçons très sympathiques comme leur père.

 

 

   Son frère cadet, Georges, était né en 1861. Très brave garçon, un peu original comme son frère, il avait moins de

ressort que lui. Il fit son droit à Nancy, s’éternisa comme clerc de notaire à Nancy et à Paris, sans se décider à acheter

une étude et à se faire une situation, puis, un beau jour , il prit une décision fort inattendue pour ceux qui connaissaient

son caractère un peu mou ; celle de partir pour le Mexique y faire de l’élevage de bestiaux et cultiver du café . il partit

en 1892, revint malade en 1894, il passa près de vingt ans au Mexique , mais ne réussit que très médiocrement .

Il tomba malade et se décida à revenir à Woerth en juin 1914 ; son frère le vit à ce moment dans un état de santé très

 précaire. L’époque du retour était mal choisie ; un mois après c’était la fin de la guerre, le 4 mars 1918. il était resté

célibataire alors, puis-je me permettre un détail amusant ; il montre en somme qu’il ne faut pas toujours attacher grande

importance aux fredaines de la jeunesse.

 

   J’ ai trouvé au dossier une lettre écrite par ma grand mère en 1840, peu après son mariage, à ses parents, ma

 grand mère habite alors Strasbourg, son frère Charles, âgé de 19 ans donne beaucoup de soucis à ses parents,

il apparaît qu’il fait la fête, ce dont il mourra bientôt d’ailleurs. Ma grand mère cherche à consoler son père et sa

mère de la mauvaise conduite de leur fils ; elle dit qu’il ne faut pas lui céder, qu’elle essayera d’ intervenir, sans trop

espérer réussir , et elle ajoute : «  Le neveu de Victor ( son mari) ne se conduit pas très bien non plus, on lui a donné

 trop   de liberté . M COZE , vient de prévenir son père , il ne fait plus rien, il manque toutes ses classes, il ne pense plus qu’au spectacle  et surtout à une petite actrice qui lui tourne la tête, il ne fait que mensonges pour l’examen.

Vous voyez ce que c’est que tous ces gamins. ils ont  leurs moments. Victor a bien rencontré le petit Coze qui a treize

ans avec un cigare à la bouche et se drapant dans son manteau comme un homme  de trente ans »

 

   Il m’a été facile d’identifier ces personnages. Le jeune homme qui ne fait rien  et ne pense qu’au spectacle et à une

petite actrice  est Louis Sadoul qui n’a que dix huit ans, et qui est devenu l’homme de bien et le médecin de grand

mérite dont j’ai tracé plus haut un trop court portrait . Le petit Coze, le gamin de treize ans, au cigare et au manteau

 drapé , est Émile Coze, frère cadet du professeur Léon Coze, homme de principes rigides et très pieux, dont la vie fut un modèle de devoir et de conscience.

 

Et voilà pour rassurer les parents dont les fils font quelques fredaines. Mais il yen a qui persévèrent , il ne faut pas l’oublier, si ce ne fut pas le cas pour Louis Sadoul et le petit Émile , ce n’est pas une raison pour laisser aux

 enfants la bride sur le cou.

 

 Maintenant, pour mieux consoler ses parents, ma grand mère n’avait-elle pas exagéré les frasques des autres ;c’est

encore bien possible. J’ai déjà dit que malheureusement les documents intimes et notamment les correspondances

 étaient rares dans les dossiers. la lettre de 1840 ne peut que le faire regretter davantage. Avec beaucoup de précisions

de ce genre, on aurait pu écrire une histoire où le pittoresque se serait mêlé agréablement à l’intérêt.

 

   Sa sœur, Marie , Heureusement vit encore. née en 1863elle épousa le 16 mai 1895 M Louis Sérot , l’aîné d’une

grande famille fort estimée de la région de Metz et de Nancy et qui tenait à Metz un très important commerce de fers. M Sérot mourut à 52 ans, le 4 juin 1909.

 

   Mme Sérot née Marie Sadoul, a un fils, Pierre qui a fait ses études théologiques à Rome et est entré dans les ordres.

Il est actuellement curé de Bacourt, petite localité de l’arrondissement de Château salins ( Moselle). Sa mère passe une

 grande  partie de l’année avec lui. Elle a conservé à Woerth, la maison familiale.

 

   Nous avons avec Mme Sérot les plus affectueuses relations. D’une grande bonté, ne cherchant qu’à faire plaisir à

tous et à chacun, elle est bien la meilleure femme de la terre qui soit et si elle mérite un reproche, c’est celui d’être

trop bonne. son fils pierre, qui n’a pas dépassé la trentaine, est un digne et excellent prêtre qui peut jouer un rôle

fort utile dans le diocèse de Metz pour y répandre l’empreinte et l’influence française.

 

 

   Tels furent les collatéraux de la famille et en particulier les frères et sœurs  de mon grand père et leurs descendants. par cet exposé rapide, on voit qu’ils furent tous de fort braves gens pour ne pas dire plus.

 

Alors, puis je me permettre un détail amusant, il montre en somme qu’il ne faut pas toujours attacher grande importance

aux fredaines de la jeunesse.

 

J’ai trouvé au dossier une lettre écrite par ma grand-mère en 1840, peu après son mariage à ses parents. Ma grand-mère

habite alors Strasbourg, son frère Charles, âgé de 19 ans donne beaucoup de soucis à ses parents, il apparaît qu’il fait la

fête ce dont il mourra bientôt d’ailleurs. Ma grand-mère cherche à consoler son père et sa mère de la mauvaise conduite

de leur fils, elle dit qu’il ne faut pas lui céder, qu’elle essayera d’intervenir, sans trop espérer réussir et elle ajoute «  le neveu

de Victor, son mari ne se conduit pas très bien non plus, on lui a donné trop de liberté. M.Coze vient de prévenir son père

il ne fait plus rien. Il manque toutes les classes, il ne pense plus qu’au spectacle et surtout à une petite actrice qui lui tourne

la tête, il ne fait que mensonges pour s’excuser. Vous voyez ce que c’est que tous ces gamins. Ils ont leurs moments. Victor

a bien rencontré hier le petit Coze qui a treize ans avec un cigare à la bouche et se drapant dans son manteau comme un

homme de trente ans.

 

Il m’a été facile d’identifier les personnages. Le jeune homme qui ne fait rien et ne pense qu’au spectacle et à une petite

actrice est Louis Sadoul qui n’a que 18 ans et qui est devenu l’homme de bien et le médecin de grand mérite dont j’ai tracé

plus haut un trop court portrait.

Le petit Coze, le gamin de treize ans au cigare et au manteau drapé est Émile COZE, frère cadet du professeur Léon COZE, homme de principes rigides et très pieux, dont la vie fut un modèle de devoir et de conscience.

 

Et voilà, pour rassurer les parents dont les fils font quelques fredaines. Mais il y en a qui persévèrent, il ne faut pas l’oublier

si ce ne fut pas le cas pour Louis Sadoul et le petit Émile, ce n’est pas une raison pour laisser aux enfants la bride au cou.

 

Maintenant pour mieux consoler ses parents, ma grand-mère n’avait-elle pas un peu exagéré les frasques des autres, c’est

bien encore possible, j’ai déjà dit que malheureusement les documents intimes et notamment les correspondances étaient

rares dans les dossiers. La lettre de 1840 ne peut que le faire regretter davantage. Avec beaucoup de précisions de ce genre,

on aurait pu écrire une histoire où le pittoresque se serait mêlé agréablement à l’intérêt.

 

 

Retour début

Retour début

Mes grands parents

Victor SADOUL 1811 – 1891

Camille TRESTE  1817 – 1892

 

Ce n’est point sans émotion que je commence ce chapitre. Mes grands parents sont morts depuis plus de 40 ans et cependant, dans des moments de rêverie , ma pensée se porte souvent vers eux dans un souvenir attendri. Je les revois dans les jours d’une enfance et d’une jeunesse heureuses qu’ils ont entourées d’une affection que la mort prématurée de mon père avait rendu plus vive. Cette affection je la leur rendais ; les années n’ont pu l’affaiblir et aujourd’hui, mieux peut-être encore que jadis, je comprends combien ils ont été bons pour mon frère et pour moi.

J’écris ces lignes en un jour de printemps de 1933, dans la vieille maison de Raon, où ma grand mère est née, où tous deux ont vécu et sont morts et où il me semble les revoir dans l’intimité d’autrefois. C’est d’eux, pour beaucoup que vient le profond attachement que j’ai pour cette maison où j’ai passé près d’eux les premières années de ma vie qui marquent si profondément dans le cœur de l’homme.

 

Mes grands parents faisaient un ménage très uni. Ils s’aimaient beaucoup et jamais je n’ai vu entre eux le moindre nuage ; ils n’en étaient pas moins de caractères assez dissemblables. Mon grand père était gai, enjoué, bon garçon, très blagueur, caustique sans être méchant, racontant volontiers, parfois même plusieurs histoires en même temps, ce qui, bien entendu nuisait un peu à la clarté du récit. Sa bonne humeur le faisait aimer de tous. Il aimait la vie facile, la chasse, les petites promenades, les longues causeries avec les uns et les autres sur le trottoir. Il ne m’a jamais paru avoir grand goût pour le travail. Il est vrai que quand j’ai été assez grand pour l’apprécier, il avait 70 ans, sinon plus, mais je ne crois pas que l’âge fut pour quelque chose dans ses penchants.

 

Ma grand-mère était aussi bonne, mais elle était plus réservée ; elle avait une distinction naturelle qu’avaient développée une excellente éducation et une instruction solide. Elle était un peu plus sévère pour nous que mon grand-père qui, en criant parfois davantage, nous passait avec plus d’indulgence nos petites frasques d’enfance et de jeunesse.

 

Avec des différences, ils avaient le même amour pour nous tous, le même souci de nous aider et de nous soutenir, le même désir de nous voir réussir. Tels qu’ils étaient, je ne crois pas qu’il soit possible de trouver de meilleurs grands parents.

 

La naissance de mon grand père, Marie Joseph Sébastien Victor Sadoul à Spire (département de Mont-Tonnerre), aujourd’hui Bavière rhénane, le 20 janvier 1811 du être pour ses parents une surprise plutôt désagréable ; il avait 23 ans de moins que l’aînée de ses sœurs, Marie Anne, et 16 ans que Louis, le plus jeune de ses frères. Il est certain qu’il ne fut pas désiré et probable qu’il fut accueilli sans enthousiasme. Son frère Joseph apprit, dit-on, sa naissance lorsqu’il revenait capitaine de la guerre d’Espagne.

 

Mon grand père passa évidemment sa toute première enfance à Spire, puis à Wissembourg. Il avait six ans quand son père fut nommé Procureur du Roi à Sélestat, et c’est là qu’il fut élevé. Il parlait volontiers de Sélestat, mais je n’ai pas conservé le souvenir de faits bien importants, il est probable qu’il n’y en avait pas. Il racontait qu’il avait été un enfant assez gâté et par suite un peu exigeant, (c’est souvent le cas des derniers-nés) et c’est ainsi qu’un jour, où plutôt une nuit, il avait exigé que ses sœurs, retour d’un bal, le réveillassent pour lui faire manger du brochet ; c’était un souvenir d’enfance.

 

Il rappelait aussi en plaisantant qu’il avait été nommé, tout bébé encore, chevalier du Lys par Louis XVIII. L’ordre du Lys avait été créé à la première Restauration, et prodigué par le Roi ; la décoration de mon grand père qui avait trois ans en 1814 serait la preuve que cette décoration était donnée sans grand discernement. Mon grand père disait qu’un jour on aurait demandé à son frère le capitaine, ce qu’il désirait et il aurait alors sollicité la décoration du Lys pour son jeune frère. Il est inutile de dire que mon grand père ne portait pas la croix du Lys qui était bien oubliée à la fin du 19ème siècle.

 

Que fit il au juste comme études. Je ne le sais trop. Il laissait entendre, sans trop donner de détails, qu’il était un élève un peu paresseux du collège de Sélestat. A une époque inconnue, mais il était encore très jeune, il entra dans l’administration des postes. La poste, vers 1830, était loin d’être bien entendu la grande administration aux attributions multiples qu’elle est aujourd’hui et dont les très nombreux employés sont considérés comme des fonctionnaires d’un ordre modeste. La poste avait alors un cachet plus relevé. Je fais cette remarque en dehors du désir qui serait puéril et ridicule d’excuser mon grand père d’avoir été employé des postes. La poste aux chevaux et la poste aux lettres étaient alors assez recherchées, elles se rapprocheraient plutôt de l’administration des chemins de fer d’aujourd’hui.

 

Mon arrière grand père avait d’ailleurs, je l’ai déjà dit plusieurs fois, une situation modeste, il avait déjà fait faire des études coûteuses de médecine à l’un de ses fils, il avait encore deux filles à sa charge, dont une jeune divorcée, il ne pouvait guère entreprendre une autre éducation onéreuse.

 

Je ne sais où mon grand père débuta. Le certain c’est qu’il était à Verdun au moment de la mort de sa mère le 22 janvier 1835. Il était très mondain, bon danseur, et il assistait à une soirée chez le général commandant la place quand celui-ci reçut la nouvelle de la mort de Madame Sadoul. J’ai entendu dire que pour avoir été chargé d’aviser mon grand père il était un ami de la famille. Voyant mon grand père danser et s’amuser de très bon cœur , la femme du général ne voulut pas lui annoncer la triste nouvelle au milieu d’une fête et elle attendit le lendemain.

 

Cette anecdote fixe une des étapes de la carrière de mon grand père. Il vint ensuite à Nancy où il se lia avec de très honorables familles de la ville, les Daubrée, les Boidin, les Collenot, dont plusieurs étaient aussi dans les postes ; ces relations ont persisté fort longtemps et pour certains durent encore. Il avait conservé ses goûts mondains et il racontait que pour ne pas salir ses souliers et économiser une voiture il allait en soirée sur le dos d’un facteur. Mon grand père était très blagueur, aussi ne puis-je assurer que l’anecdote soit tout à fait exacte.

 

Joli garçon, il devait avoir eu des succès de tout genre. Évidemment, dans sa vieillesse il ne s’en vantait pas auprès de ses petits enfants, mais parfois il le laissait entendre. Il aurait volontiers vécu comme un fils de famille, s’il en avait eu les moyens. Cela lui était arrivé. Un jour où sans doute plutôt une nuit, il avait perdu au jeu 500 francs. La somme était grosse, elle représentait bien des mois de son traitement et bien entendu il ne l’avait pas. En désespoir de cause il s’adressa à son père dont il connaissait cependant la situation modeste. Son père lui envoya l’argent puis il dit à son fils que peu à peu il avait pu économiser ces 500 francs pour payer son enterrement, que maintenant il ne lui restait plus rien. La leçon porta, mon grand père comprit, il renonça au jeu et je ne l’ai jamais vu toucher une carte même dans les jeux innocents de famille. Que dire aussi du grand père Sadoul économisant sur ses minces ressources de quoi payer son enterrement. Le trait est à retenir.

 

En 1840 au moment de son mariage mon grand père était à Strasbourg.

 

Dans les dossiers, je ne trouve qu’une pièce intéressant sa jeunesse, elle établit que comme conscrit de la classe 1811, il tira au sort à Sélestat, il amena le n° 77 et le dernier numéro appelé sous les drapeaux étant le n° 68, il fut dispensé du service militaire. Comme le service militaire était alors de sept ans, avec faculté de remplacement il est vrai, le tirage au sort d’un bon numéro avait une importance considérable.

 

Pour en finir avec la carrière de mon grand père, je signale qu’il fut nommé directeur des postes à Altkirch (petite sous-préfecture du Haut Rhin), il s’y trouvait en 1845, puis peu après il se fit mettre en disponibilité et vint se fixer à Raon ; le bureau de Raon étant devenu vacant, il fut nommé le 12 juin 1850 et il y demeura sans avoir la moindre idée de demander de l’avancement. Il prit sa retraite dès qu’il y eut droit, un peu avant la guerre de 1870, vers 1867 environ.

 

Voici comment se fit son mariage.

 

Sa sœur Marguerite avait épousé Jules de Rey. Celui-ci vint à Raon comme fonctionnaire des contributions indirectes. Mr et Mme de Rey y connurent Camille Tresté dont le père était brasseur à Raon ; ils l’apprécièrent, ils pensèrent à elle pour leur jeune frère. L’idée était heureuse et le mariage se fit le 27 janvier 1840. Par contrat passé la veille devant maître Aubry, notaire ma grand mère apportait en dot 20.000 francs (100.000 au taux de la stabilisation de 1928 – 150.000 au moins si l’on tient compte du pouvoir d’achat et des besoins de l’époque). Mon grand père n’apportait guère que son petit traitement mais il avait des espérances qui peu à peu se réalisèrent . Il hérita de sa sœur aînée Marie Anne, de son oncle Spitz et de sa tante Noël d’environ 70 à 80.000 francs (350 à 400.000 au taux de la stabilisation plus de 500.000 d’après le pouvoir d’achat de la monnaie). Aujourd’hui il y a bien des gens qui ont beaucoup moins et qui passent pour être riches.

 

Les grands parents Tresté devaient avoir à se féliciter de leur gendre car par acte du 3 Juillet 1845, devant le notaire Aubry, voulant dit le contrat lui donner des preuves de l’intérêt particulier qu’ils lui portent, ils lui font donation d’une somme de 20.000 francs en cas de prédécès de sa femme s’il n’y a pas d’enfants ou si ceux qui existent sont morts.

 

Cette donation coïncide avec la demande de disponibilité de mon grand père. Elle avait sans doute pour objet de lui procurer un avantage en compensation de son traitement perdu. Elle n’en prouve pas moins, ainsi que le retour à Raon, les bonnes relations des divers membres de la famille. Cette donation était d’ailleurs assez théorique, elle n’avait d’effet que si Mme Sadoul mourait sans enfant ; or, des enfants il y en avait déjà un, on en attendait un autre. Mon père, Adrien était né le 27 Mai 1841, mon oncle Lucien devait naître bientôt, le 18 Août 1845.

 

Les Tresté n’étaient pas originaires de Raon. Ils étaient venus, il y avait longtemps déjà de la région rhénane. Le père de mon arrière grand père Tresté était né à Hoffheim (diocèse de Mayence) ; il s’appelait Jean Nicolas Drösté, fils de Jean Henri et de Marie Merhenrin, et son nom, par une habitude alors assez courante surtout avec la fantaisie qu’on trouve dans les actes de l’état civil de l’époque, avait été francisé en celui de Tresté. J’ignore les circonstances qui avaient pu l’amener des environs de Mayence à Raon. Il y tenait une petite brasserie qui fut située (au moins plus tard) rue Sous-la-Côte n°304 ; la première maison à droite après le pont sur la Plaine. Par un acte insignifiant, du 3 Juin 1812, j’ai pu l’identifier. Elle comprenait tout le pâté des maisons actuelles devant la place Beauregard, d’un côté de la Plaine, de l’autre la rue de Weswal, derrière une ruelle qui existe toujours. L’emplacement était donc assez vaste, on voit encore depuis le pont de la Plaine, le long de la ruelle un vieux bâtiment qui faisait évidemment partie de l’ancienne brasserie Nicolas Tresté. La bière était alors d’un usage courant ; les brasseries étaient très nombreuses et par suite fort modestes. Ce jean Nicolas Drösté dit Tresté, épousa le 18 avril 1778 Marie Agnès Ecrette dont le père était originaire de Telsch, paroisse de Neunkirch, diocèse de Strasbourg. Son nom avait été aussi francisé. On le voit tantôt Eckre, tantôt Echard et enfin Ecrette. Il était à Raon depuis longtemps et il s’y était marié le 11 Février 1755 avec Marie Saint Dizier.

 

Le ménage Tresté Ecrette eut de nombreux enfants et par les Ecrette nous avons une lointaine parenté avec bien des gens, notamment Charles Martin Mialaret (10ème degré), et sans doute bien d’autres qui nous sont inconnus. L’un de ces enfants était mon arrière grand père Joseph Tresté, né à Raon le 10 Mars 1791. Le 8 décembre 1813, il épousa Adelaïde Bruant, dont j’ai gardé le souvenir dans ma mémoire d’enfant à propos d’un incident insignifiant, un jour qu’elle m’amusait avec de petits animaux en bois qu’elle faisait rentrer dans une écurie faite de deux livres appuyés l’un contre l’autre. Ce sont de menus détails qui restent dans les souvenirs de petite enfance. Née à Raon le 3 Mai 1790, elle y mourût le 9 juin 1874. J’avais alors 4 ans.

 

Joseph Tresté appartenait aux générations qui ont fait les dernières guerres de l’ Empire. Il faisait partie de la classe 1811 qui avait été levée le 1er Janvier 1811. Il avait été exempté, je ne sais pour quelle raison ; tirage d’un bon numéro peut-être 120.000 hommes seulement de la classe 1811 avaient été appelés.

 

Fin 1813, après la campagne d’Allemagne et la défaite de Leipzig, l’ Empereur organise sa dernière armée ; celle qui fera la campagne de France au printemps de 1814. Il lève la classe 1815 et rappelle les hommes (ils étaient encore nombreux) qui avaient été exemptés des classes plus anciennes et en particulier ceux de la classe 1811. Joseph Tresté est rappelé dans les carabiniers. Il est incorporé et il s’en va jusqu’à Lyon (tradition), mais il se soucie assez peu de rester soldat ; on le comprend après les campagnes de Russie et d’Allemagne. Lui-même et ses parents ont une situation suffisante pour payer un remplaçant. Le 27 Novembre 1813, quelque jours sans doute après son incorporation, devant maître André Déperonne, notaire à Raon, il traite avec Jean Joseph Marande, flotteur qui le remplacera au 1er régiment des carabiniers moyennant paiement d’une somme de 3600 francs. La somme était très considérable pour l’époque mais si le sacrifice pécuniaire était important les risques évités l’étaient aussi ; Joseph Tresté n’avait pas l’âme d’un héros, c’est certain mais après les 22 ans de guerre de la Révolution et de l’ Empire, on ne peut le lui reprocher.

 

Quelques jours après son remplacement, le 8 décembre 1813, il se maria. Je pense que ce n’était pas uniquement pour échapper au service militaire, les hommes mariés étant exemptés. Il n’avait que 22 ans ; comme à l’époque de toutes les guerres, c’était la mode des mariages précoces.

 

Sa femme, Adelaïde Bruant, née le 3 mai 1790, était un peu plus âgée que lui ; elle était fille de Nicolas Bruant, marchand de bois, certainement modeste, à Raon. Sa mère s’appelait Libaire Marotel, c’est d’elle que part la parenté lointaine que nous avions avec le docteur Vidil et avec les familles Derazey, Sabotier, Désolneaux.

 

Nicolas Bruant, père de Mme Tresté devait être victime de son goût pour la pêche à la ligne. Le 4 frimaire an 4 (24 Novembre 1795), il pêchait sur la Meurthe, en dessous du pont, vis à vis le port aux planches quand il tomba dans la rivière et s’y noya. Les eaux très hautes pendant fort longtemps rendirent les recherches impossibles et le cadavre ne fut retrouvé que le 5 floréal an 4 (25 avril 1796) sur le territoire de Thiaville à l’embouchure du ruisseau du moulin. Mon frère a retrouvé un vieux flotteur qui appelait encore cet endroit le trou Bruant, évidemment sans savoir pourquoi.

 

Joseph Tresté et sa femme furent brasseurs comme leurs parents. Ils s’installèrent, sans doute aussitôt après leur mariage, dans de vastes bâtiments dont une grande partie, sinon le tout, provenait de l’ancien couvent des Cordeliers et ils y bâtirent notre maison. Nicolas Tresté possédait déjà partie au moins de ces bâtiments à coté de sa brasserie de dessous la cote ; j’en trouve la preuve dans un acte de 1812 – le 30 Mars 1816, le père Tresté rachète la part de ses frères et sœurs, il est dit qu’une brasserie y est exploitée. Cette installation suivit donc de près le mariage, ma grand mère est déjà née dans la maison en 1817 ; c’est une des raisons de plus pour que j’y reste attaché. Cette vieille maison familiale n’a jamais appartenu à d’autres. Il va de soi qu’elle n’était pas au début comme aujourd’hui. Elle devait avoir la même importance de construction, mais aux étages se trouvaient les greniers de la brasserie. Elle sera peu à peu aménagée au fur et à mesure que l’aisance viendra.

 

La vie de la famille va maintenant se concentrer à Raon. Sur l’existence de tous, on ne lira peut-être pas sans intérêt les conférences que j’ai faites sur la vie à Raon à diverses époques et qui ont été imprimées ; pour les Tresté et la jeunesse de ma grand mère : Raon, il y a cent ans et pour la suite : 1848 – 1870 et la guerre de 1870 et l’occupation allemande. A ajouter pour les temps rapprochés 1870 – 1914 ; Raon et l’invasion et : Après le recul allemand (1914 – 1918). Ces études donnent des détails sur la vie de nos parents depuis près de 150 ans et à ce titre je crois qu’ils ne sont pas sans intérêt. Je dis tout de suite que pour moi même, ma femme et mes enfants on trouvera des renseignements copieux qui ne peuvent avoir leur place ici dans mon journal de guerre. Il n’a pas été imprimé, mais il en existe quelques exemplaires dactylographiés qui, j’espère, seront conservés avec soin.

 

Le ménage Tresté Bruant devait avoir trois enfants ; l’époque des très grandes familles est déjà passée dans la petite et moyenne bourgeoisie ; peut-être d’autres moururent-ils en bas âge.

 

L’aînée était ma grand mère, Camille, née le 20 Juillet 1817, la seconde Adeline, née le 16 janvier 1820 et enfin Charles, né le 4 mars 1823.

 

Charles Tresté lorsqu’il faisait ses études au Lycée de Nancy fut atteint d’une fièvre typhoïde très grave qui faillit l’emporter et à laquelle il ne résiste peut-être que grâce aux soins de sa mère qui resta près de lui au Lycée pendant plusieurs semaines ; ensuite, il ne fut pas très raisonnable ; une lettre de ma grand mère écrite en 1840 et que je reproduis ailleurs, montre que Charles Tresté donnait alors à ses parents beaucoup de soucis.

 

Il mourut le 12 janvier 1843, des suites de sa maladie aggravées probablement par les excès d’une jeunesse orageuse.

 

Adeline Tresté devait aussi mourir jeune. Elle était aimable et distinguée. A la suite d’un mariage contrarié, elle se retira au couvent de la Congrégation des Sœurs de la Charité (Saint Vincent de Paul à Strasbourg, avec l’intention d’entrer en religion, elle y mourut le 27 avril 1851. Il est une lettre d’elle à ses parents dans ses derniers jours, sorte de testament très touchant, fort bien écrit avec une grande foi chrétienne et une sorte de mysticisme.

 

Je ne connais pas d’événement saillant dans la vie du ménage Tresté. A relever que Joseph Tresté fut nommé Maire de Raon par ordonnances royales des 21 février et 20 octobre 1843 pour avoir été choisi par le pouvoir central. Il avait donc à Raon une situation assez en vue. Les Tresté exercèrent honorablement leur profession de brasseur. Est-il besoin de dire que leur brasserie n’avait rien de comparable aux établissements modernes qui ont réalisé la concentration de la fabrication de la bière. A cette époque, il y avait un peu partout des brasseries qui travaillaient seulement pour les besoins locaux jusqu’aux limites que pouvaient atteindre les voitures à chevaux. C’était le cas de la brasserie Tresté, je sais toutefois qu’entre toutes ses concurrentes elle avait dans le pays une réputation flatteuse.

 

Le père Tresté du gagner pas mal d’argent. Sans fortune appréciable, il peut donner dès 1840 une dot de 20.000 Frs  à ma grand mère et il a encore deux autres enfants. C’était l’époque où un homme travaillait toute une vie pour se constituer une aisance. Joseph Tresté a dû se mettre à son compte après son mariage en décembre 1813. C’est près de 50 ans après en 1862, il a 71 ans, et sa femme en a 72, qu’il abandonne les affaires. Il loue alors la brasserie à ma grand mère et à mon père qui a 21 ans. Mon grand père toujours dans les postes ne pouvait être en nom. Le prix du loyer était de 4000 francs par an, ce qui est appréciable. Il est pour deux tiers à la charge de Madame Sadoul et un tiers à celle de son fils. Cette location assurait une situation à mon père qui avait abandonné assez vite ses études médicales.

 

La vie des grands parents Tresté est un des types de l’histoire de tant de familles du 19ème siècle qui parties de rien ou de pas grand chose sont arrivées à force de travail de sérieux et d’économie à sa constituer une aisance suffisante en même temps qu’elles donnaient à leurs enfants une instruction et une éducation telles qu’ils puissent s’élever dans l’échelle sociale.

 

Cet exemple on le retrouverait dans nombre de familles dont les générations actuelles descendent du côté des femmes comme du côté des hommes.

 

Ce sentiment familiale, cet attachement à un devoir considéré comme impérieux, l’ambition de laisser à ses enfants une situation meilleure que celle qu’on a eue soi-même. Cette sorte de course du flambeau pour reprendre l’allégorie antique a produit ces admirables classes moyennes qui si elles ne sont pas sans défaut certes n’en constituent pas moins l’une des forces, la principale peut-être de la France. Ces sentiments de solidarité familiale se sont malheureusement affaiblis depuis la guerre ; les jeunes génération veulent jouir davantage, elles pensent plus à elles qu’à leurs enfants ; des indices toutefois peuvent déjà faire penser que ce n’est là qu’un moment à passer et que les vieilles traditions françaises avec leurs défauts mais aussi leurs très grandes qualités reprendront bientôt le dessus.

 

Telle fut l’existence des Tresté et de bien d’autres membres de nos familles. N’oublions pas qu’à ce titre tous ont droit à notre respect et à notre reconnaissance.

 

Je viens de dire, mais je puis répéter que Mr et Mme Tresté lors de leur mariage étaient certainement dans une situation fort modeste. Leurs parents étaient un tout petit brasseur et un tout petit marchand de bois, leurs gains étaient modestes leurs enfants très nombreux. Le ménage Tresté a débuté dans la vie avec des ressources très minces ce n’est point douteux ; on les voit cependant assez vite dans une aisance appréciable.

 

Et de plus ils ont fait donner à leurs enfants une très bonne instruction. Leur fils Charles fait ses études au Lycée de Nancy, ma grand mère et sa sœur Adeline sont élevées au pensionnat Michel, rue des Ponts à Nancy, établissement alors en vogue et très bien dirigé, et elles y reçoivent, j’ai pu en juger par ma grand mère, une très bonne instruction et une excellente éducation.

 

De tout cela le mérite revient uniquement à Mme Tresté ; ce mérite n’en est que plus grand, et il prouve une fois de plus la justesse de l’idée que je soutiens souvent, c’est que la prospérité d’une maison et d’une famille dépend plus encore de la femme que du mari.

 

Le père Tresté, que je n’ai point connu, était, paraît-il un homme d’un caractère assez difficile et un peu léger. Il aimait jouir de la vie, il avait des goûts de dépense et un fort pendant pour le jeu. Un jour, il avait disparu, on ne savait ce qu’il était devenu et on ne le retrouva à Jolivet près de Lunéville que quand il avait perdu au jeu une forte somme.

 

Heureusement que sa femme veillait sur les siens et sur la caisse. Mme Tresté était une femme fort intelligente, pénétrée de ses devoirs, énergique, de grand bon sens et d’excellent conseil. Puisse-t-elle avoir transmis ses grandes qualités à ses descendants.

 

La brasserie des Tresté, je l’ai bien connue quand elle était dirigée par mon grand père et ma grand mère. Cette direction était tout à fait patriarcale ; les cinq garçons étaient là de toute éternité, plutôt des amis que des ouvriers, Brice l’homme des caves, Jules le voiturier et surtout François le germeur qui entré à 13 ans à la brasserie est resté près de ma mère jusqu’à sa mort en avril 1917 (il avait 74 ans). La brasserie avec ses hangars, ses remises, ses écuries et surtout ses greniers était pour moi, mon frère et tous les camarades du quartier un véritable paradis. Les greniers superposés les uns aux autres étaient immenses, suffisants pour une énorme exploitation le terrain de jeu idéal pour des enfants. Que de parties nous y avons faites. Les survivants ne les ont pas plus oubliées que moi-même et c’est toute leur enfance que les greniers de la brasserie évoquent dans leurs souvenirs. Ces parties sans fin se continuaient dans la rue où se passaient les récréations des enfants qui n’avaient pas alors à craindre les automobiles et les bicyclettes.

 

Mais mes grands parents vieillissaient ; ils n’avaient jamais été des brasseurs remarquables, l’installation matérielle de la brasserie vieillissait encore davantage ; elle était devenue très archaïque et il ne pouvait être question de la moderniser. Je ne pouvait songer à la reprendre, j’étais encore trop jeune, ma mère se serait d’ailleurs opposée à ce projet, mes grands parents aussi ? Je faisais de bonnes études qui semblaient me destiner à une autre carrière.

 

Mes grands parents eurent quelques difficultés à trouver un acquéreur. Ils y parvinrent enfin et le 27 janvier 1889, ils vendaient la brasserie. Le prix fut modique, 40.000 francs pour de très grands bâtiments, des marchandises étaient vendues à part, en tout une cinquantaine de mille francs (des francs or bien entendu). On bâtit alors le grand mure qui sépare la maison de la brasserie, mes grands parents conservèrent François notre vieux domestique, un cheval et une voiture et aussi la vache qui faisait partie obligatoire de toutes les maisons un peu aisées de l’époque et dont personne n’avait l’idée qu’on pût se passer.

 

Mon grand père était resté très vert ; à près de 80 ans, il chassait encore sans se fatiguer bien entendu mais il passait toute la journée au bois. Dans les derniers mois seulement, il parut un peu décliner. Le 25 mai 1891, il fit comme d’habitude sa petite promenade dans la grande rue de Raon où il se rencontrait tous les jours avec les mêmes amis. Il rentra à midi pour déjeuner, semblant en excellente santé. Au moment où il se levait de table, il poussa un cri et tomba mort. Mon grand père n’avait jamais ressenti les infirmités de la vieillesse, il mourut en pleine santé pour lui c’était une belle fin.

 

Mais cette fin attrista beaucoup tous les siens. La mort de mon grand père fut la première grande douleur de ma vie et je ne l’ai pas oubliée.

 

Ma grand mère qui aimait beaucoup son mari fut très éprouvée. Je vins avec elle passer l’été de 1891 pour qu’elle ne restât pas seule et je préparais à Raon mon dernier examen de licence.

 

Ma grand mère elle aussi était très bien conservée, mais elle ne pu supporter la mort de son mari, sa santé déclina, elle s’affaiblit et elle mourut le 15 août 1892, à l’âge de 75 ans.

 

La maison de Raon était maintenant vide. Nous la conservâmes en commun jusqu’à la mort de mon oncle en 1905. Mon frère et sa femme y habitèrent pendant les vacances avec ma mère et nous jusqu’en 1909 où ils reprirent la maison des parents de ma belle sœur. A la mort de ma mère, en 1920 je suis devenu seul propriétaire de la maison familiale. J’y suis né et j’y mourrai peut-être.

 

 

 

Adrien SADOUL et Pauline MEYER (parents de l’auteur)

 

     Je n’avais que neuf ans et demi à la mort de mon père ; je n’ai donc de lui que des souvenirs assez vagues. La

plupart à propos  de très menus incident, comme tous ceux que gardent les hommes de leurs premières enfance.

Je conserve le souvenir très précis de certaines circonstances qui ont entouré sa mort et les jours qui ont suivi..

Par contre, j’ai été élevé dans la fidélité de son souvenir ; ma mère, qui avait pour lui un véritable culte, nous a

sans cesse appris à vénérer sa mémoire.

 

 

   Louis Adrien Sadoul est né à Raon l’étape, le 27 mai 1841, il mourut dans la maison où il était né, le 12 septembre

1879. Il avait contacté une pleurésie grave dans l’hiver de 1876, il paraissait remis ; mais la tuberculose le guettait ;

cette terrible maladie, encore si mal connue aujourd’hui , ne pardonnait guère à cette époque. Il est impossible de dire

si un traitement plus éclairé aurait pu le sauver, mais on les soigna à contre temps. Les médecins lui conseillèrent une

saison au Mont-Dore qu’il fit en Juillet 1879 et qui précipita probablement sa fin.

 

 

   Lors de la naissance de son fils, mon grand père était dans les postes à Strasbourg ; il revint en 1845 à Raon et c’est

là que mon père passa sa petite enfance, puis il fut mis très jeune en pension au collège St Arbogast, tenu par des

prêtres à Strasbourg. Il se plia assez mal à la discipline du collège, au point qu’un jour, il se sauva et revint à pied à

Raon. Ces fugues d’élèves étaient alors fréquentes ; j’en connais plusieurs remontant  à cette époque ; elles

s’expliquent par le régime très sévère de l’internat de ce temps, extrêmement pénible pour les enfants qui ont besoin

d’affection. Cependant, une lettre du directeur de St Arbogast donne, le 30 mars 1854, de bon renseignements sur son

jeune élève ; il est le second en excellence, il fait des progrès et si le directeur ajoute qu’il pourrait mieux faire, qu’il

manque parfois d’attention, qu’il ne soigne pas ses affaires, qu’il perd ses livres, on retrouvera là les réserves

habituelles des directeurs de lycées et collèges, passés présents et futurs.

 

   Mon père fit sa première Communion, le 13 juin 1854, dans l’église St Etienne de Strasbourg, combien de fois ai je

entendu raconter que je ne sais quel parent lui ayant proposé divers cadeaux il choisit un parapluie. Cette préférence

pour un cadeau utile, étrange chez un enfant, marque-t-elle des goûts sérieux et pratiques où le désir de paraître

déjà un homme, le parapluie étant à ses yeux une marque de virilité, la seconde hypothèse paraît plus vraisemblable.

 

Malgré l’appréciation bienveillante du directeur de St Arbogast, mon père ne devait pas rester longtemps près de lui ; il

entra au lycée de Nancy, à la rentrée de 1855 . Le 1er août 1856 il obtint à la sortie de la classe de quatrième, le

certificat de grammaire que j’ai eu aussi plus tard, qui consacrait le premier stade des études et dont le seul avantage

était, je crois bien, de permettre d’être pharmacien de deuxième classe. Mon père dut continuer ses études cahin-caha,

car c’et le 17 avril 1860 seulement qu’il est reçu bachelier es sciences

   

 Il passa, la même année, le concours de l’école de Santé militaire de Strasbourg qui venait d’être créé et il fut reçu

à cet examen qui devait être assez difficile, sur le palmarès qui donnaient jusqu’à ces dernières années la liste des

élèves reçus aux diverses écoles depuis la création du Lycée  son nom figurait en tête de la liste des reçu à l’école de

Strasbourg.  Nous avons de lui un daguerréotype le représentant en uniforme ; j’avais conservé son épée à laquelle je

tenais beaucoup ; malheureusement   lors de l’invasion allemande en août 1914 , elle fut déposée à la mairie de Raon avec d’autres armes qui étaient aussi des souvenirs de famille et qui toutes disparurent.

 

  Mon père ne devait pas rester longtemps à l’école de Strasbourg, très vraisemblablement par manque de vocation

militaire et par goût d’indépendance. Après une année d’études , il donna sa démission. Cette démission l’assujettissait

au service  Militaire dont on pouvait, il est vrai, grâce à la faculté de remplacement et de rachat, se libérer assez

facilement. le 5 décembre 1861 il est incorporé pour la forme au 2° régiment de carabiniers  à Épinal , et il est

aussitôt exonéré du service, après qu’il eut versé la prestation exigée par l’article 8 de la du 24 avril 1855 et qui

pour l’année 1861 était de 3850 Frs.

 

  De son court passage à l’école de Strasbourg, il avait conservé un goût très vif pour la médecine, il le montra lors

de l’épidémie de Choléra en 1865 et en 1870, quand, après la Bataille de Nompatelize,  au moi d’octobre, de

 nombreux blessés furent amenés et soignés à Raon.

 

 

   Voilà donc mon père revenu à Raon dans les derniers mois de1861. Il avait vingt ans. Ses grands parents Tresté

ont toujours la brasserie ; j’ai déjà dit qu’en 1862 ils la louèrent à ma grand mère et à mon père. Il était naturel que

celui ci reprit la Brasserie à laquelle il pouvait donner de l’extension ; mais je ne crois pas qu’il s’en soit alors occupé

très  sérieusement. Ce n’est que beaucoup plus tard, en 1874, qu’il alla faire un stage à la Brasserie de Tantonville

, alors la plus importante de la région, et déjà dirigée par la famille Tourtel. il s’y trouvait quand Pasteur étudiait

à Tantonville la fermentation de la bière et obtenait des résultats qui ont eu une grande importance dans la

fabrication de la bière. Mon père, si je ne me trompe, n’apportait jamais beaucoup d’activité dans la profession

de brasseur ; avant son mariage, il était encore jeune, sa grand mère et ses parents étaient dans la brasserie ; après

son mariage, il s’occupa beaucoup de politique, bref il laissa souvent à son père et à sa mère  le soin de diriger la

brasserie .

 

  Au mois de novembre 1865 se déclara à Raon une épidémie de Choléra sur laquelle je donne des détails dans ma

brochure :  Raon-l’étape de 1848 à 1870. Mon père fut de ceux qui se dévouèrent à soigner les cholériques avec

 quelques Raonnais, des médecins   de St Die et deux de ses camarades de l’école de Strasbourg qu’il avait fait venir

 .Quelques mois après la médaille d’argent des épidémies lui fut décernée avec cette citation : «  Adrien Sadoul ,

ancien élève de l’école de santé militaire s’est volontairement dévoué avec la plus grande abnégation à tous les soins

à donner aux malades ». Sa conduite pendant l’épidémie de choléra fut le point de départ de la très grande popularité

et de l’influence considérable qu’il avait à Raon et dans la région.

 

   je note en passant que,  le 13 décembre 1866, il fut nommé par le gouvernement capitaine des pompiers de Raon, il

   n’avait guère plus de 25 ans. Ce petit fait marque déjà sa situation. Des vieux Raonnais m’ont souvent parlé jadis

 de son petit cheval gris qui lui donnait une allure que n’ont pas souvent les officiers de pompiers. Il aimait d’ailleurs

bien les animaux et il élevait alors un renard et un sanglier. Il  dut se débarrasser de l’un et de l’autre. Un jour le renard

pénétra dans le poulailler voisin et étrangla toutes les poules ; le sanglier errait dans les rues, bouleversait les étalages

 et les paniers des femmes du marché ; il se faisait chassé par tous les chiens du pays ; bref il devint tout à fait

insupportable. Ce renard et ce sanglier ont fait longtemps l’objet des plaisanteries familiales.

 

 

L’âge du mariage approchait. A ce propos, je trouve au dossier une lettre amusante. Elle n’est point datée, mais elle

doit être de 1867 où 1868. Ses parents se sont opposés à un projet de mariage ; il leur écrit, il a compris leurs

raisons et il n’insiste pas ; mais il a trouvé à Lunéville une demoiselle Cazel qui est parfaite ; elle a toute les vertus et

toutes les qualités et s’il ne l’épouse pas il n’en épousera jamais une autre.

 

   A combien d’exemplaire, depuis que le monde est monde et qu’il y a des hommes, ceux ci ont-ils exprimés de tels

sentiments et y ont-ils failli. Mon père fit comme les autres ; il n’épousa pas malgré toutes les perfections qu’il lui

prêtait généreusement Melle Cazel .Il l’oublia sans doute très vite, et le 6 janvier 1869 il épousa Louise Pauline Meyer, née à Saint Die, au faubourg Saint Martin le 29 juillet 1844.

 

   Le ménage ne dura que dix  ans ; il fut très heureux : j’ai déjà dit que ma mère avait conservé pour son mari un

véritable culte. Ailleurs je dirai ce que fut ma mère, je me borne ici à un exposé assez général.

 

 Il était tout naturel que mon père jouât à Raon un rôle politique, jeune encore, il avait des idées libérales et était

opposé au gouvernement impérial. Aux élections du mois d’août 1870, il fut nommé conseiller municipal. C’était

déjà la guerre. Sur cette époque on trouvera des détails dans mon récit sur la guerre de 1870 et l’occupation

allemande à Raon.

   Les hommes mariés n’étaient pas assujettis au service militaire, mon père ne fut donc pas appelé.

 

   Fin août 1870, on organisa à Raon la garde nationale sédentaire, conformément à la loi du 19 août

Cette garde nationale comprit trois compagnies d’un effectif total de 303 hommes et commandée chacune  par un

désigné par les gardes eux même. Le 4 septembre, mon père fut élu commandant. La garde nationale se réunit, fit quelques exercices , quelques patrouilles, mais son rôle fut à peu près , pour ne pas dire tout à fait nul.

elle disparut avec l’arrivée des allemands le 5 octobre 1870. Le lendemain se livrait le combat de Nompatelize.

Des blessés furent amenés à Raon dans des hôpitaux de fortune ; avec les médecins de la ville et notamment

le docteur Masson , mon père les soigna avec beaucoup de dévouement . Nous eûmes aussi à la maison deux ou trois

blessés légers, et ils y demeurèrent comme  prisonniers . C’est un de ces blessés, mobile des deux Sèvres , qui m’apprit

à marcher. Menuisier de son état, il avait construit un énorme appareil fort encombrant, mais assez ingénieux, qui a

soutenu mes premiers pas, il se trouve toujours dans les grenier de la maison.

 

 

   Pendant la guerre, puis l’occupation allemande , mon père prit une part très active à l’administration de la ville que

les événements rendaient difficile et délicate.

 

 

   En mai 1871, il fut nommé maire de Raon, mais il n’y resta pas longtemps. son grand père Tresté, avait été maire

en 1843. Il avait dû avoir des ennuis. Mon grand père et ma grand mère insistèrent vivement pour que leur fils

abandonnât la mairie, et avec une obéissance  filiale méritoire , il donna sa démission. peu après, son ami

Lucien Cosson, notaire à Raon, fut nommé maire et mon père son premier adjoint.

 

  

  Le 8 octobre 1871, il se présenta au conseil général et fut nommé contre M Huin  , qui avait été maire de Raon pendant toute la durée du second empire, homme de valeur, ayant dans le canton une grosse situation. mon père n’avait à ce moment que trente ans ; il représentait les idées libérales et républicaines, alors très vivement combattues. Il devait tenir une grande place au conseil général des Vosges , alors remarquablement composé avec Jules Ferry ,

Jules Méline, Nicolas Claude, Tanant, D’autre encore il se lia d’une étroite amitié avec eux et notamment avec

Jules Ferry , dont le rôle fut si grand dans les vingt premières années de la 3° république. Jus qu’a sa mort en 1893 ,

Jules Ferry ne cessa de prodiguer les marques de son amicales sympathie à la femme et aux enfants de son ami

. Combien de fois ai je eu l’occasion de le voir dans mon enfance et ma jeunesse, toujours simple, bon et affectueux, Je possède une cinquantaine de lettres à mon père, dont quelques unes sont fort intéressantes sur la politique générale

et le mouvement des idées à cette époque. Mon père fut nommé à nouveau conseiller général aux élections de1877

sans concurrent et à la quasi-unanimité des votants. Sa situation dans le canton s’affirmait tous les jours et elle était

devenue  prépondérante.

 

 

 Malheureusement, sa vie devait être bien courte ; j’ai déjà dit qu’il mourut le 12 septembre 1879 ; il avait 36 ans. sa mort, sans exagération aucune, fut un véritable deuil public, j’en ai eu cent fois la preuve éclatante, sa simplicité, sa

bonté, les innombrables services qu’il avait rendu aux uns lui avaient valu l’affection , l’estime et le respect de tous.

Pendant fort longtemps, son souvenir a été conservé très vivant. En 1898 , son nom fut donné par une municipalité reconnaissante ; en 1933, le bizarre maire actuel Charles Weill eut l’ idée  singulière de donner à des rue de Raon

le nom de tous les maires depuis 1870.Le quai le long de la Meurthe fut débaptisé et le nom d’ Adrien Sadoul  fut

donné à la rue de la Brasserie où se trouve sa maison natale. Près de notre maison.. Il est certainement mieux à sa

place, mais il est quelque peu placé à côté de certains personnages qui,  quoique ayant été maires de la ville, n’en demeurent pas moins falots.

 

 

   A la mort de mon père les témoignages de regrets se multiplièrent. Je placerai en annexe les articles et les discours

qui furent écrits et prononcés ; je veux seulement reproduire ici la belle lettre que Jules Ferry , alors ministre de

l’instruction publique, écrivit à ma mère.

 

        Cabinet du ministre de l’ Instruction Publique et des Beaux Arts            Samedi matin 13 septembre 1879

    

         Chère madame,

       Ce m’est un surcroît d’affliction de ne pouvoir mêler mes larmes aux  votre. Un voyage dont toutes les étapes sont

déjà annoncées et préparées officiellement, ne me permettra pas de dire à mon ami au compagnon de toutes nos  luttes

.à l’âme tendre et dévouée en même temps que résolue, au plus actif, au plus bienveillant des hommes, l’éternel adieu. Nul ne sait mieux que moi, Chère Madame, se que vous perdez, nul n’a plus admiré cette tendresse vigilante qui a charmé la vie du meilleur des époux

et des pères, et cet héroïsme des derniers jours qui s’étudiait à lu cacher jusqu’au moindres symptômes des angoisses qui vous dévoraient.

Voulez vous me permettre de vous dire que vous avez en moi le plus fidèle de amis, et que vos fils, ceux qui porterons dignement grâce

a vous . Le nom paternel, trouverons toujours en moi vivante et agissante, la plus profonde affection que j’avais pour leur père, et que cet

admirable ami  savait payer du dévouement le plus cordial et  le plus touchant.

   Je n’ose vous recommander le courage, votre grand cœur maternel est à la hauteur de tous les devoirs.

      Je suis avec vous de cœur et d’âme

 

                     Jules FERRY

 

        A cette lettre émouvante, il n’y  aurait rien à ajouter, si je ne voulais rappeler deux souvenirs qui me sont

personnels .Ils sont très minces en eux mêmes, mais cette insignifiance montre bien l’influence et l’autorité qu’avait

mon père à Raon

     L’hivers 1879-1880 qui suivit sa mort fut très rude, le froid extrêmement vif et il demeure dans le souvenir des

contemporains. la Meurthe était complètement prise, quand vint le dégel, les glaces s’amoncelèrent en aval du grand

pont et formèrent un énorme barrage qui arrêta les eaux grossies par la fonte des neiges et on pu craindre de graves

inondations. J’étais allé voir sur le pont, et, avec d’autres enfants, j’étais dans la foule assez nombreuse. Des gens

discutaient avec vivacité sur les mesures à prendre, sur ce qu’il fallait faire ou ne pas faire et , bien entendu chacun

donnait son avis. c’est alors que j’entendis un ouvrier, qui ne m’avait certainement pas remarqué, et qu’il me semble

voir encore à plus de cinquante années de distance, qui disait aux autres d’un ton très convaincu : « Ah, si M. Adrien

était là, cela ne se passerais pas comme cela. »

 

 

   C’est bien peu de chose, ce n’est rien, et pourtant, mieux que de longs discours, cette naïve réflexion d’un homme du peuple, prêtant à mon père le pouvoir d’arrêter les glaces ou de les faire fondre, montre son influence et son autorité.

   Autre petite fait. a la distribution des prix de 1880, j’eu le prix d’honneur de l’école et à cette occasion j’entendis

 encore la réflexion d’un assistant : «  Même s’il n’avait pas mérité son prix, il aurait fallu lui donner par

 reconnaissance et  en souvenir de son père » .

    J’en ai assez dit pour que mes enfants et petits enfants puissent être fier de leur grand-père et qu’ils cherchent à se

montrer dignes de lui.

 

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                                                                           Pauline MEYER  Mère de l’auteur

 

Les mots sont trop froids pour dire suffisamment ce que ma mère a fait pour nous, sa profonde affection, son dévouement sans limites de tous les jours et de toutes les heures et aussi son souci de faire de nous des hommes. Mon frère et moi avons eu la satisfaction de l’entourer d’une affection semblable à celle qu’elle nous portait et d’essayer de lui rendre une partie de ce que nous lui devions. Elle fut la meilleure des mères pour me servir d’une expression devenue banale, mais il n’y en a point d’autre.

   Mon frère et moi, nous sommes toujours efforcés d’être de bon fils et là , dans ces notes, on trouvera d’elle quelques souvenirs, et il en est d’autres, soit dans mon journal de guerre soit dans les lettres que je lui écrivais quand je n’étais

pas auprès d’elle, et dont elle a conservé une grande partie.

 

 

   Veuve à 35 ans, elle ne songea pas un seul instant à se remarier . Sa vie ne devait plus avoir qu’un devoir et qu’un

but celui de nous élever. A la mort de mon père, j’avais neuf ans, mon frère sept . La tache était rude et longue, ma

mère n’y faillit pas un seul instant . Voici sur elle quelques détails.

 

  Son enfance et sa jeunesse à St-Dié  ne présentent, à ma connaissance , rien de particulier. Elle fut élevée au pensionnat du Beau Jardin à St-Dié, puis elle passa deux ou trois ans chez les Dominicaines à Nancy. Elle s’y trouvait en 1859 et elle rappelait parfois les cérémonies qui avaient eu lieu à l’occasion de la guerre d’ Italie.

  Ma mère reçut en somme l’instruction et l’éducation des jeunes filles de la bourgeoisie d’alors. Comme toutes, elle

prit des leçon de piano, mais avec le succès que nous devions avoir plus tard mon frère et moi, ce qui veut dire

qu’elle n’entendait rien à la musique.

 

   Par contre elle avait un assez joli de dessin et de peinture. Elle peignit un beau missel, inspiré par le superbe missel du moyen âge qui se trouve au musée de St-Dié . ce missel  a servit de livre d’heures pour mon mariage. Il a servi à

toutes les cérémonies heureuses de la famille depuis prés de 70 ans ( Mariages premières communions). Plus tard, elle

fit un second missel semblable, peut être peint avec plus ‘habileté. mais qui n’avait pas les mêmes souvenirs et qu’elle

donna à mon frère et à ma belle sœur .

 

   Après la mort de mon père , pour se distraire de son chagrin elle fit beaucoup de peinture sur faïence ; nous avons d’elle bien des objets et notamment un beau et amusant service de table que nous appelons les service bleu.

 

  Rien de particulier non lus dans son existence à Raon après son mariage, sinon qu’elle fut pour son mari une femme

aimante et dévouée. Après la mort de mon père, sa personnalité s’affirma et elle prit dans la famille une place

prépondérante. Une grande affection la liait à mes grands parents qui lui étaient reconnaissants du dévouement éclairé

qu’elle apportait à l’éducation des enfants de leur fils aîné mort si jeune.

 

Ma mère était une jolie femme, grande, brune, aux yeux noirs, elle avait une santé superbe. Malheureusement, une

maladie assez grave la lui fit perdre assez jeune. dans l’hivers de 1890, à un âge critique elle fut atteinte d’une grippe

infectieuse, qu’on appelait alors l’influenza, et elle ne s’en remit jamais complètement. Elle avait jusque là

extrêmement active, elle du ensuite se ménager et prendre beaucoup de précautions. Le cœur avait été atteint et peu à

peu, l’exercice lui devint pénible.

 

  Elle avait un très gros appétit, un estomac qui aurait digéré des cailloux, par surcroît, elle aimait la bonne chère ; on pouvait la dire   même très gourmande ou très gourmet au choix ; elle avait les habitudes de l’époque , avec des repas

trop copieux et , par surcroît, des tendances à grossir , tant et si bien que , le manque d’exercice aidant, elle prit un embonpoint qui fut funeste à sa santé. La marche lui fut difficile, elle prit l’habitude de vivre sur son fauteuil a lire où

a travailler,, et l’immobilité et des douleurs rhumatismale amenèrent une ankylose complète des membres inférieurs.

 

  Il s’ensuivit aussi un mauvais fonctionnement des reins. Les premières crises passèrent assez inaperçues , une crise

plus grave se produisit en octobre 1913 quand elle se trouvait à Raon. Elle ne devait plus quitter Raon, elle y était au moment de la guerre et de l’invasion allemande en août et septembre 1914. malgré des crises d’urémies assez

fréquentes, sa santé se maintint plus longtemps qu’on ne pouvait l’espérer ; mais elle allait peu à peu en s’affaiblissant. Elle était restée bonne et affectueuse ; les derniers mois seulement, elle cessa d’être elle-même. Elle mourut le 25 mars 1920. Bien que je fuse préparé  à sa mort, que celle ci fut presque une délivrance, j’en éprouvai tout naturellement un très violent chagrin.

 

 

                                                                         La Famille MEYER

 

                                                                                  

                                                                                          daguerréotype

                                                    Pauline et Xavier MEYER 1852  avec leurs tante Louise et Madeleine Silice 

 

   Ma mère Louise Pauline Meyer est née à St-Dié, prés de l’église St Martin, le 29 juillet 1844. Son père François Xavier Meyer, était né à Colmar le 8 Avril 1805, il mourut à St-Dié le 5 avril 1876, sa mère , Pauline Élisabeth Tisserand, née le 24 octobre 1818, y mourut le 17 mai 1878

 

 

 Je sais en somme assez peu de choses sur la famille de mon grand père maternel. Sa mère était une Muller, dont les frères et les sœurs ont eu pour descendants les familles Stouls, Christ Breitel et Arnould. Nous n’avons plus guère de relations avec les uns les autres, sauf avec certain Stouls et surtout avec Marie Christ, religieuse du Carmel à Paris.

 

  Alexandre Stouls, cousin germain de mon Grand père, s’était fixé à St-Dié où il était maître de poste, situation alors

importante ; il avait l’entreprise des diligences et voitures publiques de la région ; en somme directeur des transports

avant les chemins  de fer. il fit une très grosse fortune, eut un fils élève à l’école polytechnique, pendant quelque temps

sous préfet sous le gouvernement Mac Mahon, qui n’a laissé que des filles, dont l’une vient encore passer ses vacances

à St-Dié .

 

  Alexandre Stouls fit venir mon grand père à St-Dié. Celui ci resta un certain temps dans les postes et les transports avec son cousin, puis il s’associa avec M. Crovisier ( dont les descendants existent toujours) dans un commerce de vins

en gros où les deux associés gagnèrent certainement pas mal d’argent et assez vite, car mon grand père se retira encore

 jeune des affaires, il fit bâtir la maison de la place Stanislas que nous possédons toujours.

 

Il s’était marié le 11 février 1841. Sa femme, Pauline Élisabeth Tisserand, était d’une vieille famille de la région.

Les Tisserands étaient originaire du village de La Salle où sans doute ils étaient cultivateurs. Nicolas Tisserand mon

trisaïeul, fut dans l’administration des douanes sous le Premier Empire, il était lieutenant des douanes en Hollande à l’époque du blocus continental  J’ignore ce qu’il fit ensuite. Son fils  Charles Tisserant(1815-1903) frère de ma grand

 mère, fonda a Saint-Dié une fabrique de bougies et de savons qui pris par la suite une assez grande extension

 . Marguerite Tisserant et Mme Pasdeloup sont ses petites filles, mes cousines au sixièmes degré, leur frère Charles

Tisserant est pharmacien à Belfort

 

 

L’arrière grand père Tisserand avait épousé Catherine Silice née à St Dié le 12 avril 1790. Les Silices étaient originaires

de Savoie alors province italienne. François silice(orthographié au début Sélisse) , fils de Jean et de Nicolarde Chédal

était né vers 1695 à Saint Bon, diocèse de Tarentaise(Savoie)  aujourd’hui arrondissement de Moutiers. Il vint au

début du 18° siècle à St Diè , où il épousa,  le 4 novembre 1721, Marguerite Ferry ; ils eurent neuf enfants, dont

Claude Silice , né le 30 septembre 1737, sa fille Catherine fut la femme de l’arrière grand père Tisserant. Ce Claude

Silice avait été, d’après les souvenirs du grand oncle Tisserant , gendarme rouge à Lunéville, puis marchand drapier

Il devait avoir à St Diè sous la Révolution une certaine influence. En 1790, il est officier municipal, en 1791, adjoint

pour assister à l’instruction des procès criminels ; le 8 nivôse an III ( 28 Décembre 1794) après thermidor il est

chargé d’épurer la société populaire d’ Ormont( nom révolutionnaire de la ville de St Diè ) en l’an VI, l’un de ses

fils est nommé sous lieutenant  de la garde nationale. Le 26 novembre, il avait été élu par le corps électoral maître de la poste aux lettres, et il avait prêté serment le 26 novembre  1792 devant le conseil général de la commune.

il mourut le 12 février 1819 ; après la naissance de sa petite fille Pauline  qui devait être ma grand mère.

 

Il existe encore des descendant du nom de Silice. Le docteur Silice, médecin militaire d’une certaine valeur, avait

épousé en seconde noce une espèce de toquée qui est très connue à Nancy pour ses excentricités.

 

Par les Silice nous étions parents du docteur Raoul, médecin à Raon , dont la bienfaisance et la bonté n’avaient d’égales que son originalité ;

 

Ma grand mère perdit sa mère assez jeune, elle fut élevée par ses deux tantes, Madeleine et Louise Silice, deux vieilles

filles assez originales, mais excellentes personnes. J’ai d’elles un daguerréotype, fort bien conservé qui les représente avec ma tante et son frère Xavier.

 

Mes grands parents Meyer eurent trois enfants dont deux fils qui moururent jeunes. L’aîné Xavier,

( 18 juin 1842 20 juillet 1873 ) fit ses études au collège de St Dié puis son droit à Strasbourg. Il était lié avec mon père et mon oncle. Sur un daguerréotype qui est dans mon bureau à Raon , il se trouve avec mon père, celui ci en uniforme

d’élève à l’école de santé militaire. ces relations d’étudiant contribuèrent sans doute au mariage de mon père et de ma mère .

Le second fils, Alfred ( 3 juin 1854 17 février 1882) fit lui aussi de bonnes études. Il eut l’idée heureuse de créer à

St Dié , une nouvelle fabrication de textiles, mais il mourut avant d’avoir pu en tirer grand profit. Sa petite usine est devenue les grands établissements Marchal, dont l’histoire industrielle et financière est fort mouvementée.

 

 

Mes oncles Meyer étaient des jeunes gens très intelligents, mais j’ai entendu dire  que leur conduite, comme celle de beaucoup de jeunes gens de cette époque, dont la famille avait quelque fortune, était loin d’être exemplaire ey qu’elle ne  contribua pas peu à leur mort prématurée.

 

Par contre il est juste de souligner , la vie de mes grands parents Meyer, qui peut être comparée à celle des Tresté

Et aussi des grands parents de ma femme. Les traditions sont les mêmes dans les deux branches. les Meyer comme

les Tresté , j’insiste à dessein, étaient partis de situations modestes  Par le travail, l’ordre et l’économie, ils ont pu les

uns et les autres , se constituer une aisance, très belle pour l’époque, et en même temps faire donner à leurs enfants une

instruction soignée. Toujours la belle allégorie grecque de la course au flambeau.

 Ces exemples, je les signales une fois de plus à mes enfants et petits enfants, ils sont bon à méditer.

 

 

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  Lucien SADOUL – 1845 – 1905

Hélène GANDREY – 1856 – 1939

 

.A mon oncle, je dois une profonde reconnaissance; il fut pour moi un second Père, il eut sur ma vie et ma carrière une profonde influence et c'est pour moi une satisfaction que d' exprimer ici la vénération et la reconnaissance que je porte à sa mémoire.Au moment de la mort de non père, il était Procureur de la République à Boulogne; pour se rapprocher de nous et de ses parents,il demanda et obtint sa nomination d'Avocat général à la cour d' Appel de Nancy qu'il ne devait plus quitter. Il ne cessa de s'occuper de nous, de notre instruction et de notre instruction,d ans les lignes générales tout au moins.Si bonne et si dévouée que fut ma mère, i1 est certain que les éducations conduites uniquement par des femmes ont bien des inconvénient s et des  lacunes, tout comme les hommes font incapables de mener seuls tout à fait à bien les éducations de leurs enfants Les deux influences sont nécessaires .Mon oncle nous montra toujours un grand dévouement et une grande affec­tion. Les relations entre les deux branches de la famille étaie extrêmement étroites et les deux fils de mon oncle,André et Paul furent plutôt pour moi des frères que des cousins. le temps n'a pas affaibli

   cette profonde affection.

Mon oncle, Lucien Marie, naquit à Raon le 8 Août 1845, peu après le retour de son père à Nancy il fit ses études au Lycée de .Nancy, puis son droit à la Faculté de Strasbourg. Après avoir Pte attaches au Parquet de la cour d'Appel le Colmar, il fut nommé substitut à  Wissembourg, le 22 septembre 1869, débutant ainsi très jeune dans la magistrature aux lieux mêmes son grand père et mon arrière grand père avaient été magistrats

La guerre arriva bientôt.on sait qu'à  Wissembourg se livra, le 4 août 1870, la premier combat malheureux de cette fatale guerre mon oncle eut alors une belle attitude en l'absence de son  lui valut n.in^si 'u' . ses collègues du tribunal une lettre de félicitation du gouvernement de la Défense Nationale. ( Conforme, son éloge par .l'avocat le 7b octobre 1906,on en trouvera sur lui quelques détails intéressants, bien que ce discours soit assez banal.) Les Allemands éloignèrent  bientôt les magistrats  Alsace, et mon oncle fut envoyé comme prisonnier sur parole à Raon avec son

procureur,ts, M Lemaitre. cette captivité était  en somme très douce

surtout si on la compare aux d'impitoyable rigueur prises par les Allemands en pays envahi de 1914 à 1918

Après l'armistice; il pu obtenir vite sa réintégration, et, le 23 avril 1871, il fut.nommé  Substitut à :Nevers. Il s'y maria en mars 1873 avec Hélène GANDREY , dont parents tenaient  à Nevers un important commerce de drapsMa tante était extrêmement  jeune lors de son mariage, elle  n'avait pas encore I7 ans,Étant née le 14 mai I856. C’était une fort jolie jeune fille.Dont je ne .veux pas trop faire l’éloge, de peut d’effaroucher sa modestie.Elle avait un frère aîné, Aristide, né en 1848homme aimable et distingué, qui après avoir repris le commerce de ses parents, se consacra à l’art et à la musique ; il fut notamment  administrateur  général de l’opéra  comique et directeur du Casino d’Aix les bains.Une sœur également plus âgée, fine et distinguée comme elle, épousa le capitaine Mounier qui devait terminer sa carrière comme général commandant la division de Périgueux. Aristide GANDREY a eu un fils jean  qui s’occupe aussi d’art et de musique. Des deux fils de Mme Mounier l’un Maurice, est aujourd’hui préfet du Gard, l’autre, ancien St Cyrien, a été tué comme lieutenant  de zouaves à la bataille e de Charleroi en août 1914. M GANDREY et Mme Mounier sont morts  tous deux, à un âge avancé, et à quelques jours d’intervalle, au mois de novembre 1930.

 

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André SADOUL

                                                           11 octobre 1875 – 5 décembre 1904

 

André Sadoul est né le 11 octobre 1875 à Varennes les Nevers, dans la maison de campagne du Four de Vaux, qui

appartenait à ses grands parents Candrey. Il était tout jeune encore quand ses parents vinrent à Nancy, il fit ses études

au lycée, puis à la faculté de droit, et entre temps son service militaire au 26ème régiment d’infanterie.

Il est parfois difficile et parfois délicat ( il faut le répéter souvent ) de parler des générations actuelles et de ceux qu’on a

connus et aimés. L’affection qu’on peut avoir pour les uns et pour les autres vous égare ; on peut être ou trop indulgent

ou parfois trop sévère, on ne connaît pas l’avenir. J’avais pour André une affection fraternelle, ce n’est point y faillir que de

dire qu’il eut une enfance et surtout une jeunesse très difficiles. Ce n’est pas qu’il ne fut un excellent garçon, il l’était même

trop, ce qui fit souvent son malheur. Très intelligent, séduisant, très spirituel, d’un entrain endiablé, excellent camarade,

aimant à faire plaisir et à rendre service, il n’a inspiré autour de lui que des sympathies et chose plus rare, des amitiés

profondes.

 

Il n’était pas trop porté au travail, mais je crois que le goût lui en serait venu plus tard, car il avait l’ambition de réussir et

cette ambition était justifiée.

Quand il fut licencié en droit et eut terminé son service militaire, il s’agissait de lui trouver une situation. Ce n’était pas

très facile. A tout hasard, son père alla au Ministère de la Justice pour s’informer, au mois de novembre 1899. Il se trouva

que M. Monis, Garde des Sceaux dans le cabinet Waldeck Rousseau, cherchait un secrétaire particulier et qu’il se décida

pour mon cousin ; André avait trouvé la situation qu’il lui fallait, il séduisit Monis comme les autres, et bientôt, il fit à la

Chancellerie la pluie et le beau temps.

 

 

Vite, il se créa de nombreuses et belles relations qui auraient pu être très utiles, non seulement à lui, mais à nous tous,

d’esprit fin, avisé, diplomate, il évolua à l’aise dans ces milieux très spéciaux de la politique et de la haute administration et

su se tenir sur le terrain de Paris si glissant pour beaucoup et notamment pour les provinciaux.

Au mois de mai 1902, le ministère Waldeck Rousseau tomba et Monis quitta la Chancellerie. André fut nommé

directement juge à Reims, tribunal de première classe, d’autant plus recherché qu’ il appartient au ressort de Paris. Il n’

avait pas encore 27 ans.

André n’avait pas grand goût pour les fonctions sévères  d’un magistrat du siège. Il aurait certainement cherché à sortir de

la magistrature. La politique le tentait. Dès ce moment, il vit venir le vent et chercha à poser des jalons pour une

candidature ici ou là.

Malheureusement, sa vie ne devait pas lui permettre de réaliser ses projets : au début de l’hiver 1904, il fut pris d’une grippe

infectieuse. La maladie fit vite des progrès, une pneumonie se déclara et il mourut le 5 décembre 1904.

Son enterrement donna lieu à d’ unanimes et émouvantes manifestations de sympathie.

 

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Paul SADOUL

                                                           Né à Raon l’ Étape, le 03 avril 1881

 

Les vivants, pour des raisons que j’ai dites, ne peuvent avoir qu’une courte notice composée surtout de renseignements d’

ordre chronologique.

 

La vie de Paul ne présente d’ailleurs rien de très particulier. Moins brillant que son frère, il est par contre plus raisonnable

et plus posé, son existence s’est passée jusqu’ici normalement et il est évident qu’à moins d’un événement bien improbable

il en sera toujours ainsi.

 

Études secondaires au Lycée de Nancy, Faculté de droit, thèse de doctorat au mois de juin 1905 sur « la guerre civile en droit des gens », service militaire au 26ème régiment d’infanterie.

Rien à signaler.

 

Au début de 1906, grâce au souvenir laissé par son père, les longs et monotones débuts dans la magistrature purent lui

être épargnés et sans passer par le poste de juge suppléant dans lequel on s’éternisait, il fut alors nommé directement

Substitut à Saint Michel, le 03 janvier 1906. Ce début était plein de promesses, il pouvait permettre une belle carrière,

voici la suite : Substitut à Saint Dié le 24 mai 1910, puis Procureur de la République à Remiremont le 07 septembre 1913

 

A la mobilisation, il est affecté au Conseil de guerre de Belfort, puis à l’intendance, peu après il est Maréchal des Logis

dans un régiment d’artillerie sur le front d’ Alsace qu’il ne quittera que dans les derniers mois de la guerre pour les services

de sûreté de la 7ème armée ou Armée des Vosges.

 

Démobilisé, il reprend ses fonctions à Remiremont. Le 27 juin 1922, il est nommé Procureur de la République auprès du

du Tribunal d’ Épinal et auprès de la Cour d’assises des Vosges où il exerce encore actuellement ses fonctions après avoir

été pendant quatre années lors de la réforme judiciaire, Chef du Parquet de tout le département.

 

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Roger Charles Louis SADOUL

né le 17 février 1870 à RAON L’ ÉTAPE

marié le 23 septembre 1897 à

Marie Angèle Alice BENOIST

né le 17 juillet 1878 à Carignan (Ardennes)

 

1897 Alice et Louis Année du mariage

 

Parler de soi et des siens très proches n’est pas besogne facile et la maxime du philosophe grec : « connais-toi toi-même »

se pratique bien difficilement. Le plus simple, le plus sincère aussi peut-être est de se borner à un exposé objectif avec de

ci de là une réflexion plus générale. Je ne veux pas faire autre chose pour les générations actuelles.

 

Après avoir écrit ces lignes très sages en brouillon, ma plume s’est mise à courir et je me suis laissé aller à parler de moi longuement.

 

Tant pis, je maintiens l’exposé, peut-être aura t-il plus tard un intérêt, celui de montrer la vie d’une famille du 19ème et

20ème siècles, et alors de prendre une valeur dans les temps lointains.

 

Je suis né à Raon le 17 février 1870 dans la maison où étaient déjà nés mon père et ma grand mère. Peu après éclatait la

guerre de 1870. Si bien entendu, je n’en ai pas le souvenir personnel j’en ai tellement entendu parler qu’il me semble

parfois l’avoir vécue. Sur moi comme sur tous ceux de ma génération surtout dans les régions de l’ Est, ce grand événement

eu une grosse influence.

 

De ma toute première enfance, j’ai quelques souvenirs. L’un est si lointain que je me demande s’il est bien exact, celui du

baptême de mon frère en mai 1872, alors que je n’avais guère plus de deux ans. Un autre souvenir très précis celui là est

d’avoir vu une compagnie allemande passer dans la rue de la Gare, (aujourd’hui la rue Thiers), un jour que mon grand père

me promenait et s’était arrêté pour causer avec un homme qui pavait la rue. Comme les allemands ont évacués Raon le 31

juillet 1873, je devais avoir un peu plus de trois ans. Je me rappelle aussi mon arrière grand-mère Tresté, morte en

juin 1874. Je ne cite ces menus détails que pour montrer que dans les mémoires d’enfants se gravent souvent des souvenirs

très lointains. Ceux-ci pour mes petits enfants paraîtront remonter aux temps préhistoriques.

 

 

 

 

 

La mort de mon père devait avoir sur moi une très influence. Bien jeune, j’avais neuf ans et demi, je compris cependant toute l’étendue du malheur qui nous frappait, et surtout je sentis sans trop m’en rendre compte sans doute que je devenais

presque chef de famille. Je ne veux pas me faire meilleur que je n’étais, mais je puis dire que je devins très raisonnable autant bien entendu qu’un enfant peut l’être, que j’eus souvent des idées et des préoccupations au dessus de mon âge, à

certains égards tout au moins car par ailleurs je restais un enfant turbulent, agité et étourdi.

 

Je fus mis à l’âge habituel à la salle d’asile qu’on n’appelait pas encore l’école maternelle, tenue par la Sœur Rosalie, puis à

l’école primaire j’y fis de bonne études et j’ai toujours eu à me féliciter d’avoir débuté à l’école primaire. En 1881 je passai

mon certificat d’étude et bien que le plus jeune des candidats, je fus reçu le second du canton, jamais, je ne crois aucun

succès universitaire ne m’a donné plus de joie. Le moment des études secondaires approchait, il eut même été préférable

de les commencer un an plus tôt, car les leçons de latin que je prenais avec le Père Jean Mougin, ancien principal du

minuscule Collège de Sainte Marie aux Mines, et les leçons d’allemand de Melle Bauer qui n’était guère plus forte que ses

élèves étaient bien insuffisantes.

 

En 1882, ma mère prit la décision de s’installer à Nancy.

 

Ce n’est pas sans de vifs regrets que je quittai Raon où j’avais passé une enfance heureuse et choyée, mais il le fallait. Je

revois notre départ, j’entends encore mon grand père me dire « Louis, je compte sur toi, sois raisonnable, travaille et deviens un homme ». Sans fausse modestie , je crois n’avoir pas trompé les espérances de mon grand père. Ces paroles

me sont toujours restées profondément dans la mémoire, peut-être m’ont elles bien souvent guidées dans la vie.

 

Je les ai redites à mon petit fils Jacques Brongniart, quand lui aussi a eu le malheur de perdre son père au même age que moi. J’espère que comme je l’ai fait, il ne les oublierai pas.

 

Ma mère avait loué un appartement très agréable, confortable pour l’époque, 7 rue de la Ravinelle, derrière la Faculté. Le

prix du loyer était de 1.800 francs. Là, je devais faire toutes mes études et demeurer jusqu’à ma nomination de Substitut en

1894. Ma mère le quitta en  1898, seulement pour aller habiter 11 rue de Lorraine, puis 2 place Carnot.

 

J’entrai au lycée à la rentrée d’octobre 1882 dans la classe de cinquième. J’y fis de bonnes études sans plus. J’étais un bon élève en ce sens que je me tenais en moyenne dans les dix premiers, mais n’arrivant au premier rang que par exception.

Les professeurs me disaient intelligent, ayant des dispositions naturelles marquées pour le français et la littérature, mais ils

me reprochaient de ne pas fournir un effort assez soutenu. Certains de mes bulletins que je retrouve m’ont bien amusés.

Je réussissais bien en français, mais je n’y avais pas grand mérite disent ces bulletins car j’y arrivais sans effort et je négligeais le reste. Je crois que les professeurs exagéraient un peu à la fois mes mérites en français et mon indifférence pour

le surplus. J’aimais beaucoup la littérature, l’histoire et également par contraste les sciences, surtout la physique et la chimie.

J’avais peu de goût pour les langues, quelles soient mortes comme le latin ou le grec ou vivante comme l’allemand.

Peut-être les mauvais commencements que j’avais eu à Raon y étaient-ils pour quelque chose. Cependant au fur et à mesure que mes études s’avançaient, je prenais dans la classe un rang meilleur et je fus reçu sans effort exceptionnel au

baccalauréat de rhétorique en juillet 1887, à ce propos est-ce pêché d’orgueil que de noter que je n’ai jamais été refusé à un

examen ? Le baccalauréat de philosophie ne fut qu’un jeu. Les bulletins de cette année là sont fort mauvais et cependant mes notes d’examen m’auraient valu la note bien ou très bien si un professeur sévère ne m’avait fait patauger sur une question saugrenue et ne s’était opposé à une mention.

 

La médiocrité de mes bulletins de cette année là s’expliquent, je fus un élève de philosophie très turbulent et même un peu chahuteur. J’en avais assez du lycée et j’aspirais à plus d’indépendance. De plus, je venais d’avoir une grosse déception. Tout jeune j’avais eu la vocation très arrêtée d’être forestier ; j’avais le goût très vif que j’ai conservé de la forêt et de la campagne, on entrait alors directement à l’école Forestière par concours comme à Polytechnique et à Saint Cyr, et à la fin de ma philosophie, je me préparais à entrer dans le cours de Forestière au Lycée, mais au mois de janvier 1888, une réforme se produisit qui obligeait tous les candidats à passer par l’institut agronomique de Paris et d’y faire deux ans d’études. Les camarades et moi pensèrent que toute l’administration forestière allait être transformée et presque tous les futurs forestiers changèrent d’idées.

 

 

 

Avec de bien vifs regrets, j’abandonnais mon projet d’être forestier et après quelques hésitations, il fut résolu en famille que je ferais mon droit.

 

Si la réforme de l’école avait été retardée de deux  ou trois ans, ma vie aurait été bien changée. Comme mon tempérament ne me porte pas à des regrets inutiles, je me suis dit depuis longtemps que ce que le sort a fait a été bien fait. Je suis loin d’ailleurs d’avoir eu à me plaindre des avantages et agréments que j’ai trouvé dans la magistrature.

 

Me voilà donc au mois de novembre 1888 étudiant en droit. Ah, quel beau temps, avoir vingt ans et être étudiant, c’est le bonheur sur terre, je n’insiste pas sur cette banalité.

 

Mais que mes descendants n’aillent pas en conclure que j’ai mené à cette époque une vie de folles distractions. Non, j’ai toujours été un garçon très raisonnable.

 

Alors que j’avais été au lycée un élève simplement honorable, je pris la tête de colonne dès que j’abordai l’enseignement supérieur. Je puis le dire sans vantardise, des études de licence très supérieures à la moyenne. Je passai tous mes examens avec unanimité de boules blanches, suivant la cotation de l’époque et même sur six examens j’obtins cinq fois l’éloge spécial réservé aux candidats qui se signalaient particulièrement. Licencié en juillet 1891, j’entrai comme attaché au parquet général près de mon oncle le 5 novembre 1891. De ce jour là, commence ma carrière de magistrat. Je fis en même temps mon doctorat. A cette époque j’ai beaucoup travaillé. La nonchalance que

certains professeurs m’avaient reprochée au lycée, peut-être avec quelques exagérations, avait disparu depuis longtemps et j’avais pris un goût très vif pour le travail et l’étude que j’ai conservé. Le parquet de la cour me prenait plusieurs heures par jour, la préparation des examens de doctorat était difficile. Je dus alors fournir un gros effort. Il me fut extrêmement utile. Si bonnes qu’eussent été mes études de licence, seuls le doctorat et le travail du Parquet, dans une sphère modeste cependant, mûrirent mon esprit et me donnèrent la méthode de travail et les facultés d’examen critique et d’étude nécessaires.

 

J’ai passé certainement de très bons examens de doctorat, mais les professeurs m’en voulaient quelque peu de travailler au Parquet et de ne pas me consacrer uniquement à la Faculté et mes notes de doctorat, tout en restant très bonnes, furent un peu moins favorables que celles de Licence. Je passai mes thèses de doctorat le 1er février 1894. En prévision de ma nomination prochaine dans la Magistrature, j’avais dû en précipiter la préparation. Ma thèse en droit romain avait pour sujet « La Bonorum Venditie » et ma thèse de droit français « Le secret professionnel », pour avoir été préparé assez vite, le secret professionnel n’en est pas moins une lecture facile. Ma soutenance se passa fort bien, le rapport de la Faculté constata que j’avais montré une facilité et une élégance de parole qui avaient été remarquées.

 

Ces études commencées à la salle d’asile de Raon étaient terminées, et j’entrais dans la vie active.

 

Peut-être aurai je pu préparer l’agrégation de droit. Si la Faculté avait été composée comme elle l’est aujourd’hui, il est certain que mes professeurs m’y auraient poussé, mais ceux de mon temps, dont la plupart étaient d’ailleurs excellents se souciaient assez peu de leurs étudiants en dehors des cours et ne s’intéressaient guère à leur avenir.

 

J’aurais, je crois, eu des chances de réussir au difficile concours de l’agrégation, si mes compositions écrites ne se signalaient pas particulièrement, par contre mes exposés oraux étaient excellents et ils comptent beaucoup au concours de l’agrégation, mais mon entrée dans la magistrature était toute indiquée, elle était décidée depuis longtemps et je ne pensai qu’à l’agrégation que pour en rejeter l’idée.

 

A cette époque il n’y avait pas de concours d’entrée dans la magistrature, c’était presque regrettable pour moi, car j’aurai pu le passer brillamment.

 

On ne pouvait être nommé Juge suppléant sans traitement au surplus, qu’à vingt-cinq ans. Le stage y était très long, les nominations directes à un poste de Substitut étaient fort rares à moins d’avoir été attaché à la Chancellerie, situation équivalente à celle de suppléant, mais qu’on pouvait obtenir plus jeune.

 

Mon oncle avait beaucoup d’influence à la Chancellerie, il en usa très largement pour moi et le 30 mars 1894, je fus nommé Substitut du Procureur de la République à Bar le Duc. Je venais d’avoir 24 ans. Cette nomination était tout à fait exceptionnelle et elle me valut bien des envieux.

 

Me voilà donc Substitut à Bar le Duc, au printemps de 1894 et j’y restai deux ans et demi. Ce fut une des époques les plus heureuses de ma vie.

 

J’y trouvai de très agréables relations, les Barisiens m’accueillirent à bras ouvert et je me fis de bons amis. J’aimais le monde, la société et bientôt je me trouvai à Bar comme chez moi.

 

Je m’affirmai aussi très vite comme jeune magistrat de mérite. J’avais une excellente préparation rhétorique, le goût du travail, le désir de bien faire et de justifier la faveur dont j’avais été l’objet. Il me manquait la pratique de l’audience et l’habitude de la parole publique.

 

Avocat stagiaire, très occupé au Parquet et à la Faculté, j’avais fort peu plaidé, mais suivant le vieil adage latin : Nascuntur poetae, fiunt oratores, ce que je traduis pour ceux qui ne connaissent pas le latin : « si la nature vous fait poète, le travail vous rend orateur », je travaillai donc et très vite je pus acquérir une suffisante habitude de la parole. Quelques semaines après mon arrivée, une occasion se présenta de donner des conclusions dans une importante affaire civile qui avait fait beaucoup de bruit dans la région. J’eus la chance de réussir et à partir de ce moment, j’étais côté, je n’avais plus qu’à continuer, c’est ce que je fis en m’intéressant aux audiences correctionnelles et en donnant des conclusions dans les affaires civiles chaque fois que je le pouvais.

 

A cette époque, l’avancement de jeunes magistrats était assez rapide, aussi le 16 octobre 1896, à mon tour d’ancienneté, je fus nommé Substitut de seconde classe au tribunal de Sedan. Malgré la satisfaction bien naturelle que me donnait cet avancement, c’est avec regret que je quittai Bar où j’avais passé des jours heureux.

 

Je ne pensais guère qu’à Sedan allait se produire l’événement le plus important de ma vie : mon mariage.

 

Je fus accueilli à Sedan aussi cordialement qu’à Bar le Duc. On disait les Sedanais très réservés et de relations difficiles. Je ne sais pas qui a pu leur faire cette réputation, si ce n’est que les armes de la ville comportent un sanglier,

animal fort bourru.

 

Je ne rencontrai que des gens aimables et au bout de quelques jours j’étais reçu partout, même dans les maisons passant pour être les plus fermées. Les invitations à la chasse, à d’innombrables bals, soirées et dîners étaient journalières. La saison mondaine cet hiver là fut très animée et j’y pris  la part la plus active. C’est ainsi que je rencontrai une charmante jeune fille. Raconter mon mariage m’entraînerait au delà des limites permises. Et puis au bout de 36 ans de ménage, au seuil de la vieillesse si même on n’y est pas entré tout à fait, ces souvenirs sont tout à la fois très doux et très mélancoliques. Et encore apprendrai-je quelque chose à mes enfants. Ne savent-ils pas tout ce qu’ils doivent à leur mère.

 

Bref, après d’heureuses fiançailles, le mariage eut lieu à Sedan, le 23 septembre 1897. Alice Benoist venait d’avoir 19 ans, née à Carignan le 17 juillet 1878. Sa famille était une des plus honorables et des plus considérée de la région. Son père Ludovic Benoist était originaire de Rosières en Santerre (Somme) où il était né le 16 mars 1843, sa famille était nombreuse, 12 enfants, son père était notaire, puis juge de paix. Il était clerc de notaire quand le hasard de la vie l’amena dans les Ardennes. En 1868, il reprit à Carignan l’étude de notaire de Maître Davanne et il épousa la fille Lucie Davanne, née en novembre 1851. Le mariage eut lieu au mois d’août 1869. Du côté des Benoist comme du côté des Davanne et des Drappier (famille de la grand mère Davanne) on voit beaucoup de notaires et hommes de loi. De tous les côtés donc, ce sont des professions juridiques et si l’atavisme n’est pas un vain mot, il n’est pas étonnant qu’Adrien soit doué pour le barreau.

 

 

Monsieur et Madame Benoist, mes beaux parents étaient d’excellentes gens. Leur tournure d’esprit, leur mentalité, leurs goûts, leurs tendances, leurs aspirations, leurs buts dans la vie étaient ceux que j’ai déjà décrits plusieurs fois, ceux des admirables classes moyennes du 19ème siècle, vif attachement au devoir, amour de la famille, correction de la vie, haute honorabilité sociale, souci de faire de leurs enfants ce qu’ils avaient été eux-mêmes.

 

Que tous et en particulier mes enfants portent leur souvenir, le respect qu’ils méritent.

 

Monsieur Benoist vendît son étude en 1890, il s’installa alors à Sedan, 2 place de Turenne, en passant de longues vacances à Carignan dans la maison familiale.

 

Les Benoist avaient une très belle fortune, venue dans son principe de la famille Davanne et augmentée par les économies du ménage. Cette fortune, nous ne pourrons malheureusement pas la transmettre intacte à nos enfants. Les bouleversements de la guerre l’ont considérablement diminuée comme toutes les fortunes bourgeoises, les exigences d’une vie à maintenir, des charges de familles ont contribué aussi à l’écorner.

 

Mme Benoist avait eu une sœur Alice, morte à seize ans en 1874 et un frère Charles Davanne, jeune homme remarquablement doué et promettant beaucoup, qui mourut le 12 septembre 1884 enlevé prématurément pour avoir voulu mener de front avec une fougue égale le travail et le plaisir.

 

Mes beaux parents avaient un autre enfant, Charles Benoist né à Carignan le 11 août 1875. Il a fait son droit à Nancy jusqu’au doctorat et ensuite il s’est laissé aller et ne s’est pas décidé à prendre une profession, ce qui est toujours regrettable pour cet homme, mais il avait des goûts d’une simplicité toute spartiate. Il n’avait pas d’ambition, il aimait sa tranquillité, détestait les complications, peut-être après tout était-il un sage. Il vécut seul à Carignan jusqu’à la guerre, il fut mobilisé comme territorial d’une vieille classe, réformé, il reprit du service et devint officier de ravitaillement. Après la guerre, il ne voulut plus retourner à Carignan, en 1920 il acheta une grande et belle propriété à Gondreville près de Toul, en 1929, il la vendît et s’installa alors à Nancy, 56 rue du Général Custines. Charles Benoist est un excellent garçon avec lequel nous avons les relations les plus cordiales.

 

Mme Benoist était une femme très active, très mondaine, elle paraissait avoir une santé superbe. Dans les premiers mois de 1907, elle fut prise brusquement de crises d’urémie. Tout traitement fut inutile et elle mourut le 24 décembre 1907 à 56 ans.

 

Son mari vient en 1909 se fixer près de nous à Nancy, 11 rue de Metz, il eut une très belle vieillesse, il mourut le 27 janvier 1917.

 

Notre séjour à Sedan ne devait pas se prolonger très longtemps après notre mariage. Les nominations judiciaires avaient été très nombreuses cette année là et j’étais devenu au bout de quelques mois le plus ancien substitut. Le 30 octobre 1897, je fus nommé procureur à Bar le Duc, c’était mon tour, mais j’obtenais un poste de choix. Je n’avais pas encore 28 ans, j’étais de beaucoup le plus jeune procureur de France et j’avais la chance de retourner à Bar, ville que j’aimais et où j’étais connu.

 

Ma femme et moi avons conservé un souvenir très vif de notre séjour à Bar. C’était le temps de notre jeunesse, et puis nos deux enfants Adrien et Marguerite sont nés à Bar. Nous avions pu trouver une maison assez agréable, 27 rue Saint Urbain. Certaines des amicales relations que nous nous étions faites à Bar durent encore aujourd’hui au bout de trente ans. Nous n’étions pas du tout pressés de quitter Bar où nous nous trouvions fort bien avec de bons amis et un tribunal très bien composé. Aussi est-ce sans enthousiasme que j’accueillis la proposition de mon cousin André, alors au ministère de la justice, de me faire nommer Procureur à Verdun. C’était un tribunal de seconde classe, l’avancement

était sérieux, très avantageux, l’occasion était inespérée, malgré mes regrets je ne pouvais pas la laisser passer et le 28 mai 1902, je fus nommé Procureur à Verdun. J’y trouvai une vie beaucoup moins agréable qu’à Bar. Le parquet n’avait pas de substitut, les collègues fort braves gens par ailleurs étaient très originaux, les relations moins étendues, les civils étaient perdus dans une très nombreuse garnison. Bref, mes sentiments sur mon séjour à Verdun sont assez partagés.

 

Trois ans après, une question très importante pour mon avenir se posa, j’étais très jeune, j’étais arrivé extrêmement vite à un poste déjà important, j’étais très bien noté et je pouvais faire une belle carrière, mais il aurait bientôt fallu quitter la région, chercher n’importe où un avancement, intriguer pour l’obtenir, mener la vie errante du fonctionnaire qui veut avancer.

 

N’était-il pas préférable de s’établir à Nancy, de n’en pas bouger et de se contenter de l’avancement qui serait possible sur place. Après quelques hésitations, nous adoptâmes ce dernier parti avec l’assentiment de nos deux familles.

 

Ai-je eu tort, ai-je eu raison ? Il est bien certain que je serais depuis longtemps Chef de Cour si j’avais continué ma carrière. Par contre, nous avons trouvé à Nancy, d’incontestables avantages, notamment pour l’éducation des enfants. Nous y avons vécu en famille, nous avons de bonnes relations, j’ai pu mieux qu’ailleurs satisfaire mes goûts d’étude et de recherches, ma carrière a été somme toute honorable. Et puis, quand une décision a été prise après réflexion, les regrets sont inutiles. Je n’en éprouve d’ailleurs aucun.

 

Le 17 février 1905, sur ma demande, je fus nommé Juge au tribunal de Nancy. Nous pûmes trouver une agréable maison au n°1 rue Palissot. Là devait naître notre fille Loulette, le 5 avril 1906. J’eus quelque peine à me faire de nouvelles fonctions. Elles m’intéressaient fort peu à côté de celles plus vivantes et plus absorbantes du Parquet. N’ayant pu me donner encore de nouvelles habitudes, je ne savais plus quoi faire de mes journées. Aussi est ce avec une vive joie que je me vis nommer Juge d’ Instruction le 8 juin 1906, en fait d’ailleurs j’exerçais déjà ces fonctions depuis quelques mois.

Elles m’intéressaient énormément, elles étaient tout à fait dans mon tempérament à n’en pas douter, je fus un bon Juge d’ Instruction. Toutefois pour des raisons personnelles, je ne le restai que trois ans et le 18 juillet 1909 sur ma demande, je devins simple juge. L’habitude du métier était prise et dès lors je collaborai activement aux audiences.

 

Entre temps, décidé à rester à Nancy, nous avions acheté une maison, 25 rue de Boudonville, que nous avions pu avoir dans de très bonnes conditions et nous nous y installâmes au d’octobre 1908. Nous habitons toujours dans cette grande et belle maison, trop grande maintenant que nos enfants sont mariés.

 

Notre existence pendant cette période ne présente rien de particulier. Les enfants faisaient leurs études, ils grandissaient, nous avions les relations habituelles des gens de notre classe. Nous passions les vacances, partie à Carignan, partie à Raon comme depuis notre mariage. Comme distraction, quelques dîners, réceptions mondaines, sans excès d’ailleurs, de temps en temps, voyages à Paris, séjours à la mer. Je continuais à chasser beaucoup, j’écrivais quelques articles, l’existence s’écoulait calme et sans événement qui vaille la peine d’être noté.

 

Puis, vint la guerre, sur cette période, je n’ai rien à dire. Dans mes souvenirs de guerre, dont tous les membres de la famille ont un exemplaire, on trouvera des renseignements très détaillés et très exacts.

 

J’aurais dû être nommé Conseiller à la cour à la fin de 1914, la guerre interrompit les mouvements judiciaires et je ne fus nommé que le 26 juin 1917.

 

Après la guerre, la vie reprit assez semblable à celle du passé mais attristée par le souvenir des épreuves et des deuils. On ne prévoyait pas encore les bouleversements économiques qui allaient modifier tant de situations.

 

Nous possédions dans les Ardennes et la Leuse, plusieurs très belles fermes. Jusqu’en 1914, mon beau père et mon beau frère s’étaient occupés de leur gestion. Mr Benoist était mort et mon beau frère ne voulut pas retourner à Carignan, ni continuer de s’occuper de nos propriétés qui étaient restées indivises. Il nous céda sa part moyennant une rente viagère. En février 1919 nous prîmes la résolution de vendre les fermes et en tirâmes un prix qui semblait alors avantageux. Ce fut une grosse erreur économique.

 

 

 

Mais il faut apprécier les décisions au moment où elles ont étés prises et en février 1919 celle ci semblait raisonnable. Les fermes avaient été abandonnées pendant cinq ans, elles exigeaient des réparations coûteuses, des soins de tous les jours, il était très difficile de trouver des fermier dans les régions libérées, je ne connaissais rien à ce genre d’affaires et je m’estimais incapable de m’y mettre, ce que je crois encore aujourd’hui être exact. Enfin on ne soupçonnait pas la chute du franc. Bref si la décision fut fâcheuse, elle semblait alors très justifiée.

 

Le 23 juin 1919, notre fils Adrien fut démobilisé et commença son droit, le 18 octobre 1920, notre fille Marguerite se maria.

 

L’existence devint peu à peu plus sévère, l’âge venait, la vie était infiniment plus coûteuse, tout en conservant une existence assez large, nous supprimâmes quelques une de nos distractions, (voyages, réceptions) mais nous achetâmes une automobile de modèle modeste il est vrai.

 

Les distractions avaient changé. Très jeune j’avais eu une véritable passion pour la chasse, elle était mon principal, je pourrais presque dire mon unique plaisir, Pendant la guerre, la chasse fut bien entendu supprimée, les journées étaient longues, le travail judiciaire très peu actif, je me donnai alors tout entier à des travaux littéraires et surtout historiques, le goût exclusif de ces travaux me prit et en vint à m’absorber complètement tant et si bien qu’après la guerre pour ne pas les abandonner, je renonçai à la chasse, comme distraction j’avais pris aussi l’habitude au jardinage et le goût des fleurs.

 

J’ai écrit pas mal de choses et j’en ai publié une bonne partie, je donnerai à part la liste de mes ouvrages.

 

Les descendants s’ils ont la curiosité de les lire en retrouveront quelques uns dans de vieilles armoires, ils sont tous déposés à la Bibliothèque de Nancy.

 

Ces travaux sont l’œuvre des moments de loisirs, il va de soi qu’ils ne me font pas négliger mes obligations professionnelles. Les fonctions de Conseiller à la Cour d’appel sont très intéressantes, mais elles ne suffisaient pas à mon activité. Mise à part la présidence de la Cour d’assise où j’avais acquis une certaine réputation, j’en eus au de quelques années et pour employer une expression très vulgaire, par dessus la tête et j’envisageais presque de prendre ma retraite, d’autant plus qu’un échec assez inexplicable à une présidence de chambre en 1924 m’avait tout à fait découragé. Enfin un peu tardivement, je fus nommé Président de Chambre, le 6 juin 1928 et je repris bien vite goût à mes fonctions.

 

Entre temps, le 26 décembre 1927, j’avais été fait Chevalier de la Légion d’ Honneur.

 

Il est possible que je finisse ma carrière comme premier Président. Il est possible aussi que les circonstances ne s’y prêtent pas. Dans l’une ou l’autre de ces alternatives, je resterai philosophe, je m’en consolerai en pensant que j’ai été un bon Magistrat. Je crois même pouvoir dire que j’ai à la Cour et dans la région une situation morale et intellectuelle qui dépasse l’importance de mes fonctions.

 

Mon activité dans mes occupations assez différentes, mes publications, la présidence de groupements divers, une certaine faculté de plume et de parole y sont certainement pour beaucoup.

 

J’en ai fini. Que toute la famille d’aujourd’hui, que les descendants qui liront plus tard la prose d’un ancêtre disparu lui pardonnent d’avoir un peu trop longuement parlé de lui même.

 

   Adrien SADOUL

                                                                    Né le 11 Août 1896 à Bar le Duc

                                                                           Avocat à Nancy

                                                              a épousé le 15 mai 1928 Renée Droit

                                                                    Née le 21 avril 1907 à Nancy

 

La naissance d’Adrien nous procura une grande joie, il était le premier enfant de la nouvelle génération. Dans la famille, je n’avais jamais vu que des garçons, j’étais convaincu que j’aurais une fille, plus tard quand il nous vint deux filles, j’en éprouvai sinon une déception, du moins, une surprise assez naïve.

 

Suivant les habitudes de l’époque, nous primes une nourrice comme nous le fîmes plus tard pour nos autres enfants.

Adrien s’éleva facilement et la plupart des maladies d’enfants lui furent épargnées, comme à ses sœurs d’ailleurs.

Déjà à Verdun, il alla dans un petit pensionnat et nous vîmes à Nancy, il entra au Lycée dans une classe enfantine à la rentrée d’octobre 1908.

Dire qu’il fut un élève remarquable serait certainement exagéré. Il avait l’esprit vif mais son application laissait fortement à désirer. Au mois de février 1909 voyant qu’il devait redoubler sa classe de 6ème, nous l’envoyâmes en Allemagne, à Alzey, près de Mayence, pendant près de six mois. Il fit plus tard d’autres séjours en Allemagne et était parvenu à parler très correctement la langue allemande. Il continua ses études vaille que vaille. Le 15 juillet 1914, il partit pour l’Allemagne avec sa sœur Marguerite. Je raconte dans mon journal de guerre comment nous pûmes les faire revenir à temps.

Adrien passa avec succès ses deux baccalauréats en 1915 et 1916. Il s’y était assez convenablement préparé mais il bénéficia aussi de l’indulgence qu’on ne pouvait refuser à des jeunes gens qui faisaient leurs études dans des conditions si anormales.

 

En 1914, nous n’aurions jamais supposé qu’il pu prendre part à la guerre, nous nous félicitons même qu’il fût trop jeune, mais le temps passait, lui très enthousiaste, très patriote, s’impatientait de ne pouvoir partir encore. Ses baccalauréats passés, il avait 18 ans, nous ne nous crûmes pas en droit de le retenir et il s’engagea le 23 octobre 1916 au 85ème régiment d’artillerie lourde à Dijon.

Nous espérions qu’il resterait au dépôt au moins jusque dans le milieu de l’été 1917, mais fin février en vue des offensives du printemps, on envoya au front tous les engagés volontaires.

J’ai bien souvent insisté auprès d’Adrien pour qu’il écrivit ses souvenirs de guerre qu’il nous a souvent racontés avec verve et dont certains s’ils ne sont pas de premier plan seraient intéressants pour lui-même et sa famille.

Il ne s’est jamais décidé. Sans doute ses souvenirs de guerre donnent quelques détails, mais ils sont fragmentaires, je résume à grands traits ce qu’il fit pendant la guerre.

 

En février 1917, il resta quelques temps dans la forêt de Paroy, en avant de Lunéville avec une batterie de 155 court, puis fin mars son régiment fut envoyé en Champagne et il prit part un peu au nord de Reims, à l’offensive, dite offensive Nivelle du 17 avril 1917. Ce fut une grande et meurtrière bataille et nous eûmes alors de grandes angoisses.

 

Au commencement de mai, à la suite de mes démarches, il fut affecté au 88ème régiment d’artillerie lourde, composé de canons à longue portée de 140, dans le groupe commandé par mon camarade Terver. Il eut encore la chance de revenir en Lorraine à Dombasle et à Merviller, secteur tranquille. Au mois de septembre 1917, le groupe fut envoyé en Italie, sur le Corso, devant Goritz. On n’a jamais trop su ce que signifiait ce voyage car en octobre, le 88ème revint en France à temps pour échapper au désastre italien de Caporetto.

Au mois de décembre, prise de position à Verdun, au ravin de la Couleuvre. Bien que le temps héroïque de la bataille de Verdun fut passé, cette partie du front restait toujours très agité.

Bientôt après, Adrien qui avait été nommé brigadier, grade modeste qui lui causa beaucoup de fierté, fut désigné pour suivre les cours d’aspirant à l’école de Fontainebleau. Malgré sa nullité en mathématiques, il en sortit aspirant au mois de juin et il fut affecté au 23ème régiment d’artillerie de campagne, 33ème division, 17ème corps.

Le 18 juillet 1918, commence la grande offensive française, en août le 23ème est envoyé sur la Somme, 1ère armée général Debenay et Adrien entre en ligne, le 25 août à Rosières en Santerre, c’est à dire par un singulier hasard, au pays d’origine de son grand père Benoist.

Il allait demeurer sur le front jusqu’au 11 novembre, jour de l’armistice et ne s’arrêter qu’après avoir passé la frontière belge, du côté de Rocroi, il eut la chance de voir passer à la Capelle les plénipotentiaires allemands venant demander l’armistice.

 

Cette période de trois mois, d’août à novembre 1918 fut lumineuse pour Adrien, c’est surtout celle là que je voudrais qu’il racontât. C’était la fin de l’horrible guerre, on voyait arriver la victoire, tous ceux qui ont vécus ces temps là ne les oublieront jamais. On comprendra l’enthousiasme d’un jeune homme.

Au mois d’octobre, il obtenait la croix de guerre avec une citation élogieuse.

 

Après l’armistice, la 33ème division ne prit pas part à l’occupation, elle fut cantonnée dans les environs de Paris où tous les officiers y compris Adrien qui venait d’être nommé Sous-lieutenant menèrent une fort joyeuse vie.

Quelques semaines après, il fut désigné comme le plus jeune officier du régiment pour l’armée d’ Orient. Les uns et les autres, nous acceptâmes ce départ sans enthousiasme, mais fort heureusement il se borna à un beau et intéressant voyage dont Adrien pourrait faire s’il s’y décide un jour, un pittoresque récit.

Nîmes au départ, Salonique, Constantinople, Galatz, Roustouck, position sur le Dniester à la frontière russe, retour par étapes à travers la Roumanie et la Bulgarie. Tout cela vaudrait bien la peine d’être conté.

 

Mais la libération d’Adrien approchait , il s’était engagé pour la durée de la guerre et il allait terminer ses trois ans, temps légal du service d’alors. Il fut rapatrié pendant que sa division fut envoyée en Syrie où elle éprouva de très lourdes pertes.

Il fut démobilisé le 23 octobre 1919, juste au bout de trois ans de service.

 

 

A la rentrée de novembre, il commença son droit, sans entrain, ni enthousiasme. Les souvenirs de la guerre et surtout l’offensive de 1918, les visions de l’ Orient faisaient bouillonner son imagination. Son plus cher désir eut été de repartir. Un matin il était heureux comme tout parce qu’il avait rêvé la nuit que la guerre recommençait. Il va de soi que nous étions loin de partager son enthousiasme.

 

Avec de pareils sentiments, on comprend qu’il n’ait prêté qu’une attention distraite au droit romain et autres disciplines sévères de la science juridique. Aussi  et l’on n’en sera pas surpris, ses études de droit furent elles médiocres, à la fin cependant elle devinrent meilleures car bien entendu, il se calmait peu à peu.

 

Tous ceux de ses camarades qui eux aussi revenaient de la guerre firent comme lui des études médiocres, mais dans une certaine mesure, ils compensaient l’insuffisance de leurs connaissances théoriques par l’expérience des hommes et des choses qu’ils avaient acquises pendant la guerre.

 

Licencié en 1922, se posait pour lui le choix d’une carrière, j’aurais tout naturellement désiré qu’il entrât dans la Magistrature, mais d’autre part j’avais deviné depuis longtemps qu’il était doué pour être avocat. En lui donnant bien entendu les conseils et les avis nécessaires, je le laissai libre. Il fit un stage d’une année au Parquet Général en 1922 et 1923, il plaida quelque peu et à la rentrée de 1923 il se décida de rester au barreau. J’approuvai complètement sa décision qui fut en partie inspirée par la médiocrité des traitements de cette époque.

 

Adrien avait tout ce qu’il fallait pour réussir au barreau, esprit clair, compréhension rapide, parole facile et élégante, et puis il était un enfant de la balle ce qui veut dire que dans l’intimité familiale, près de moi, il avait pris peu à peu et sans effort la tournure d’esprit des professions juridiques. Cette préparation lui donnait un avantage sérieux sur ses camarades. Une seule question se posait. Fournirait il la somme de travail nécessaire indispensable à la réussite ? Je ne tardai pas à être rassuré. Au début je le suivis, je le conseillai dans les grandes lignes tout au moins, mais très vite je l’abandonnai à lui même.

Il fut rapidement en possession d’une bonne méthode de travail, il pu se rendre compte de ses bons résultats. Il débuta fort bien, fit des progrès rapides, il continue à en faire. Il a débuté à un bon moment où il n’y avait pas trop d’encombrements, il se fit tout de suite une petite clientèle et aujourd’hui il a une très appréciable situation qui deviendra certainement de premier plan le jour où auront disparu les anciens.

 

Le 15 mai 1928, il a épousé Renée Droit, dont le père était un notaire très estimé de Nancy. Le grand père maternel de Renée était le Docteur Benckard, médecin à Kaysersberg (Haut-Rhin) dont le frère jumeau mort, conseiller à la Cour de Nancy était l’ami intime de mon oncle. Par la grand mère Benckard, nous avons une même parenté très lointaine il est vrai. Elle vient de la famille Richard, la mère de la femme du Président Louis Sadoul était une Richard.

 

Madame Adrien Sadoul est une charmante jeune femme que j’aime comme ma fille.

 

Ils ont une petite fille Claude, née à Nancy le 14 novembre 1930, ils viennent d’avoir un fils Jean-Jacques, né le 23 janvier 1934 dont nous avons accueilli la naissance avec joie.

 

Ils habitent actuellement 24, place de la Carrière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour début Marguerite Sadoul   « Margot Leuleu »

Née le 14 novembre 1899 à Bar le Duc

a épousé le 18 octobre 1920

Robert Brongniart, né à Arduicq (Pas de Calais) le 15 mars 1896

Les longs détails que j’ai donnés ici ou là sur les uns et sur les autres, les renseignements qu’on trouvera ailleurs et en particulier dans mes souvenirs de guerre indiquent suffisamment l’ambiance de la famille et je n’ai pas y revenir à propos de mes filles.

 

Marguerite avait et a encore une bonne santé générale. Dans son enfance, elle ne nous a pas moins donné beaucoup de soucis. Dès qu’elle a su marcher, on s’aperçut qu’elle était atteinte d’une luxation congénitale de la hanche qui entraîne la claudication si elle n’est pas soignée.

 

Nous en exagérâmes peut-être l’importance, c’est une affection très répandue qu’on traite aujourd’hui couramment, mais en 1901, le traitement à suivre était encore assez mal connu. Des années de soins furent nécessaires, à la fin grâce au Docteur Froelich, on pu arriver à un bon résultat.

 

A part cela, il n’y a rien de particulier à signaler dans l’enfance de Marguerite. Elle fit ses études normalement chez Madame Devallée et elle pu en 1916 passer son brevet avec succès.

 

Sa jeunesse fut sévère et elle ne connut guère les joies et les distractions des jeunes filles, c’étaient les années de guerre.

 

Le 18 octobre 1920, elle épousa Robert Brongniart, dont le père, ancien notaire à Arduicq (Pas de Calais) avait repris en 1910 à Raon un important commerce de bois où il comptait caser ses fils. Il avait quatre fils et trois filles.

 

Au moment de son mariage, Robert Brongniart était associé avec son frère André dans ce commerce de bois. Les jeunes mariés s’installèrent à La Neuveville les Raon. Le 18 juillet 1921, il leur vint un fils, Jacques.

 

Robert Brongniart ne crut pas devoir rester à Raon et en janvier 1922, il partit pour Paris comme Directeur d’une Société de bois qui avait des exploitations un peu partout. A Paris, 75, avenue des Termes, devaient naître deux enfants Claude, le 30 juin 1923 et Françoise le 8 septembre 1924.

 

Cette situation nouvelle semblait plus avantageuse et en effet elle le fut pendant un certain temps.

 

 

 

 

 

Robert Brongniart était d’ailleurs un garçon sérieux, actif et s’entendant bien aux affaires, mais ses fonctions étaient très fatigantes. De plus, il avait été fortement gazé pendant la guerre. Bien que très grand et fort sa santé chancela et au mois de juin 1925, il fut atteint brusquement d’un pneumo -thorax, provoqué par un commencement de tuberculose. il fut très gravement malade, mais il se remit. Un hiver à Grasse, un autre dans les Landes à Mimizan parurent rétablis sa santé, au point qu’il pu reprendre à Dôle (Jura) un commerce de bois. Il semblait complètement guéri mais malheureusement il n’en était rien.

 

Au début de 1930, des symptômes inquiétants apparurent, la maladie fit des progrès rapides et je me rendis compte bien vite que tout espoir était perdu. Mes craintes n’étaient que trop fondées. Il du aller dans un Sanatorium et malgré tous les soins, dont aucun ne fut épargné, il mourut à Vence (Alpes-Maritimes) le 15 février 1931.

 

Ce fut pour ma fille un coup très dur, elle aimait son mari, tous deux avaient fait un excellent ménage, de plus la longue maladie de mon gendre, son éloignement des affaires, des soins coûteux la laissaient dans une situation difficile.

 

Après la mort de son mari, elle revint près de nous, puis en décembre 1931, elle s’installa chez elle, 11 rue de Metz.

 

La tâche qui lui incombe est bien dure avec l’éducation longue et coûteuse de trois enfants privés si jeunes de leur père.

 

Elle l’a abordée avec un grand courage et je suis convaincu qu’elle saura la mener à bien. Elle sait qu’elle peut compter sur nous sans réservé.

 

Je veux espérer que ses enfants quoique bien jeunes encore, comprendront tout ce que leur mère fait pour eux et chercheront toujours à adoucir son chagrin. Tous ont la vie que ma mère, mon frère et moi avons eue. J’en connais à la fois les rigueurs et les consolations.

 

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                                                    Marie Louise SADOUL « LOULETTE « 

                                                    Née à Nancy, 1 rue Palissot, le 5 avril 1906

                                                                  a épousé le 18 juin 1931

                                                      René BRULLARD, né le 7 octobre 1903

                                                        à Gondreville (Meurthe et Moselle)

 

Bien que portant à l’état civil le nom de Marie -Louise, elle n’est connue de personne sous ce nom. Pour tout le monde, elle est Loulette.

 

Comme les peuples heureux, Loulette n’a pas d’histoire, ce qui veut dire qu’il n’y a pas à signaler dans sa vie d’évènements fâcheux, non plus que très saillant.

 

Son enfance fut très facile, elle fit ses études chez Mme Devallée, puis les continua près d’une institutrice particulière, Melle Lefèvre. Elle eut ensuite la vie habituelle des jeunes filles, bals, réunions mondaines, cercle d’amies, sans négliger les occupations plus sérieuses. Elle fut pendant plusieurs années une infirmière dévouée de la Croix Rouge. Aimant le monde, mais sans excès, elle est aussi une très bonne femme d’intérieur. Le père de son mari était un médecin fort honorable et connu de Gondreville près Nancy qui avait une très nombreuse famille (douze enfants).

 

René Brullard était au moment de son mariage et est toujours sous directeur de la Banque « la Société Nancéienne » à Longwy. C’est un garçon très sérieux et travailleur. Les époux Brullard font un excellent ménage. Qu’ils trouvent ici le témoignage de notre affection.

 

Le 27 février 1934, ils ont eu un fils Dominique, né un mois après son jeune cousin Jean Jacques et sa cousine Marie Charlotte Collombier dont il sera parlé plus loin. J’ai attendu ces heureux évènements de famille pour faire mettre au net ces souvenirs.

 

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Charles (Xavier Marie) SADOUL & Anna CLAUDE

                                                               Né à Raon l’Étape le 24 mai 1872

                                                              Mort à Nancy, le 15 décembre 1930

                                                    A épousé à Raon, le 24 octobre 1899 Anna Claude

                                                             Née à Celles sur Plaine, le 27 juillet 1878

 

L’enfance et la jeunesse de mon frère ressemblent bien entendu tout à fait à mon enfance et à ma jeunesse. Je les rappelle sous une forme très résumée. École de Raon, Lycée en 1882, Faculté de droit jusqu’au doctorat.

 

Mon frère fut au lycée un élève assez fantaisiste, esprit vif, mais se pliant peu au travail scolaire, ayant des goûts marqués pour la littérature, mais la travaillant surtout si elle n’était pas dans le programme, passionné pour les livres, les bibelots, l’histoire locale, il arriva au bout de ses études secondaires avec quelques retard, mais possédant un bagage littéraire déjà complet. A la Faculté, il fut un très bon étudiant et passa ses examens sans difficultés. Il n’aurait peut peut-être pas fait son doctorat si ce diplôme n’avait pas alors été nécessaire pour ne faire qu’un an de service militaire. Il prit tout naturellement pour sa thèse un sujet d’histoire locale : les institutions judiciaires de la Lorraine avant la réforme de Léopold et le traita très convenablement. Dans l’été de 1899 une chance heureuse lui permit d’obtenir le portefeuille des assurances générales à Nancy et peu après le 24 octobre il se maria. En 1902, il acheta une maison et s’installa 29, rue des Carmes. Mon frère n’a donc jamais quitté Nancy, sous réserve de grandes vacances qu’il passait à Raon où il avait repris en 1909 la maison de ses beaux parents, 1, rue Jules Ferry.

 

Mon frère se fatiguait beaucoup, il n’était pas très prudent dans les soins de sa santé qui autrefois avait été excellente, elle déclina peu à peu et au mois de décembre 1930, une fluxion de poitrine l’emporta en quelques jours.

 

Je me bornerai à ce très sec résumé biographique. Ma belle sœur s’est chargée de rappeler la vie de son mari et elle l’a fait beaucoup mieux que moi.

 

J’ajouterai seulement que mon frère et moi avions l’un pour l’autre une très vive affection. Bien que de caractères assez différents, notre union était étroite et il ne se passait guère de jours sans que j’aille le voir et causer avec lui. Sa mort a été pour moi un coup très dur. Ces relations étaient et sont encore les mêmes avec sa femme qui est pour moi une véritable sœur.

 

SADOUL (Charles) Né à Raon l'Étape en 1872, mort à Nancy le 15 décembre 1930.

 Depuis près d'un siècle, le nom de la famille Sadoul est lié à la belle aventure de la revue Le Pays Lorrain et à celle du Musée lorrain à travers la Société d'archéologie de Lorraine. Docteur en droit à la faculté de Nancy, Charles Sadoul, créateur de sa revue en 1904, conservateur du Musée lorrain en 1910, conseiller général du canton de Raon l'Étape de 1919 à 1930 est le chef de file des lotharingistes.

D'abord il est Raonnais, fidèle à une cité où son père Adrien (1841-1879), brasseur, fut adjoint au maire et conseiller général de 1871 à 1879. Louis Madelin le situe dans son fief familial jamais abandonné : "Il y tutoyait la moitié des hommes, ayant été, dans sa première enfance, élève de l'école primaire et restant, très réellement, charmé que telle circonstance l'eût encore plus ancré, enraciné dans le pays ; il aimait voir s'élever les fils de ceux qu'il y avait connus. "La terre et les morts" disait Barrès, cherchant les fondements de son attachement à la Patrie, grande ou petite. Sadoul eût dit : "La terre et les vivants".

A Raon l'Étape, le conseiller général développe les initiatives sociales. Il crée le comité cantonal d'hygiène et la consultation gratuite des nourrissons. C'est là qu'il effectue sa dernière sortie publique, moins d'une semaine avant son décès, en présidant le 7 Décembre 1930 la fête de Saint Nicolas, joliment racontée précédemment dans un article.

 

Naissance du "Pays Lorrain"

Avant la création du Pays Lorrain, Charles Sadoul indique son intérêt pour la Lorraine en consacrant sa thèse de doctorat (1898) à un « essai historique sur les institutions judiciaires des duchés de Lorraine et de Bar avant les réformes de Léopold 1er ».

La revue naît dans le courant régionaliste du début du siècle, exprimé par le programme de Nancy de décentralisation, l’école scientifique du docteur Bernheim, celle, artistique et industrielle d’Émile Gallé, les écrits de Maurice Barrès et l’agitation de publicistes comme Goutière Vernolle ou René d’Avril.

Celui-ci a raconté la genèse du projet de Charles Sadoul. Le point de départ est une participation à la Fédération régionaliste française du jeune avocat, originaire de Vigneulles-lès-Hatton-Châtel, Henri de la Renommières, baron de Saint-Baussant (1876-1904), qui signe ses poèmes Jean Dheures. Après une conférence à la salle Poirel du président de la Fédération régionaliste, Henri de la Renommière crée l’ Union régionaliste lorraine. Pour souder cette association, attendue mais un peu floue, Charles Sadoul propose un plan d’action basé sur une revue structurée et cohérente.

René d’ Avril qui avec Pierre Briquel et le baron meusien, avait créé La Grange Lorraine situe l’esprit de l’entreprise : « Le Pays Lorrain naquit du désir obscur de bien des gens de chez nous d’avoir un organe à eux, qui les exprime et où ils puissent, à volonté, s’exprimer eux-mêmes. La jeunesse d’alors qui prêtait peut-être aux choses de l’esprit plus d’attention que celle de nos jours, comprenait, à des signes certains, que la Lorraine n’était pas un mot mais un réservoir d’énergies » (Le Pays lorrain, janvier 1931).

L’enthousiasme habite l’équipe réunie autour de Sadoul : René Perrout le Spinalien, Émile Moselly le Toulois, George Chepfer le Nancéien, Jean-Julien Barbé le Messin. Dans l’hommage de la revue à son animateur, Louis Madelin explique ainsi cet élan de générosité : « Charles Sadoul, écrit-il, « fait du bon travail parce qu’il est gai », me disait, un jour Maurice Barrès. Il faisait du « bon travail » pour bien d’autres raisons que je voudrais dire : mais toutes les fois qu’après une séparation de quelques mois, j’abordais Sadoul, le mot de Barrès me revenait à l’esprit : c’est qu’effectivement cette « gaîté » n’était pas seulement un des traits séduisants de sa physionomie , et un témoignage de ce qu’était son âme mais tout ensemble – Barrès avait raison, un principe fécond d’activité par son esprit et tout à la fois un puissant moyen de rayonnement ».

 

Contes et fiauves

S’inspirant de l’exemple de la Revue d’ Alsace illustrée, Charles Sadoul lance la Revue lorraine illustrée dont le premier numéro, sous une couverture de Victor Prouvé, paraît en février 1906. Dans le prospectus d’annonce qu’illustre un village de la vallée de la Moselle en une aquarelle de Louis Hestaux (1858-1919), le dessinateur messin, plus proche collaborateur d’Émile Gallé, le directeur de la publication écrit : « Le Pays lorrain et la Revue lorraine illustrée formeront en réalité une seule publication. Leur programme et leur direction seront les mêmes. Dans Le Pays lorrain, mensuel, on trouvera plus spécialement à côté des contes, des nouvelles et des fiauves, des articles historiques ou rappelant nos traditions. Dans la Revue lorraine illustrée, trimestrielle, paraîtront les travaux relatifs aux beaux-arts, à l’archéologie pittoresque, à nos sites peu connus ».

Ainsi la vigilance de Charles Sadoul couvre-t-elle l’ensemble du panorama culturel et folklorique. Un homme des Vosges comme lui appréciait les contes auxquels il réserve la meilleure place. Accueillant pour le Sotré, il pousse la curiosité jusqu’aux superstitions et à la sorcellerie avec son Antoine Grévillon, sorcier et devin du Val de Ramonchamp, brûlé à Arches en 1625. Proches des fiauves, les chansons populaires le préoccupent. Charles Bruneau estime qu’il fut, dans ce domaine, pour la Lorraine romane l’équivalent de l’abbé Pinck en Lorraine mosellane. George Chepfer, qui livra sa « Dame de Saizerais » dans les premiers numéros du Pays lorrain raconte qu’il frappa de porte en porte, à Amance, pour recueillir des refrains paysans avec Charles Sadoul et son épouse.

 

Secrets de cuisine

Créateur de la section d’art populaire du Musée lorrain en 1910, Charles Sadoul veille aussi à la conservation du mobilier. Comme il monte à Amance pour transcrire les notes d’un chant, il file à Haraucourt pour récupérer le métier à tisser que, trop âgé, abandonne un père Courtot. Dans la bibliographie de son Dictionnaire du mobilier de Lorraine (1995), Francine Roze cite deux de ses livres : l’Art rustique et bourgeois lorrain (1919) et Le Mobilier lorrain (1926). Même la cuisine lorraine et heureusement paraît au sommaire des préoccupations de Charles Sadoul qui lui consacra deux articles, publiés après son décès en 1935 et 1936, avec un clin d’œil particulier à la meurotte de truite.

Historien, Charles Sadoul ne surveille pas que le goût du fumet. Il évoque Joseph Gilliers, chef d’office et distillateur de Stanislas qui, en 1768, dédia au prince Ossolinski Le Cannaméliste français, sous la forme d’un dictionnaire, sans référence au fameux baba attribué, à tort, au roi de Pologne. Il rappelle également le souvenir de Christophe Alnot, fils d’un chef de cuisine de Stanislas. Cet « Alnot traiteur », qui avait boutique rue St Julien à Nancy, prépara en 1817 à Berlin le repas de mariage de Nicolas, futur tsar de Russie, et de la fille du roi de Prusse, Frédéric Guillaume II. Alnot fut un peintre de bonne réputation. Le gourmet Sadoul évoque une de ses recettes : épinauds mijotés pendant plusieurs heures dans du jus de veau, puis du jus de cochon et de jambon, jus de volaille ou de gibier (Le Pays lorrain, 1935).

N’est-ce pas là l’ultime détail qui, selon l’expression de Louis Madelin, fait de Charles Sadoul « un parfait Lorrain » ?

 

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de guerre 1939-1940 évoque largement la Lorraine. Il constitue un témoignage intéressant sur la vie abracadabrante des mobilisés de 1939 mis en déroute en mai 1940.

Georges Sadoul, le samedi 2 septembre, veille de la déclaration de guerre, rejoint le centre du génie n°10 à Metz. Sa première image des mauvais jours est une rencontre, pendant un arrêt prolongé en gare de Lérouville, avec « un long train de wagons à bestiaux plein de réfugiés des régions de Bitche et de Saint-Avold ». Il reste trois jours à Metz où il écrit les premières pages du journal de bord qu’il tiendra quotidiennement jusqu’à sa démobilisation : « Je vais déjeuner au café Métropole, près de la gare, un des rares restaurants de la ville qui soit encore ouvert. Excellent repas. La seule trace de la guerre est ici, que dans les lavabos on n’a pas songé à changer la serviette qui est gluante de crasse ». Le mercredi 6 septembre, il quitte Metz avec quelques camarades dans une camionnette de boucher qui, les jours précédents, a ramassé dans l’hinterland de la ligne Maginot le « bétail abandonné par les populations évacuées ». Entre les « parois de tôle tartinées de bouse de vache » direction Marbache, « un joli village entouré de coteaux et de forêts qui s’allonge au bord de la Moselle. Ici les Nancéiens viennent pêcher le dimanche ».

La Section d’électriciens en campagne (S.E.C.) à laquelle appartient Georges Sadoul cantonne dans des villas, en bordure de la Moselle, près du barrage de Millery que garde la dizaine d’hommes. Recrue sans spécialité, et sans doute suspecte, il fait fonction d’aide infirmier puis assure « la subsistance des troupes installées un peu partout aux environs, jusqu’à Morhange, à plus de soixante kilomètres ». Il ne fait vraiment pas l’affaire. Un capitaine l’abandonne au centre mobilisateur de Metz qui fait ses caisses pour déménager en Mayenne. Le sapeur Georges Sadoul est renvoyé à Nancy dans un train de mobilisés. Il observe : « Un sergent raconte l’histoire d’une compagnie formée des forçats de l’île de Ré et qui traverse la France dans un train gardé par soixante gardes mobiles. Mais ces bizarres soldats auraient déjà tué deux officiers et nul n’ose plus les commander. Ils ont avec eux un veau, trois cochons, des dindons, toute une basse-cour pillée en cours de route. De temps en temps, ils mettent un bistrot à sac ».

Une vie plus paisible, quasiment à domicile, attend le nancéien, envoyé dans un dépôt de Vandoeuvre, « un ancien village, joliment accroché au flanc d’un coteau ». Il est à quelques minutes de tram de l’appartement de sa mère avec laquelle il dîne au restaurant Thiers : « Officiers, généraux, colonnes de stuc, luxe désuet. Services pompeux et que la mobilisation des garçons a désorganisé. La ville ressemble un peu, dans sa fièvre de grand centre assez proche du front, à ce qu’était en janvier 1937, pendant le premier hiver de la guerre d’Espagne, Valence, avec ses restaurants où la viande se faisait rare ».

La drôle de guerre de Georges Sadoul est studieuse. Il lit beaucoup : Un ménage de garçons de Balzac,  Le Lys dans la vallée du même auteur, La Chartreuse de Parme de Stendhal, une Géographie de la Lorraine, dont il n’indique pas l’auteur qui ne peut être que Jules Blache, et même Mein Kampf dans lequel il reconnaît à la « canaille » un « grand talent de propagandiste ». Il lit également les journaux qu’il cite abondamment. Il prend le temps d’errer dans Nancy, retrouve la Brasserie universelle, une petite salle de cinéma de la rue Saint-Jean (« Très 1914. Les spectateurs tiennent leurs masques à gaz dans une boîte de fer ronde »). Il découvre : « Je vais ensuite dans les pauvres rues du quartier Claudion, une misère atroce, et qui ne m’avait jamais tant frappée : enfants barbouillés et rachitiques, maigres et dépenaillés. Des Nord-Africains, des fillettes pâles, d’antiques débris de la prostitution. Sinistre horreur ». Puis il travaille à son manuscrit sur le cinéma « à la charmante bibliothèque  municipale ».

Dans le casernement de fortune de VANDOEUVRE, malgré le piquet d’incendie et un tour de garde de temps à autre, l’existence n’est pas rude non plus : « Après les exercices, promenade en forêt avec Houillon et trois autres, en cueillant des champignons, nous allons vers Messein où nous faisons cuire notre cueillette dans une auberge ».

 

                                                    CHARLES SADOUL PAR SA FEMME

 

Charles Sadoul était d’aspect méridional, son ancêtre Fulcran aurait reconnu son sang, brun de peau, noir de cheveux, le buste long, les jambes courtes, ce qui le faisait paraître plus petit qu’il n’était réellement car sa taille était moyenne. Ses traits réguliers lui donnaient une vague ressemblance avec Napoléon 1er quand il ramenait sa mèche, fronçait les sourcils et prenait un air sévère qui ne lui était pas habituel, car sa physionomie était naturellement souriante. Une intelligence prompte à saisir et à s’assimiler toutes choses, un caractère vif, tempéré pour une bonté extrême le rendaient sympathique à tout le monde. A Raon il tutoyait tous ses contemporains, ramoneurs et tâcherons, peu lui importait, son plus grand plaisir était d’obliger ses compatriotes.

Il était curieux de tout, mais surtout du passé, je crois qu’il n’avait pas douze ans, quand il commença à s’intéresser aux médailles anciennes et acheta ses premiers livres d’histoire. Collectionneur né, il savait dénicher des choses précieuses ou simplement curieuses dans les endroits les plus divers. Les boutiques des antiquaires, les bibliothèques, les archives l’attiraient également mais il aimait à cultiver son jardin, à menuiser, partout où il a vécu on retrouve un atelier où il encadrait les gravures, réparait les vieux meubles. Grand travailleur, il aurait eu besoin d’une longue vie pour mettre en œuvre les innombrables fiches qu’il avait amassées sur la médecine populaire, le folklore, le patois lorrain, quand il avait approfondi un sujet, il n’allait pas plus loin et passait à un autre qui le passionnait également. Ils sont légion ceux qui ont eu recours à son érudition pour fixer un point d’histoire, une coutume locale, si on consulte sa volumineuse correspondance, on se rend compte de sa prodigieuse activité, on a dit qu’il était un grand animateur, rien n’est plus vrai.

 

Homme de tradition et de famille, il devait songer à se marier jeune et il n’avait pas 24 ans quand il me demanda en mariage. Je n’avais pas alors tout à fait 17 ans et c’est assez justement que ma famille répondit qu’on reprendrait les pourparlers plus tard, quand Charles aurait une situation. Ce n’est qu’après une attente de plus de quatre ans que notre mariage eut lieu, le 24 octobre 1899 à Raon l’ Étape. Si ces quatre années avaient fortifié notre attachement mutuel, elles nous avaient valu des moments bien pénibles ; ma sœur et mon frère Ernest pour des raisons vagues, des froissements stupides avaient tout mis en œuvre pour empêcher un mariage qui avait été désiré par mon père, mort hélas en 1894 et que ma pauvre maman approuvait du fond du cœur. Je crois que l’amour de la Lorraine fut pour beaucoup dans le choix que Charles fit de moi. Lorraine pur sang. On retrouve jusqu’à 1600 environ, des Claude, des Valentin, des Mougeot, des Ména à Celles, à Allarmont, Saint Quirin, Lorquin, Bertrambois, comme meuniers, verriers, cultivateurs et chose curieuse une Ména avait vers 1750 été témoin du mariage d’un Sadoul à Strasbourg.

 

Sans remonter si loin, ma grand mère Claude était une amie de la grand mère Tresté, et ma belle mère aimait à rappeler que mon père avait été la seule personne étrangère à la famille Sadoul qui ait assisté au baptême de Charles, son futur gendre. La famille Claude Valentin habitait Celles sur Plaine depuis plusieurs générations comme la famille Sadoul habitait Raon.

Un frère de mon père, Nicolas Claude, Sénateur des Vosges, grand ami de Jules Ferry et de J.Méline avait siégé au conseil général des Vosges auprès de son ami Adrien Sadoul, ils avaient ensemble combattu pour la République.

 

Mon grand père J.B Claude, de Celles était mort de bonne heure et ma grand mère Marie Anne avait durement peiné pour élever ses quatre fils. Mon père Charles Claude, un des aînés, l’y avait aidé de son mieux et ses frères Nicolas et Joseph (le plus jeune des frères Claude étant mort à 20 ans) lui en étaient restés très reconnaissants. Mon oncle Nicolas Claude avait dirigé à Saulxures sur Moselotte, les filatures de Madame Gehin et plus tard en était devenu propriétaire. Maire de Saulxures, puis sénateur des Vosges, il avait essayé d’améliorer le sort des ouvriers, l’hygiène déplorable du pays ; ses travaux sur l’alcoolisme sont restés célèbres.

Il avait appelé mon père à la direction d’une école de fromagerie en 1880, après la mort de ma grand mère Claude. C’est à Saulxures que j’ai passé mon enfance jusqu’à la mort de mon oncle Nicolas en 1888. Après bien des hésitations mon père avait abandonné les filatures de Saulxures où mes frères Paul et Ernest, ce dernier ingénieur sorti de Centrale, auraient pu se faire une belle situation, et s’il est venu se fixer à Raon, en y achetant la maison que nous habitons encore, c’était beaucoup pour y retrouver son vieil ami Victor Sadoul, en même temps qu’il se rapprochait de son village de Celles sur Plaine.

 

C’est en octobre 1888, que nous sommes venus habiter à Raon, mes parents, mon frère aîné Paul et moi. Ma sœur Marie de 18 ans plus âgée que moi avait épousé en 1881, son oncle à la mode de Bretagne, Auguste Ména alors garde général des Eaux et Fôrets à Arboy (Jura). Ils avaient eu quatre enfants, pas beaucoup plus jeune que moi et qui étaient plus mes frères et sœurs que mes neveux et nièces. En 1888, ils habitaient à Épinal et j’ai vécu deux ans chez eux, en étant demi pensionnaire au Couvent des Oiseaux. Mon frère Paul était mort en 1893 et mon père l’avait suivi en 1894. J’étais à ce moment pensionnaire aux Dominicaines de Nancy, mais ma mère se trouvait si seule après ces deuils qu’elle me conserva près d’elle. Mon frère Ernest ne tarda pas à revenir aussi à Raon, il avait dirigé les carrières de granit de Fernay qui appartenait à mon oncle Joseph Claude et n’y avait pas réussi, pas plus qu’il ne réussit à conduire une usine de dominos à Méru (Oise).

 

 

 

 

Mon frère était cependant très intelligent, très cultivé, mais sa paresse naturelle, son amour du plaisir et du moindre effort en on fait un inutile comme tant de jeunes gens de sa génération. Il est mort en 1904 laissant un testament qui me déshéritait à cause de mon mariage, testament écrit le 2 novembre 1899 et qu’il n’aurait pas ratifié je crois au moment de sa mort, car nos relations s’étaient fort améliorées, mais au début de mon mariage j’ai vraiment souffert de l’hostilité marquée de ma sœur et de mon frère. Le testament d’Ernest a encore refroidi nos relations avec ma sœur qui à ce moment a été tout à fait injuste vis à vis de Charles et a fait cruellement souffrir ma pauvre maman qui est morte en essayant de nous réconcilier en janvier 1909.

 

Notre grand bonheur intime me consolait de toutes ces tristesses. Le 17 août 1901, nous avions eu une fille Paule et le 6 février 1904, un fils Georges. Charles avait été nommé en juillet 1899, Directeur particulier de la Compagnie d’ Assurances

Générales à Nancy. Après notre mariage nous nous étions installés 54, rue Stanislas, c’est là qu’est née notre fille Paulette, puis en 1902, nous achetions la maison que j’occupe encore 29, rue des Carmes. Charles s’était appliqué à son métier d’assureur, mais bientôt il retourna à ses chères recherches historiques, s’en remettant avec sa belle confiance à l’honnêteté de ses employés, pas toujours parfaite, hélas, ils les dirigeait paternellement, ses nombreuses relations lui attiraient des clients et son chiffre d’affaires augmentait malgré tout.

En 1901, il passait le meilleur de son temps aux archives où il faisait des recherches sur la sorcellerie en Lorraine et la médecine populaire.

 

C’est l’année suivante qu’au cours de nos vacances (que nous passions régulièrement à Raon) Charles entendit avec quel bonheur, la jeunesse Raonnaise chanter les vieux « rondiots » d’autrefois, en dansant sur les places publiques. Charles recueillait les paroles, Louis THIRION, alors organiste à Baccarat, notait la musique et c’est ainsi qu’en quelques années, plus de deux cents vieilles chansons lorraines ont été recueillies.

 

En 1903, Charles Brun, directeur du mouvement régionaliste alors en faveur, était venu à Nancy et avait groupé autour de lui une jeunesse prompte à s’enthousiasmer. Bientôt Henri de la Renomière, Ch.Berlet, René d’ Avril, E.Nicolas, H.Cabasse et Charles Sadoul décidaient de fonder une revue régionale (le Pays Lorrain et le Pays Messin) qui devait faire mieux connaître la Lorraine et conserver l’esprit français en Lorraine annexée. Le premier numéro parut en janvier 1904 et Charles s’en occupa si activement, si entièrement, qu’on lui laissa bientôt toute la direction. Ce fut la grande œuvre de sa vie. Il su y intéresser de grands écrivains tels M.Barrès, L. Madelin, A. Mallays, L. Bertrand, et nous réunissions souvent autour de notre table les plus fidèles collaborateurs lorrains, R. Brice, H. Poulet, G. Chepfer, Moselly, Varenne, Ealdensperger, et surtout René Perrout, presque aussi passionné que Charles pour le pays Lorrain et plus tard la Revue Lorraine.

 

En 1905, M.Barrès qui suivait attentivement les progrès du petit Pays Lorrain et était devenu pour nous un véritable ami envoyait à Charles le docteur Fucher, alors à la tête du mouvement français à Strasbourg. Pour y aider, il avait fondé la luxueuse revue Alsacienne, il voulait que Charles dirigea à Nancy, sur les mêmes bases et le même plan la Revue Lorraine. Il était entendu que Barrès fournirait les premiers fonds. Fucher, que ses amis appelaient souvent Cagliostro et qui était un charmeur, fut éloquent. Charles ne demandait d’ailleurs qu’à se laisser persuader. La Revue Lorraine, publication trimestrielle était fondée et son premier numéro paraissait en février 1906. Belle revue d’art s’intéressant aussi bien à l’école de Nancy qu’aux vieilles ruines lorraines, elle était splendidement illustrée et acquit une juste célébrité.

 

Comme si ces revues ne suffisaient pas à l’occuper, c’est vers cette époque que Charles commença la table de la Société d’ Archéologie, œuvre de patience et d’érudition qu’il a voulu compléter après la guerre et que P.Marot continue.

 

Les épreuves étaient venues pour nous, d’abord la mort de mon frère Ernest qui n’avait que 37 ans, le 30 janvier 1904 et les tristesses qui l’avaient suivie. Le 5 décembre 1904, André Sadoul mourait lui aussi à 27 ans. Cette mort fut un grand chagrin pour Charles. Le 19 octobre 1905 c’était la mort de l’oncle Lucien. La veille, on était venu nous réveiller en pleine nuit car il allait très mal. Charles était descendu à peine vêtu et il faisait un froid glacial. Il remonta transi et le lendemain près du lit d’agonie de son oncle, il était pris d’une congestion pulmonaire dont il ne devait jamais se remettre complètement. Le 21 février 1906, nous perdions notre chère Paulette.

 

 

 

 

Charles pour surmonter son chagrin se consacra plus que jamais à ses revues et aux travaux de folklore qui le passionnaient. Il réserva une pièce de notre maison aux objets populaires qu’il ramassait un peu partout et qu’il donna plus tard en grande partie au Musée Lorrain, quand il fut nommé Conservateur et organisa sa salle d’art populaire en 1911. Avant, il avait installé pour l’exposition de Nancy, en 1909, une reconstitution d’intérieur lorrain dans une des chambres de la maison alsacienne qui était déjà un embryon du musée. Charles de concert avec Fucher travaillait alors au gros mouvement d’indépendance française qui se manifestait à Strasbourg. Une société de conférences sous le patronage des Annales, avait été organisée. Charles avait donnée à Nancy une conférence sur les chansons lorraines qui avait été fort appréciée. Il les répéta à Strasbourg en 1911, avec le concours de jeunes femmes alsaciennes pour chanter les rondes et les chansons. La même année, il fit une tournée de conférences sur le même sujet à Luxembourg, à Metz, à Épinal, à Saint Dié. C’est aussi en 1911 que Charles fit le voyage de Maillanne pour aller voir Mistral qu’il admirait beaucoup. Il visita avec lui le musée arlatan, y prenant comme au musée alsacien, des idées pour l’aménagement de sa salle d’art rustique. Bien qu’homme d’intérieur, aimant son chez lui, Charles qui était la vie même, aimait les voyages. Étudiant il était de tous les congrès, soit en Belgique, soit dans le midi. Plus tard, il avait visité l’ Italie, l’ Angleterre, l’ Allemagne, après la guerre, le Maroc, la Tunisie, rapportant toujours des idées neuves.

 

Le 26 juin 1912, nous avions eu une fille Jeanne, A la mort de maman en janvier 1909, j’avais eu une fausse couche et un second accident en 1911 nous avait fait craindre de ne plus avoir d’enfants. Cette naissance combla donc nos vœux les plus chers. Elle était suivie le 24 janvier 1914 de la naissance de notre fille Madeleine.

 

La guerre nous surprit en plein bonheur. Nous étions à Raon quand on commença à en parler. Charles n’y croyait pas et j’eu beaucoup de mal à le décider de regagner Nancy où je voulais le remplacer à la Direction du portefeuille d’assurances pour la durée des hostilités. Il fut mobilisé au Fort de Dongermain, de la Place Toul, comme Maréchal des Logis (il avait fait en 1893 et 94, son service militaire au 8ème d’ Artillerie à Nancy). La vie monotone et inutile du fort, bien que coupée de fréquents voyages en fraude à Nancy lui pesait singulièrement. Fin 1914, il était sur sa demande, nommé avec au conseil de guerre à Toul. Au moment des grands bombardements par canon qui avaient commencé à Nancy le 1er janvier 1916, nous avons été le rejoindre à Toul de la fin février au mois d’avril.

 

Charles n’avait pas cessé depuis le début de la guerre de demander un poste aux armées. Son ami le Général Tanant le fit nommer en avril 1916 sous-lieutenant substitut au Conseil de guerre de la 3ème armée, alors après Bar le Duc. Après un trimestre scolaire à Nancy, nous avions été passer les vacances à Plombières et de là une année scolaire à Remiremont. En 1917, nous revenions passer les vacances à Raon. A cette époque, Charles quittait quelques temps la troisième armée pour le conseil de guerre de la 16ème division à Flavigny sur Moselle et dans l’ Argonne, puis il rentrait à la 3ème armée. Il cantonna successivement avec elle à Verberie dans l’ Oise, dans la Somme, etc…

 

Au début de 1918, il était question d’évacuer Raon où nous étions restés car une naissance s’annonçait. Je suppliai Charles de demander à rentrer à l’intérieur. Comme son âge l’y autorisait, j’irais le rejoindre pour mes couches là où il serait envoyé.

En février 1918, il était nommé substitut et lieutenant au Conseil de guerre de Tours. C’est là que notre fils Paul est né le 1er mai 1918. Nous avions trouvé un appartement assez vaste et fait venir de Nancy notre mobilier, mis ainsi à l’abri des bombardements. Charles se retrouvait là en Lorraine et ne voulait même pas visiter la Touraine. Chaque dimanche, il montait à la Béchellerie pour voir Anatole France qui, ce jour là, réunissait chez lui tous les intellectuels que les hasards de la guerre avaient amenés à Tours. Les gens les plus divers s’y rencontraient et souvent les discussions étaient vives. Je revois Charles poussé à bout par les raisonnements d’un groupe de socialistes avancés, criant et se démenant de telle sorte que je crus bon de le prendre par les épaules et de l’emmener, pendant qu’ Anatole France me disait avec un sourire sceptique « Laissez-le donc, il s’amuse tellement. ».

 

En octobre 1918, Charles avait obtenu un congé assez long pour s’occuper de l’emprunt, il était donc en Lorraine pour l’armistice. Ce fut une des grandes joies de sa vie de partir avec Louis Madelin en Lorraine délivrée. Avec Barrès qui l’avait pris comme secrétaire, il entra à Metz d’où il écrivait à Marie Sérot «  je couche dans votre lit, je suis ivre. » Que dire de l’entrée triomphale à Strasbourg, magnifiquement organisée par son ami Fucher, qu’il fit avec nos troupes. Il me revint à Tours, enthousiasmé, navré seulement de n’avoir pas osé demander une prolongation de congé qui lui aurait permis d’assister à l’entrée triomphale de nos troupes à Metz.

 

 

Ce n’est qu’en février 1919 que nous pûmes rentrer à Nancy et reprendre une vie normale. Charles voyait devant lui une besogne énorme. Il reprit la publication du Pays Lorrain que la guerre avait interrompue et qui alors ne s’appela plus que le Pays Lorrain tout court. Avec Barrès, il faisait de la propagande française en Sarre, il s’est occupé activement du mouvement luxembourgeois, organisant à Nancy des journées luxembourgeoises, il a été navré le jour où le Luxembourg est passé sous l’influence belge. Il s’efforçait de resserrer les liens avec Metz et l’ Alsace. Il reprit ses travaux de folklore, il publia dans la Vie à la Campagne un fascicule sur le mobilier rustique en Lorraine puis dans la collection de Philippe Las Cases, parut chez Ollencorf : « L’art rustique en Lorraine. ».

 

En décembre 1919, V. Brajon et Verlot lui offrirent de se présenter au conseil général des Vosges. Pour lui c’était reprendre la place de son père et tâcher comme lui de faire du bien à son cher Raon. Mais, je le voyais déjà pris par tant de choses que je redoutais un surcroît de fatigue et je tâchai de l’empêcher de se présenter. Ce fut, je crois, le seul dissentiment grave de notre ménage, mais je dus m’incliner devant la volonté de Charles qui était élu Conseiller Général du Canton de Raon en décembre 1919. Il devait être réélu en 1925, après une campagne assez dure et on peut dire que ce mandat politique usa sa santé. Il avait voulu réaliser l’union des parties, relever son canton des ruines de la guerre, y faire du bien et ne pas faire de politique dans mauvais sens du mot.

 

Les générosités américaines et l’appui de Verlot lui avaient permis d’organiser dès 1920, dans son canton des consultation de nourrissons. En 1923, un don obtenu grâce à l’intervention de Mme Saugnier, Directrice des œuvres de province de l’ Union des femmes de France, lui permettait de fonder dans un pavillon de l’hôpital de Raon, avec l’aide de la Fédération d’hygiène sociale, des consultations anti-tuberculeuses. Les deux œuvres que je m’attache à continuer ont fait et continueront à faire le plus grand bien au pays.

 

Il avait repris ses conférences sur la chanson Lorraine, y avait ajouté une conférence sur la cuisine Lorraine, sur la sorcellerie en Lorraine, et il aimait à les répéter à Metz, Saint-Dié, Épinal, Luxembourg, etc. Dans ses recherches aux archives, il avait découvert un dossier relatif aux frères Baillard qui servit à Barrès pour sa Colline Inspirée. En 1923,  il avait repris la publication de la Revue Lorraine, aidé par M.Heck des Arts Graphiques. Il avait organisé un comité pour la sauvegarde de la maison de Claude Gellée à Chamagne. Rien de ce qui touchait la Lorraine ne lui était étranger. Il avait fondé à Nancy l’association des écrivains Lorrains, dont il était président ; son cher musée Lorrain l’absorbait plus que jamais. En 1927, il publiait chez Massin dans la collection « l’art régional en France » un luxueux album sur le mobilier Lorrain et en 1930, en préparait un autre sur les châteaux en Lorraine. Il collaborait à l’art populaire en France édité à Strasbourg. Tout cela l’épuisait. Dès 1924, il avait dû aller faire une saison au Mont Dore pour soigner un emphysème commençant, mais il aurait fallu se ménager, prendre des précautions, c’était contraire à sa nature.

 

En 1929, il avait été nommé Chevalier de la Légion d’ Honneur par le Ministère de l’ Institution Publique, ce fut pour lui une grande joie. Ses amis qui étaient nombreux voulurent célébrer en 1930 le jubilé du Pays Lorrain et firent graver une médaille à l’effigie de Charles par son ami Prouvé. On fit coïncider le jubilé et la remise de décoration par le Général Lyautey, dans une cérémonie intime qui toucha profondément Charles.

 

Le 22 mai 1930, il se décidait à prononcer son discours de réception à l’ Académie de Stanislas, discours remis depuis 17 ans. Il avait choisi comme sujet « Le Sotret ». Il voulait éditer un livre sur la sorcellerie, sur les chansons, sur les faïences, sur la cuisine Lorraine, il avait amassé des notes pour un gros ouvrage sur le patois Lorrain, il fallait pour cela du temps. Mais sa santé continuait à s’altérer, son emphysème augmentait. En septembre 1930, je ne pus l’empêcher de prendre part à un congrès de Folklore qui se tenait en Belgique. Il y était le seul Folkloriste français et je crois qu’une trentaine de nations étaient représentées. Il fit à Bruxelles un exposé lumineux sur les traditions et coutumes populaires en France, et surtout de Lorraine, mais il avait pris froid sur l’ Escaut à Anvers, et il eut un début de congestion le lendemain à Liège. Je le ramenai bien fatigué à Raon. J’y revenais avec lui le 5 octobre pour l’inauguration du monument aux morts de la guerre. Cédant à ses instances, Albert Lebrun, maintenant Président de la République, un vieil ami de Lycée, était venu présider la cérémonie. Charles fit à cette occasion son dernier discours à ses chers Raonnais. En venant à Raon, à la Toussaint, il avait repris une grippe dont il n’arrivait pas à se débarrasser et le docteur que j’avais appelé avant de venir comme d’habitude à Raon pour la distribution de vêtements de Saint Nicolas à nos nourrissons, lui avait interdit de sortir.

 

 

 

Le 6 décembre au matin, il me téléphonait qu’il allait mieux et partait faire une conférence sur la cuisine à Château-Salins, comme je le suppliais de ne n’en rien faire, il raccrocha l’appareil.

Le soir, il prononçait sa dernière conférence et le lendemain, il arrivait à Raon pour présider comme d’habitude la fête de Saint Nicolas. Il était visiblement malade, mais ne voulait pas en convenir. De retour à Nancy, le 11 décembre, il s’alitait, frappé d’une congestion pulmonaire aggravé par l’emphysème. Le 15 décembre, il mourut paisiblement, sans grandes souffrances, ayant retrouvé sur son lit une nouvelle jeunesse et le sourire qui lui était habituel.

 

Cette mort en pleine action était celle qui lui convenait, jamais il n’aurai pu se résigner aux misères de la vieillesse. On vit à son enterrement combien il était aimé et apprécié. Ses amis Raonnais ont tenu à apposer une plaque sur la maison de mes parents, reprise par nous en 1909 et où Charles avait mené une vie si pleine, si active et rendu tant de services à ses compatriotes. Les écrivains Lorrains ont fait poser une plaque sa tombe au premier anniversaire de sa mort. Le Pays Lorrain devenu une revue plus luxueuse (car, il s’est fondu avec la Revue Lorraine) continue à paraître, grâce au dévouement de mon beau frère Louis et de M.Marot, le Musée Lorrain a donné le nom de Charles Sadoul à la salle d’objets populaires qu’il y avait installée. De nombreux articles lui ont été consacrés dans des revues, dans des journaux. Il aimait à dire en riant : « On m’appréciera seulement après ma mort » et combien il avait raison.

Le vide qu’il laisse est immense dans ses œuvres et plus encore dans sa famille dont il était l’âme, car ses nombreuses occupations ne l’empêchaient pas d’être un père tendre, n’aimant rient tant que d’être entouré de ses enfants, partageant toutes leurs joies et s’intéressant à toute leur vie, sachant rester jeune pour mieux les comprendre. J’espère qu’ils n’oublieront jamais ce que leur père a été pour eux et garderont l’amour de la famille qui était si profondément enraciné dans son cœur.

Pour moi, après trente et un ans de mariage, Charles était resté le mari très tendre qui m’écrivait en 1910, au moment de suivre la 3ème armée dans le Nord, une lettre touchante où nos enfants trouveront plus tard le reflet de notre amour. Il a emporté le meilleur de moi même et tout le bonheur de ma vie.

 

 

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LES ENFANTS DE CHARLES ET ANNA CLAUDE SADOUL

 

MARIE ANNE PAULE SADOUL

Paulette Sadoul, le premier enfant de mon frère était née à Nancy, le 17 août 1901, ses parents eurent le malheur de la perdre le 21 février 1908. Il leur restait un fils Georges, né en 1904, ils désiraient vivement avoir d’autres enfants, mais leur attente se prolongea jusqu’en juin 1912 et la naissance de leur fille Jeanne. Ils rattrapèrent le temps perdu, Madeleine naquit le 24 janvier 1914 et Paul, le 1er mai 1914.

JEANNE SADOUL

Née à Raon l’ Étape, le 20 juin 1912

Jeannette Sadoul, ressemble beaucoup à son père au physique comme au moral. Sang bouillant. Études poussées jusqu’au baccalauréat de lettres. Diplôme d’infirmière à la Croix rouge. A épousé le 23 mars1933, Jean Collombier, licencié ès lettres qui prépara son agrégation et est depuis le mois d’octobre 1933 professeur au Lycée de Charleville. Une fille Marie Charlotte est née à Nancy, 27, rue des Carmes, le 22 janvier 1934.

MADELEINE SADOUL, dite MALON

Née à Nancy, le 24 janvier 1914

Comme sa sœur, elle a fait des études chez Mme Devallée à Nancy, a passé très facilement son baccalauréat ès lettres. Fait en ce moment sa licence es lettre (allemand), la vraie licence et non celle d’amateur, vient d’obtenir le premier certificat.

 

PAUL SADOUL, dit Paulot

Né à Tours, le 1er mai 1918

Est né par hasard à Tours, où son père, à la fin de la guerre était Substitut au conseil de guerre. Fait ses études au Lycée sans se donner un mal énorme. Semble avoir une vocation marquée pour la médecine. Est un scout de France très convaincu.

Georges SADOUL

Né à NANCY, le 4 février 1904

 

Élevé au Lycée, études de droit jusqu’à la licence, puis faculté de Lettres, a passé avec succès trois examens de licence, mais n’a pas poussé jusqu’en quatrième année. Est allé ensuite à Paris dans une maison d’édition (Librairie Gallimard). Garçon très intelligent, doué pour la littérature, mais original. Pourrait je crois réussir brillamment, mais il n’a pas encore trouvé sa voie.

 

Georges et Jacqueline Cartier-Bresson

 

 la lettre d’annonce de l’union par Louis Sadoul en 1937

 

ci après le courrier de Louis Sadoul  le procureur annonçant l’union de Georges Sadoul et de

Jacqueline Cartier Bresson sœur du photographe

 

MARIAGE Georges 1937Annonce  par Louis Sadoul

 

Lettre a Loulette  sa fille du 15 janvier 1937( datée de Nancy)

 

 

         Ma chère Loulette,

Si tu possède les œuvres de Mme de Sévigné voudrais tu bien r te reporter à la lettre annonçant à Mme de Grignan

le mariage du duc de Lauzun avec Mlle de Montpensier, la grande Mademoiselle cousine de Louis XIV. Tu y

trouveras une cascade d’expressions marquant son étonnement plutôt même la stupéfaction, a l’annonce d’un événement aussi extraordinaire .

Si j’avais la plume fleurie de la Marquise, moi aussi je pourrais avoir la même virtuosité, car l’événement que je viens t’annoncer n’est guère moins stupéfiant que le précédant.

Aujourd’hui encore il s’agit d’un mariage et ce mariage, c’est celui de Georges. Tu me dira qu’après tout la nouvelle n’arien d’étonnant , qu’il est n âge de convoler avec ou sans l’assistance de Mr le Maire et du code civil et que nous avons déjà

connu celle qu’Anna appelait familièrement Nora et qu’elle considérait déjà comme la mère de ses  futurs petits enfants

C’est exact l’étonnement n’est pas là, il est dans la personnalité de la fiancée.

Tu la connais, elle appartient à une famille extrêmement connue dans la région, à une famille les plus collet monté, les plus

réactionnaires, les plus cléricales même qu’ils soient.

Je ne veux pas te faire languir plus longtemps : la jeune fille s’appelle Jacqueline Cartier-Bresson. Là dessus, respires un peu car tu dois avoir besoin de reprendre tes esprits.

La dite Jacqueline Cartier-Bresson appartient à la branche de Pantin associé aux affaires de Celles et d’ailleurs.

Maintenant, ne te figure pas que Georges renonce à ses idées, qu’il devient réactionnaire et clérical, candidats au conseil de la Fabrique de la paroisse. Non, la jeune Jacqueline est communiste comme son frère.

Tous deux le sont devenus après un séjour au Canada et au Brésil. Georges et elle se sont connus dans les milieux communistes de Paris, ils font un mariage communiste sans curé bien entendu, sans dots, sans rien.

La future Mme Georges Sadoul (elle le sera dans les premiers jours de février) travaillera comme secrétaire chez un homme de lettres communiste et je ne serais pas surpris que Nora qui vient de rentrer à Paris devienne vite l’amie du ménage.

Voilà ce que j’avais à te dire. Ta mère n’est pas loin de considérer ce mariage comme un mariage chic. Pour moi, j’éprouve une douce joie à penser que Georges devient le cousin de Mme Fourchy et de Mme Gourand, et pourrait être le neveu de Mme Cartier si Dieu ne l’avait pas rappelé à lui l’an dernier. Cela ne fait rien, on voit de drôles de choses dans la vie.

 

Je vous embrasse tous.surtout (Micou).

 

L.SADOUL

 

 

Georges et Ruta

 

                      

 

 

Lettre du 12 mars 1948 à sa Mère

 

    Mon voyage à Nancy a été si bref, et a été un tel brouhaha de réceptions et de partages que je n’ai pu pratiquement

te voir seule pour te dire une nouvelle pour laquelle je faisais un peu les voyage ; j’ai une femme. Nous avions une

« liaison » depuis octobre 46, nous vivons ensemble, rue de Bretonvilliers depuis le mois d’octobre dernier, et cette vie est toute conjugale.

  Ma femme s’appelle Ruth, ou plus exactement Ruta, Ruta Assia. Elle a deux ans de moins que moi, elle est née en

Pologne, elle est venue en France , à Toulouse, comme étudiante, a l’âge de 18 ans. Je la connais depuis plus de

quinze ans, je l’ai rencontrée, un peu après 1930, alors qu’elle venait d’avoir une petite fille de son premier mari,

un professeur agrégé de Toulouse, Jean Baby qui venait d’être nommé a Paris, et qui était de nos amis à Aragon et

à moi. Par la suite j’ai un peu perdu de vue Ruta et son mari. Mais nous nous sommes à nouveau rencontrés en 1940

. à Toulouse, où elle s’était réfugiée comme moi. Son mari l’avait abandonnée l’année précédente, pour une autre

femme  (qu’il ne devait pas tarder à épouser) et elle était en instance de divorce. Elle vivait alors, très dignement dans un appartement avec sa petite fille, assez solitaire, assez triste, et dans des conditions difficiles. J’avais depuis

longtemps appris a apprécier  son extraordinaire droiture de caractère, sa rare honnêteté , sa franchise, sa générosité.

Nous somme devenus très amis et nous nous sommes vu très souvent, sans que nos relations prennent jamais un autre

tour. J’étais trop plongé dans ma propre détresse, dans mon désespoir, avant d’être emporté par ce tourbillon d’activité

que ne tardèrent pas à devenir pour moi, les organisations de Résistance….

  

   A la libération, Ruta rentrée à Toulouse n’a pas tardée à être appelée à Paris pour y occuper un poste assez

important au Consulat   Général de Pologne, poste qu’elle occupe toujours aujourd’hui. Nous nous sommes revus

, assez rarement , tant notre travail nous occupait tous deux puis soudain en octobre 46, nos relations ont pris un autre tour.

 

Je ne suis pas encore marié avec Ruta. Mais que cette formalité ne soit pas intervenue entre nous, n’empêche que je la considère comme ma femme, et que je te demande de la considérer comme telle. Si tu juges les choses plus commodes sous cette forme, annonce que je viens de me marier. Il n’y a pas à mes yeux de différence

 Paulot Connaît Ruta. Il a dîné une ou deux fois chez elle à Toulouse ; J’allais souvent chez elle. Il m’y a accompagné.

Ruta est actuellement très surmenée. Elle a le plus grand besoin de campagne et de repos, si le médecin lui accorde les

semaines de vacances qui lui sont à mon avis indispensable. Elle avait déjà eut un congé de maladie cet hiver et nous

en avons passé une partie à Nice. Mais je voudrais cette fois qu’elle vienne chez moi à Raon. Et je pense qu’elle m’y rejoindra huit jours après mon arrivée soit à la veille de Pâques. Ce qui explique mon insistance à demander une « cuisinière » pour ma cuisine. Je voudrais que nous nous établissions avec la possibilité de faire notre ménage à part.

 

   Je m’excuse de te donner, en plein déménagement une nouvelle aussi subite , et la nouvelle d’une arrivée prochaine

qui pose pour toi certains problèmes. mais le mauvais état de santé de Ruta m’oblige à fixer notre séjour à Raon pour

le mois prochain, et non pour l’été comme je l’avais pensé jusqu’à ces dernières semaines. je suis d’ailleurs certain que

tu apprécieras comme moi les grandes  qualités de ma femme, et tu m’as dit assez souvent que la solitude où j’étais depuis près de dix ans ne te plaisait pas énormément pour que tu passe sur les inconvénients passagers qui résultent des conditions un peu brusques dans lesquelles je t’annonce cette nouvelle. A bientôt donc j’arriverai en principe

samedi à Raon , je t’embrasse GEORGES

 

PS j’ai oublié mon porte mine dans le charivari des partages, met le de côté.

 

                                  LETTRES A SA MÈRE LE VOYAGE A PÉKIN en 1956

 

 

                                                                  Sotchi le 29 août 1986 

 

        Je viens seulement de recevoir aujourd’hui la lettre du 17 août. Ce qui a été relativement rapide, car le courrier met

 beaucoup plus longtemps de Moscou à Sotchi, que de France a Moscou.

 

  Nous quittons demain 30 août ce très bel endroit de vacances sur la mer noire. Un pays quasi tropical, aux flans du

  Caucase. Nous avons vécu un peu plus de 15 jours dans un « sanatorium » au sens russe  de ce mot , une sorte de

 Grand hôtel assez luxueux, où l’on vous donne outre le vivre et le coucher des soins médicaux (s’il y a lieu) on a ordonné

a Ruta une cure d’eaux sulfureuses, contre les rhumatismes, qui lui ont donné des rhumatisme pour quelques jours mais je

 ne doute pas, lui feront ensuite grand bien. Moi j’ai eu droit seulement à des bains non sulfureux, mais qu’on m’a affirmé

 radioactifs. Nous avons assez peu profité de la mer, mais nous avons pu( moi surtout ) faire quelques belles promenades en montagne.

Nous quittons demain matin Sotchi pour Odessa, par mer deux jours de bateau, le long du Caucase et de la Crimée.

 De là à Moscou  où nous arriverons le 3 septembre. Nous repartirons le 15 au plus tard pour Paris. Et je ferai aussitôt

un saut à Raon, pour savoir comment tu te trouves après ces accrocs un peu trop répétés. J’aurais bien voulu être prés de toi pendant ces mauvais jours, mais la présence de Jeannette et la proximité de Paulot( quelle bonne idée il a eu de prendre

ses vacances a Plainfaing) étaient pour moi d’ une aide et d’un secours sans pareil. N’as tu pas été un peu imprudente pour

 provoquer ces rechutes successives ? J’espère que maintenant la chaleur( que tu supportes mal) ne gâte pas ta convalescence. Suis en tous cas scrupuleusement les instructions du Professeur Paulot

 

   A Moscou nous avons eu un temps très médiocre et franchement froid. Ruta a vu encore peu de choses dans une

Ville immense, violente, pleine de contraste, et qui je le sais pour bien la connaître et bien l’aimer ne se livre pas

Facilement. A Sotchi nous avons eu 15 jours de beau fixe, un peu trop chaud.

   Ruta a été assez préoccupée d’Yvonne, qui ne nous a donné que des nouvelles irrégulières. Mais elle paraît très bien

 Dans sa pension de Savoie, pas loin de Megève. Nous souhaitons qu’elle y reste tant qu’il le faudra pour rétablir

Enfin une santé  bien médiocre depuis un an.

 

Je souhaite que cette lettre ( précédée par un télégramme)  t’arrive plus vite que la tienne. Je pense que presque aussitôt

après que tu l’aie reçue, je serai prés de toi a Raon, encore une fois soigne toi bien, et sois très raisonnable.

 

Je T’embrasse Georges

 

     Ma chère mère,

Nous sommes content d’avoir eu de vos nouvelles juste avant notre départ de Sotchi et souhaiterions en avoir d’autre

bientôt à Moscou.Nous nous sommes dans l’ensemble assez bien reposés , et Georges en particulier aime beaucoup

cette région où la mer et la montagne sont très belles

Je vous souhaite ma chère mère, un prompt rétablissement et je vous embrasse bien affectueusement

                                              Ruta

 

 

 

 

 

 

 

                                                              PÉKIN LE 29 OCTOBRE 1956

                                                              Adresse permanente (d’ou le courrier suivra)

                                                             Bureau d’administration du cinéma

                                                               YANG-Tsé-Da-Kié

                                                                See She Pékin 

 

   Je profite d’une occasion pour t’envoyer un mot, qui je pense t’arrivera avant diverses cartes envoyées précédemment.

Notre voyage a été au début assez mouvementé. A Moscou l’ambassade de Chine n’avait pas été prévenue. Personne à l’aérodrome sinon( par hasard)  des amis soviétiques qui ont pu nous ramener à Moscou( 50 Km ) et nous héberger. Nous

 avons passé 48 heures à Moscou, et en sommes partis le samedi 20 octobre, dans la nuit. Au petit jour nous sommes

 arrivés , au delà de l’Oural a Omsk, en Sibérie, dans un aérodrome sinistre et boueux. Une légère avarie de moteur

nous a obligé a rester une heure ou deux sur place . On a fini par nos conduire à une aérogare très primitive. Pui traversant un océan de boue, nous sommes remonté en avion. Après 2 heures et demie de vol nous avons atterri  a … Omsk,

l’aéroport suivant Novossibirsk était  bouché. Impossible d’atterrir. Nous étions revenu sur nos pas . on nous a donné

 une chambre. A plusieurs reprises dans la nuit on nous a réveillés, embourbés, embarqués, puis renvoyés dormir, l’aérodrome voisin étant toujours bouché.

 

     Au petit jour, nous nous sommes retrouvés au milieu de la boue sur de vagues planches, et avons vainement attendu

Dans le froid l’autobus qui devait nous conduire a l’avion. Ruta a alors levé l’étendard de la révolte, et s’est mis à injurier

(en russe) la direction de l’aéroport tout entière. Et brusquement on nous a proposé de continuer notre voyage par le

fameux avion a réaction TU104, jusqu’à Pekin. Nous nous sommes presque aussitôt retrouvé dans l’avion le plus moderne

 et le plus rapide du monde, vaste comme deux wagons salons,  et merveilleusement aménagé, je redoutais comme toi

cette mécanique. Mais le TU donne une impression de sécurité extraordinaire. Nous n’étions que 20 passagers( rescapés

 d’Omsk ) dans un avion fait pour 60 ou 80, et qui aurait du voyager à vide. Il s’agissait en effet d’un vol d’essai, le second

entre Moscou et Pekin. La ligne régulière ne va encore que sur le trajet Prague Moscou Omsk Irkoutsk

une brève escale douanière a Irkoutsk et nous nous sommes envolé par un temps splendide à 950 Km heure. Nous avons

survolé Oulan-Bator ( capitale de la Mongolie ) puis le désert de Gobi a 10500m d’altitude . La cabine est pressurisée. On

se sent bien mieux à cette haute altitude qu’a 2000 mètres dans un avion ordinaire. Il y a pourtant par précaution des masques  à oxygène. Nous avons ainsi parcouru 4 ou 5000 Kilomètres en 5H30( arrêts compris). En moins de temps

qu’il ne m’en faut pour aller à Raon , nous avons traversé l’Asie dans presque toute sa largeur.

   Depuis notre arrivée a Pekin nous sommes traités comme des monarques. La ville est d’une exceptionnelle beauté et

Ne ressemble à aucune autre, avec ses maisons sans étages et son palais impérial grand comme 10 où 20 Louvres .

Nos avons vu pas mal de musées, et un peu les rues. Les chinois sont des gens comme nous, très sympathiques et directs

.la rue est très pareille à certaine rues de l’Italie méridionale, avec ses échoppes, ses boutiques, ses marchands ambulants 

langue et écriture mises a part nous nous sentons chez Nous. Hier nous avons pique-niqué à la grande muraille c’était splendide.

Nous partons le 1er Novembre pour un grand voyage : la Mandchourie(au nord) puis(au sud) Shanghai, Nankin, Canton,

Peut être irons nous au Vietnam, mais il y a peu de place dans les avions,  ce qui rend le projet difficile  à réaliser

Nous donnerons des nouvelles aussi souvent et aussi rapidement que possible.Soigne toi bien, j’espère que tu pars ces jours ci pour Nancy chez Paulot. Reste y aussi longtemps que possible.

                                                 Je t’embrasse Georges

 

 Comme Georges, je suis émerveillée par tout ce que j’ai vu jusqu’ici à Pekin. Partout où nous allons, les gens témoignent

une très grande sympathie, ici comme ailleurs on aime et on admire notre pays,

 je vous embrasse, chère Mère, bien affectueusement. Ruta

                                                              PEKIN LE  11 DECEMBRE 1956

 

 

 Ce mot comme d’habitude, un peu à la hâte. Nous avons trouvé ta lettre du 2 Novembre, il y a 4 jours, a Pekin, et c’est

La seule qui nous soit parvenue en Chine, venant de France ou d’ailleurs. Elle nous a fait le plus grand plaisir. Deux mois 

sans aucun c’est un peu long d’autant plus qu’il se passait pas mal de choses en Occident, et que nous restions pratiquement sans nouvelles autres que très fragmentaires.

 

Je dois être à Moscou le 26 pour mon doctorat. Nous ne serons donc pas a Paris bien avant la St Sylvestre, et je ne te verra

i pas avant le début de Janvier. Je suis pleinement rassuré sur ta santé, Mais très inquiet de ce que tu nous dit de la pauvre

 Mathilde 

 

   Pour nous nous sommes allés des frontières Sibériennes aux tropiques ; Moukden, Tchang-Tchoun (en Mandchourie)

 Shanghai, Han-k’eou, Canton, Hang-Tcheou, 6 ou 7000 Kilomètres, plus souvent en train qu’en avion, dans des conditions parfois très inconfortables et harassantes. Mais tout cela était  passionnant et m’a beaucoup appris sur ce

pays-continent , plus étendu et peuplé que l’Europe entière ( je crois), avec 5 où 6000 ans de civilisation ininterrompue .

J’avais de puis 25 ans envie de ce voyage. Il ne m’a pas déçu, je rapporte une foule de choses.

 

   Ruta est pour le moment un peu lasse, mais on n’a pas trop maudit l’éloignement de France, quoique elle soit restée

Sans nouvelles d’Yvonne, autres que télégraphiques. Le retour par la Sibérie nous effraie un peu, si le mauvais temps risque de nous éloigner dans quelques pays perdu. Et ci cet avion prodige peuvent nous emporter d’un coup d’aile,

en 8 ou 9 heures,. Mais nous n’espérons pas en ce miracle. Comment allons nous retrouver la France. Il s’est passé tant de

 choses en notre absence « Vraiment nous vivons une époque bien intéressante » comme disait ce pauvre oncle Louis.Et

dont la c’est un propos dont la Chine m’a confirmé la justesse. Nous sommes un peu contrarié que la crise du mazout

t’empêche d’envisager un séjour à Nancy, j’aurais aimé te sentir pour quelques semaines auprès de Paulot et des autres

.enfin notre retour n’est plus maintenant éloigné que de quinze jours.

 

Nous confions cette lettre a Jean Painlevé, notre ami et notre compagnon de voyage pendant deux mois. J’espère que tu aura donc de mes nouvelles avant Noël, la poste ne nous inspirant plus aucune confiance.

Nous t’embrassons  Georges.

 

Ma chère Mère,

Comme vous voyez, Georges est ravi de notre voyage en Chine. L’accueil qu’on nous a réservé partout a été le plus 

chaleureux .les Chinois de nature sont très gentils.

 

Georges passe son temps à voir des films. Surtout depuis que nous sommes rentré à Pekin. Il a vu 59 films et doit en

voir presque autant.

Nous comptons quitter Pekin le 20 décembre et la perspective de survoler la Sibérie à cause du froid m’effraie un peu.

Nous sommes logé ici dans un très bon Hôtel, très bien chauffé.

Nous avons su par les journaux qu’en France il fait assez froid et  c’est fâcheux pour ceux qui n’arrivent pas à se chauffer faute de mazout.

Ménagez vous, ma chère Mère, et soyez prudente.

Je vous embrasse bien affectueusement.  Ruta

 

 

 

 

 

 

 

 

Extraits d’une biographie des hommes illustre Lorrains

 

Georges Sadoul est né le 4/02/1904 à Nancy (Meurthe et Moselle)
   dans une famille bourgeoise Lorraine son père était originaire de Raon L'Étape (Vosges)
  Il était fils d'industriels Vosgiens écrivain , notable et homme politique libéral Dreyfusard
  des premiers jours, féru d'art et traditions populaire il sera en 1809 conservateur du musée
  lorrain et ami d'André Thirion et Georges sera un ami de son fils  de 1922 à 1932env
  la mère de Georges Anna Claude était elle même issue d'une famille d'industriels Tissage et
  filature dans la vallée de Celles proche de Raon L'étape.


  Georges fera des études de droit à Nancy

Sadoul (Georges). Né à Nancy le 4 février 1904, mort à Paris le 13 octobre 1967. Une biographie de cet intellectuel, qu’on enferme trop dans son rôle essentiel d’historien du cinéma, évoquerait tout à la fois la mémoire lorraine, - par la personnalité de son père -, la vie nancéienne au lendemain de la Première Guerre mondiale, l’histoire du surréalisme, de ses débuts à la rupture entre André Breton dont le père est né à Vincey (Vosges), et Louis Aragon, les années 1930 du Parti communiste, la Résistance littéraire de 1940 à la Libération, la stalinisme français et, plus que tout, le cinéma, de ses débuts à ceux de Claude Chabrol. L’engagement politique de Georges Sadoul n’a pas favorisé cette étude d’envergure, peu souhaitée par sa famille elle-même si on en juge par cette note de son père, citée par André Thirion dans l’édition définitive de Révolutionnaires sans révolution (1988) : « L’odieux Thirion, son ami intime, a fini par dominer la nature faible de Georges. Mon seul espoir est qu’il délaisse les doctrines communistes comme il a délaissé les autres. Elles ne peuvent séduire que les imbéciles et les ambitieux. Or il n’est ni l’un, ni l’autre et c’est un rude coup pour moi ».

Georges Sadoul est né à Nancy le 4 février 1904, fils aîné de Charles évoqué par alleurs. Il fut, sans difficulté, grâce à la bibliothèque familiale, un enfant et un adolescent passionné de lecture, complétant les classiques paternels par des nouveautés comme Marcel Proust ou André Gide. Peut-être son intérêt pour le cinéma vint-il des éditions illustrées de Fantomas qu’on lisait aussi à Raon l’Étape. Étudiant à la faculté de droit, il s’engage dans l’action culturelle du comité Nancy Paris.

 

Epstein à Nancy

En amenant à Paris ce provincial en éveil, le service militaire le rapproche de ceux qui s’intéressent également aux créations de Jean Epstein ou d’Arthur Honegger. Georges Sadoul, dans un article paru dans Etudes cinématographiques (n°38-39, printemps 1945), évoque la naissance de sa passion cinéphile et sa rencontre avec les surréalistes : « J’avais vingt ans. Depuis plusieurs années, j’était fou de cinéma. Depuis que j’avais eu seize ans et dix francs en poche, j’allais, chaque semaine, six fois au moins dans les cinémas de Nancy. Je m’étais abonné à Cinéa, fondé par Louis Delluc ».

Il évoque également la mise en circulation d’une pétition pour la projection « dans un casino banlieusard à Jarville » de Caligari, interdit par le maire de Nancy comme « film boche » : « Je m’enthousiasmais, ajoute-t-il, pour les westerns, les films de Delluc et Marcel l’ HERBIER. J’organisai à Nancy, en octobre 1923, une conférence où Jean Epstein vint présenter Cœur Fidèle et rendre hommage à Canudo, en présence de sa veuve ». Riccioto Canudo, critique italien (1879-1923), qui a baptisé le cinéma « septième art » est un pionnier de son histoire écrite. Georges Sadoul ne pouvait avoir de meilleure caution à l’aube de sa carrière.

Dans le mêe article des Etudes cinématographiques, repris dans son livre Rencontres : chroniques et entretiens (1984), Georges Sadoul raconte sa visite de la galerie Pierre, rue de Seine, avec Louis Aragon. Le poète conduit le militaire « en uniforme bleu horizon » au café Cyrano. Autour de la table se trouvent André Breton, Paul Eluard, Benjamin Péret , Philippe Soupault, Robert Desnos, René Crevel, Max Ernst. Belle compagnie pour un bidasse.

 

Elsa et Louis

Les relations n’en restent pas là. Démobilisé, Georges Sadoul fréquente le groupe surréaliste. Il partage, 54 rue du Château, le logement collectif de Marcel Duhamel (1900-1977), le fondateur de la Série noire, Jacques Prévert, Yves Tanguy (1900-1948), le peintre onirique de l ‘ Art moderne, et leurs compagnes : « Atelier, loggias, corniche, plaques de rues dérobées : un lieu fou » écrit Dominique Desanti dans Elsa-Aragon, le couple ambigu.

Romancière, grand reporter à L’ Humanité, Dominique Desanti cite fréquemment Georges Sadoul dans les livres consacrés à Aragon. Le jeune Nancéien connaît le début de la passion de l’écrivain pour Nancy Cunard, la poétesse anglaise, fille du créateur et du patron de la Cunard Line transatlantique. Il assiste également, et dans le cadre de la rue du Château, à la mainmise amoureuse et politique d’Elsa Triolet sur le jeune romancier. Il rejoint le couple à Moscou en Septembre 1930 et participe au congrès intellectuel de Kharkov.

C’est lui qui rapporte à Paris, à André Breton, la déclaration signée par Aragon et lui-même, qui subordonne l’œuvre d’art et l’œuvre littéraire « aux besoins du prolétariat ». Breton, engagé au Parti communiste le 6 janvier 1927 en même temps que les deux congressistes de Kharkov, prend bientôt ses distances et éloigne les surréalistes des marxistes. Georges Sadoul reste lié avec Aragon jusqu’à sa mort. Il est son agent de liaison dans la Résistance. Il collabore aux Lettres françaises et participe en mars 1953 au numéro spécial sur la mort de Joseph Staline avec Joliot-Curie, Pierre Courtage, Pierre Daix et Aragon, bien sûr. Il n’oublie pas pour autant Nancy Conrad. Il est un des rares à la visiter dans la salle commune de l’hôpital Cochin où elle connaît une fin lamentable en mars 1965.

 

Atteinte au moral de l’armée

Quand il fréquente, en 1930, Aragon et Elsa Triolet, Georges Sadoul, perturbé dans sa vie sentimentale et souffrant, subit les conséquences d’un canular comme les appréciait cette bande provocatrice.

Sur un quai de gare où, un peu gris, il attend une correspondance de trains, il adresse au major de la promotion de l’école Saint-Cyr, un nommé Keller, une carte postale le menaçant d’une fessée publique s’il ne renonçait pas à la place honorifique méritée par ses examens. Le destinataire fait suivre le courrier reçu par la voie hiérarchique. Gouverneur de Paris, le général Gouraud porte plainte pour atteinte au moral de l’armée. Georges Sadoul écope de trois mois de prison. Il prend ses distances à Berlin d’où, après quelques difficultés de visa, il gagne Moscou pour retrouver ses amis.

A son retour d’Union soviétique, Georges Sadoul, membre depuis 1927 du comité de lecture de Gallimard avec Raymond Aron, Jean Paulhan, Benjamin Crémieux, Ramon Fernandez, devient secrétaire de Gaston Gallimard. Il commence sa longue carrière dans la presse du Parti communiste. Il collabore d’abord à Commune, publication pour enfants, puis devient reporter du magazine Regards, avec son beau-frère le photographe Henri Cartier-Bresson. Commentateur occasionnel de films récents, il entreprend une chronique régulière à partir de 1936, soucieux de ne pas laisser cette riche matière aux critiques de droite, Maurice Bardèche (L’Action française) et Robert Brasillach (Je suis partout), co-auteurs d’une Histoire du cinéma français.

 

Cantonnements en Lorraine

Georges Sadoul réunit les premiers éléments de son histoire personnelle du septième art. La guerre arrête son entreprise, remplacée par les notes d’un Journal, publié seulement en 1977, en « hommage », dix ans après sa mort. Grâce au hasard des affectations, ce Journal de guerre 1939-1940 évoque largement la Lorraine. Il constitue un témoignage intéressant sur la vie abracadabrante des mobilisés de 1939 mis en déroute en mai 1940.

Georges Sadoul, le samedi 2 septembre, veille de la déclaration de guerre, rejoint le centre du génie n°10 à Metz. Sa première image des mauvais jours est une rencontre, pendant un arrêt prolongé en gare de Lérouville, avec « un long train de wagons à bestiaux plein de réfugiés des régions de Bitche et de Saint-Avold ». Il reste trois jours à Metz où il écrit les premières pages du journal de bord qu’il tiendra quotidiennement jusqu’à sa démobilisation : « Je vais déjeuner au café Métropole, près de la gare, un des rares restaurants de la ville qui soit encore ouvert. Excellent repas. La seule trace de la guerre est ici, que dans les lavabos on n’a pas songé à changer la serviette qui est gluante de crasse ». Le mercredi 6 septembre, il quitte Metz avec quelques camarades dans une camionnette de boucher qui, les jours précédents, a ramassé dans l’hinterland de la ligne Maginot le « bétail abandonné par les populations évacuées ». Entre les « parois de tôle tartinées de bouse de vache » direction Marbache, « un joli village entouré de coteaux et de forêts qui s’allonge au bord de la Moselle. Ici les Nancéiens viennent pêcher le dimanche ».

La Section d’électriciens en campagne (S.E.C.) à laquelle appartient Georges Sadoul cantonne dans des villas, en bordure de la Moselle, près du barrage de Millery que garde la dizaine d’hommes. Recrue sans spécialité, et sans doute suspecte, il fait fonction d’aide-infirmier puis assure « la subsistance des troupes installées un peu partout aux environs, jusqu’à Morhange, à plus de soixante kilomètres ». Il ne fait vraiment pas l’affaire. Un capitaine l’abandonne au centre mobilisateur de Metz qui fait ses caisses pour déménager en Mayenne. Le sapeur Georges Sadoul est renvoyé à Nancy dans un train de mobilisés. Il observe : « Un sergent raconte l’histoire d’une compagnie formée des forçats de l’île de Ré et qui traverse la France dans un train gardé par soixante gardes mobiles. Mais ces bizarres soldats auraient déjà tué deux officiers et nul n’ose plus les commander. Ils ont avec eux un veau, trois cochons, des dindons, toute une basse-cour pillée en cours de route. De temps en temps, ils mettent un bistrot à sac ».

Une vie plus paisible, quasiment à domicile, attend le nancéien, envoyé dans un dépôt de Vandoeuvre, « un ancien village, joliment accroché au flanc d’un coteau ». Il est à quelques minutes de tram de l’appartement de sa mère avec laquelle il dîne au restaurant Thiers : « Officiers, généraux, colonnes de stuc, luxe désuet. Services pompeux et que la mobilisation des garçons a désorganisé. La ville ressemble un peu, dans sa fièvre de grand centre assez proche du front, à ce qu’était en janvier 1937, pendant le premier hiver de la guerre d’Espagne, Valence, avec ses restaurants où la viande se faisait rare ».

La drôle de guerre de Georges Sadoul est studieuse. Il lit beaucoup : Un ménage de garçons de Balzac,  Le Lys dans la vallée du même auteur, La Chartreuse de Parme de Stendhal, une Géographie de la Lorraine, dont il n’indique pas l’auteur qui ne peut être que Jules Blache, et même Mein Kampf dans lequel il reconnaît à la « canaille » un « grand talent de propagandiste ». Il lit également les journaux qu’il cite abondamment. Il prend le temps d’errer dans Nancy, retrouve la Brasserie universelle, une petite salle de cinéma de la rue Saint-Jean (« Très 1914. Les spectateurs tiennent leurs masques à gaz dans une boîte de fer ronde »). Il découvre : « Je vais ensuite dans les pauvres rues du quartier Claudion, une misère atroce, et qui ne m’avait jamais tant frappée : enfants barbouillés et rachitiques, maigres et dépenaillés. Des Nord-Africains, des fillettes pâles, d’antiques débris de la prostitution. Sinistre horreur ». Puis il travaille à son manuscrit sur le cinéma « à la charmante bibliothèque  municipale ».

Dans le casernement de fortune de VANDOEUVRE, malgré le piquet d’incendie et un tour de garde de temps à autre, l’existence n’est pas rude non plus : « Après les exercices, promenade en forêt avec Houillon et trois autres, en cueillant des champignons, nous allons vers Messein où nous faisons cuire notre cueillette dans une auberge 

 

 

 

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Madeleine Sadoul Malon

 

 

 

Retour début

 

Jeanne Sadoul Jeannette

 

 

 

 

 

 

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Paul Sadoul Paulot

 

 

 

 

                                                                     SOUVENIRS FAMILIAUX

 

                                   par    Paul SADOUL ( écrits en 1984)

 

 

Papa et maman formaient un couple admirablement uni malgré les épreuves et en particulier la mort de ma sœur aînée Paulette qui avait succombé à une méningite tuberculeuse, Maman fut très marquée par ce deuil. l(~ grand' mère avait cependant réussi à consoler sa fille et lui montrer qu'elle reprenne une vie normale et qu'elle ne cherche plus à évoquer sans cesse le souvenir de sa fille . Dans l’album d’images d’Épinal de Paulette figurait de la main de maman ces commentaires « elle voulait celle ci elle voulait celle là »

 

 

Ce fut bien plus tard l'épreuve supportée en commun du procès de Georges pour injure au drapeau français dont malgré les efforts fait  par mes parents la grande presse relatait assez largement les détails. Le surréalisme avait entraîné Georges loin très loin ,… Déclarer  10 ans après la fin d'une guerre qui avait été une terrible épreuve nationale ~ que l'on aimerait mieux servir sous le glorieux casque allemand et autres injures à une patrie que l'on considérait combien sacrée était difficilement compréhensible et franchement insupportable. Le sens de la famille était tel qu'il n'était pas question de rejeter un fils qui avait blasphémé et réciproquement. Georges revint en hâte de KARPOV à  L'annonce de la maladie  grave de son père, il arriva avant la mise en bière mais n’assista pas à l’enterrement, car il aurait été arrêté pour être envoyé en prison pour trois mois peine infligée par le tribunal. Il ne fut amnistié qu’en 1934

La vie familiale ne  s'arrêtait pas à la cellule de Charles et Anna Sadoul,

 les cousins proches tels que l'oncle Louis et tante Hélène venaient régulièrement à la maison. Les vacances étaient l'occasion de rencontres encore plus fréquentes quasi quotidiennes. Les cousins moins proches n'étaient pas oubliés. Etienne Demange ne serait jamais venu à Nancy sans passer à la maison. on rendait visite à la cousine Bailly de Strasbourg, aux  cousins. de Figeac ou à~ la cousine Sérot à Wœrth  ,maman  faisait régulièrement visite à la tante COZE et madame Devallée étals de toutes les cérémonies de famille. L'ancêtre commun tous ces cousins plus ou moins lointains était né avant la Révolution Française. Ces liens de parenté lointains obligeaient à des rencontres ou des correspondances au moins annuelles qui ne se réduisaient pas à quelques lignes griffonnées sur une carte de vœux dont l'usage n'était pas encore répandu.

 

L' économie:familiale était traditionnelle encore empreinte de certaines coutumes du- XIXème siècle, elle avait cependant été modifié par la dévaluation du franc à 4 sous. Il n'était pas question de voyager

autrement qu'en 3ème classe sauf pour de lointains voyages ou à l'occasion du voyage des actionnaires de la compagnie de l'Est à Paris pour lequel on bénéficiait de billets gratuits. L'électricité ne fut installée à Raon que grâce à l'héritage de madame de la Rivière, née Rabiat, morte chez les dames de Sion aux environ de 1928. Auparavant on s'éclairai t au gaz au rez-de-chaussée et chacun regagnait sa chambre avec une bougie ou une lampe à pétrole.

 

L'économie ménagère avait une part importante dans le ravitaillement familial, des oeufs étaient mis en conserve, de court terme emballés dans du papier journal et de long terme dans un grand pot de grès où. un liquide avait été préparé avec du combiné Barral et non pas du silicate qui avait je ne sais pourquoi mauvaise réputation dans la famille. De grands pots en grès contenaient également des haricots vert au sel préparés à Raon; ils étaient ensuite expédiés dans des caisses en bois à Nancy aux bons soins de la S.N.C.F dont les agents vigilants ne renversaient jamais le contenu. Les fruits pour la plupart cueillis dans le jardin de Raon étaient mis en conserve dans de grandes verrines soufrées et fermées hermétiquement par de la vessie de porc. Bien entendu les. confitures ne venaient jamais du marchand mais de la fabrication familiale. Au début de la mauvaise saison la choucroute maison était stockée à la cave en même temps que la provision de pommes de terre qui se montaient à 500- 800 kg .

 

Pendant les vacances à Raon les distractions étaient fort simples, on jouait au gendarme et au voleur, à la côte. Éventuellement jouer quelques comédies fort simples. Mes sœurs me semblaient alors très proches malgré la différence d'âge 6 ans par rapport à Jeannette,4 ans par rapport à Malon. Il n'en était pas de même pendant l’année surtout quand j'atteins l'âge de 8 ou 9 ans, j'y reviendrais. Les promenades avec cueillettes de brimbelles à la saison et recherche de champignons un peu plus tard occupaient en grande partie nos après midis. Périodiquement de plus grandes promenades au Donon, au lac de la Maix( ou à la vallée de COICHOT nous semblait une récompense. Une fois par an on louait  une voiture pour aller à la ferme de St. Jean d' ORMONT afin de recueillir  le modeste fermage de 200 puis 400 Frs par an!!! et aussi marquer les

coupes et faire la tournée des Hâgis. Les limites des propriétés nous paraissaient toujours difficiles à trouver, heureusement le Delphin Didier, fils et petit-fils de fermiers attachés à la famille depuis le début du XIXème  avait le coup d’œil

pour découvrir une borne  que cachait un brin de lierre ou quelques feuilles mortes. Il fallait respecter la jeunesse c’est à dire les petits arbres, envisager. de faire un nettoiement c’est a dire enlever la charmille pour laisser

 venir les grands sapins, que l'on marquerait dans un ou  deux ans, en comptant le nombre de planches qu'ils représenteraient .Le marteau était celui de mon grand oncle Xavier Meyer toujours marqué à ses initiales .On vendait le sapin sur pied et en fonction des évaluations qui avaient été faites, tandis qu'on façonnait le hêtre en bois

d’œuvre et en quartiers pour le chauffage. Petit garçon je ne me doutait pas que quelques années plus tard c'était moi qui aurait la responsabilité  de marquer les coupes, puisque mon père n'était plus là pour le faire.

De la ferme on rapportait des noix, quelques  fois un peu de beurre ou quelques  oeufs. La mère Didier allait chaque mardi au marché à St Diè porter quelques mottes de beurre et quelques  douzaines d’œufs dans sa charrette à chaussons , cela représentait un trajet de plus de 7 km aller et l'une remontée par les Raids de Robache qui sont raides comme son nom l'indique. Tout ceci pour gagner moins d'une cinquantaine de francs. Je ne sais quel était le budget de la famille Didier mais il était certainement  très faible, ils vivaient sur la ferme, je les ai toujours vu  avec les mêmes vêtements. Le Delphin avec son pantalon de velours à côtes assez large qu'il pinçait en bas afin d'être

plus à l'aise, je ne le vois qu’en sabots. A la ferme de grands noyers avoisinaient la fontaine, on disait  que les plus anciens avaient été plantés par le père de ma grand'mère

 

et leur diamètre me semblait compatible avec ce grand âge. L'un d'entre eux fut frappé par la foudre peu de temps avant la guerre et sa vente fut une aubaine pour les acheteurs.

 Une des voiture de louage qui nous ramenait dépassait rarement le 30 km  par heure, cette lenteur

la fit remplacer l'année suivante par un autre chauffeur un peu moins prudent, je ne crois pas que pour aller à la ferme nous dépassions le 60 km/h, car à l'âge de 10 ans je me rappelle bien avoir monté la côte de St. Blaise à 80 km/h dans la voiture d'un ami de Georges, qui me semblait un conducteur un peu imprudent.

Durant l’année il me semble que les promenades étaient assez rares dans ma petite enfance. Bien sûr on allait quelques fois à la forêt de Hayes ou. rendre visite à la tante Maria  que maman avait fait placer à la Ronchère car elle lui semblait bien isolée à Paris où elle demandait toujours son chemin quoiqu'elle y ait habité pendant plusieurs  années. Elle était la veuve de Joseph Claude, le frère de mon grand père Charles, celui qui avait été chercher du coton en Égypte quand on ne pouvait plus compter sur le ravitaillement de coton de l'Amérique dont les ports étaient bloqués par la guerre de sécession. Tante Maria me semblait une très vieille dame, très gentille, elle n'avait probablement pas plus de 75 ans ,le fait qu'elle ait joué du violon devant Napoléon III me semblait repousser sa naissance aux alentours de la Révolution Française. On profitait parfois du dimanche pour aller voir les nouvelles constructions qui s'établissaient à la périphérie de Nancy cela suscitait toujours des colères de mon père qui disait que l'on devait  pendre tous les maires qui s'étaient succédés à la mairie de Nancy depuis 1870, au moins en effigie! !!Dans ces promenades on croisait parfois les jeunes filles du. pensionnat Aron, pensionnat de jeunes filles juives ,fondé probablement au moment de l'affaire Dreyfus, qui en Lorraine. avait réveillé  certain antisémitisme. Papa disait en plaisantant qu'il fallait regarder devant soi et non pas regarder les jambes des jeunes filles juives qui étaient vilaines. Il n'était pour autant pas antisémite  puisque il avait été dès le début. de l’affaire un farouche partisan de l'innocence de  Dreyfus.

 

Malon  un peu étourdie, qui devait à l'époque avoir une  dizaine d'années émaillait les promenades de quelques .réflexions qui faisaient  parfois le bonheur de papa telle que celle-ci « les jeunes  aveugles ont une belle vue depuis leur pensionna »,  de retour à la maison, « les pommes de terre sont insalubres » pour dire qu'elles manquaient de  sel. Elle avait commencé un cahier des « Malonnades »pour essayer de corriger les étourderies et les erreurs d'interprétation de vocabulaire de celle-ci.

 

..Déjà à l'époque il semblait. à mes parents~que j’étais un enfant bien  isolé, lorsque les frères MARQUIS me

proposent d'entrer aux Louveteaux l'idée :t'ut accueillie avec faveur et j' entrais à la meute de la 2°de Nancy le premier mars 1927, le jour de mes 9 ans. Personne ne pensait alors que je resterais un fidèle du scoutisme et cela jusqu'au delà de mon mariage et que je terminerais ma carrière comme chef de clan  à l’âge de 28 ans! ! !

Nous n'avions pas de cheftaine, mais un louvetier Jacques Pingeon, originaire de Bourg en Bresse, qui était étudiant en chimie à Nancy et qui se dévouait pour ses louveteaux avec beaucoup d'ardeur et de gentil­lesse. Après un an et quelque,

 J. Pingeon repartit pour Bourg en Bresse où l'attendait l'industrie farliliale de teinture ou de tannerie .Nous eûmes alors des cheftaines ce qui nous parut un peu curieux, mais leur gentillesse et leur habileté firent vite oublier le chef louvetier. Elles nous faisaient vivre une vie assez rude et eurent l'audace de nous faire faire un camp volant dans la région de Moyen et Gerbéviller pour atterrir dans la région de Baccarat .

 

Si j'avais appris à lire avec madame CHANZI , dans la pension de madame Devallée, je poursuivis mes études primaires au lycée j'entrais en classe de 10ème  avec mon costume marin et mes cheveux  coupés à la Jeanne d'Arc. Je me liais d'emblée avec Jean Varanquaux qui était un garçon tranquille comme je l'étais. Les autres plus remuant nous faisaient enrager en nous traitant respectivement, de bol de saindoux et de cocorico Je ne me doutais guère que Jean Varanquaux deviendrait le mari de Geneviève Espitalier avec  laquelle j’avais appris à lire chez madame Devallée: !! Hélas l'enseignement du lycée n'avait pas la qualité de l'école primaire de l'époque, la calligraphie, les dictées, les récitations n'étaient pas aussi à

l’honneur que dans les écoles de Jules Ferry qui étaient encore très inspirées des théories de leur fondateur. J'entrais en 6è à l'âge de 9 ans apprenant des rudiments de latin avec un certain Père Greiner qui nous accompagna~ jusqu'en 5ème et que je pris assez rapidement en grippe Il prétendait que la version latine était la meilleure façon de nous apprendre le français, n'exigeait de nous que de rares rédactions 3 ou 4 dans l'année et à la fin de la 5ème j'était en pleine opposition avec ce professeur qui n'était pas sympathique. L'entrée en 4è fut pour moi un véritable soulagement, malheureusement l'amélioration de la scolarité fut de, courte durée, car la mort de mon père me perturba~ ainsi que le comprit très bien le sympathique professeur qu'était Galliot. Je terminais ma 4ème  moins bien que je ne l'avais commencé, à l'issue de ma 3ème  je ratais mon passage en seconde, j'avais eu l'audace de terminer ma rédaction en écrivant que La Fontaine, à la morale du chêne et du roseau avait peut-être pensé que la royauté serait un jour abolie par la révolution alors que le peuple comparable au roseau n'en souffrirait pas. Le correcteur était royaliste et avait bondi sur cette conclusion aberrante et stupide Plus de 60 ans après je revois encore la scène et le pauvre Paulot baissant , le nez devant cette cri tique acerbe! Je redoublais donc ma 3ème avec malheureusement l'abominable Père Greiner .Délibérément  je ne fis plus  rien en latin et pour montrer que  je  n'étais pas complètement idiot je travaillais un peu les mathématiques ce qui me permit sans peine d'avoir le prix de mathématique et cumuler en  même temps un blâme pour mon mauvais travail en latin.

 

 

J’étais chef de patrouille, je m'occupais beaucoup plus de scoutisme que de mes études  ce qui évidemment ne ravissait pas ma mère

 

 

Le mariage de Jeannette approchait, je ne pouvais plus figurer en costume marin, il fallai t me  payer mon premier smoking et me faire prendre des cours de danse chez Monsieur Cartlièze !!Après nous avoir montré quelques pas de danse le professe,ur énonçait

« et maintenant ces  messieurs peuvent inviter es demoiselles » nous  nous précipitions vers la plus jolie fille de la bande qui était convoitée par tous les garçons beaucoup plus âgés que moi cela me valût l'inimitié pendant quelques années d'André Martin qui aurait souhaité renouveler son flirt avec cette jeune fille qu'il avait connu~u l'année précédente dans le même cours de danse. Je n'avais pas 15 ans, lui avait 18 ans révolu je n'avais pas manqué d'audace.

 

 

21 Juin 1999

 

Je viens de relire ces pages dictées il y a 15 ans qui évoquent maladroitement mes jeunes

années, maladroitement mais fidèlement. Elles n’auront guère d’intérêt pour mes petits enfants

quoique elles montre bien les transformations profondes de la vie quotidienne d’une famille

bourgeoise encore imprégnée des habitudes du XIXème siècle l’atmosphère familiale des années 20 était totalement différentes de de celle qu’on vécue Colette et Paulot dans les années cinquante qui elle même est bien peu comparable à la vie familiale de nos enfants.

 

 

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CHARLES SADOUL par Anna SADOUL

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