Août 1962, à l'Estrechure, Relation d’un voyage, de Jean Sadoul

Il s’agit d’une lettre à Malon (Madeleine Sadoul (ndwebmestre : ma grand-mère paternelle)

Ma chère Malon, L’Esperon 13 Août 1962

Je descend de l’Aigoual où je suis allé voir le lever du soleil ; de cet horizon célèbre parce qu’il réunit les Pyrénées la Méditerranée et les Alpes. Du point culminant du Massif Central, le Sancy, je n’ai vu que la neige et le Ventoux, sans négliger le Mt Lozère…Les Causses et les abîmes que domine le sommet restent saisissant de grandeurs. Au belvédère, il y a toujours le Monsieur parfaitement informé pour expliquer que la semaine dernière, la vue était complète. L’espace de ces chaumes est assez vaste pour qu’une fois le soleil levé on puisse jouir dans une solitude intégrale de cette vue immense, du grand air qui vous frappe de sa masse. Étendu sur un herbe lourde, épaisse, plus moelleuse qu’un tapis d’orient sans autre écho que le chant des rares oiseaux égarés dans ces espaces, nul bruit humain ne monte de ces vallées sauvages, certains versants noirs de sapins, d’autres décharnés, le roc à vif.

Cet après midi nous sommes passé à l’Estrechure en fête, la grande rue pleine de fille et garçons ; cette vitalité contraste avec la pauvreté du paysage aussi beau qu’indigent. Point n’est besoin de chercher de grandes causes historiques au départ de Fulcran ; sinon simplement le désir de ne point végéter comme le témoigne l’unique descendant resté fidèle à son terroir. Au bureau de tabac de l’Estrechure, il m’a été aussitôt indiqué comme le seul Sadoul du pays mais authentique à l’égal d’une appellation contrôlée ce qui m’a été confirmé par un indigène un peu avant Saumane ‘ il n’y a plus de Sadoul à l’ Estrechure, il en reste un a Saumane, rempailleur et boiteux.". Effectivement, nous l’avons trouvé devant la porte de la maison Sadoul bâtie avec les pierre de schiste du pays. Le tricycle qui lui permet de se déplacer, au bas de quelques marches. Il était assis là entre les beaux hortensias, contrôlant le trafic de la route entre sa femme et sa sœur qui fut de loin la plus loquace. Je lui doit tout les renseignements que je vous communique.

Je pense que ces régions n’ont guère été bouleversées depuis les dragonnades, qu’il y a tout lieu de croire que Fulcran était Catholique, comme les Sadoul qui sont restés… on pourrait tenter des recherches, soit dans les registres paroissiaux ou dans les mairies avoisinantes.. peut être le concours de l’archiviste départemental serait–il-utile ? De nous tous , Georges semble être le moins astreint à une occupation exigeant la fixité. Voulez vous lui en parler et lui reprocher gentiment de n’avoir pas poussé la grille de Wœrth, il aurait vu Maguy. Voilà une minime contribution à la recherche de nos origines. Nous repartons tout à l’heure à travers les Causses, brûlés de soleil, sous un ciel éclatant, pour nous baigner dans la fournaise Quercynoise.

Toujours très fidèlement

Jean Sadoul

PS : ’envoie une carte postale à Georges et à Paulot mais je me charge de transmettre le détail des renseignements, je ne fais pas de ré-édition.


Note de Paulot sur cette lettre :

Sur les origines Cévenoles des Sadoul : Pour moi pas certain que ce soit de notre famille le nom est très courant dans les Cévennes. Je tiens pour l’origine protestante Fulcran est le nom d’un martyr calviniste brûlé à Nîmes où Ales au début du XVIIéme siècle. Je l’écris à Jean Sadoul le 1er octobre 1962

Jean Sadoul fait fi d’une tradition familiale assez vague il est vrai selon laquelle nos ancêtres étaient protestants !!??

P Sadoul Décembre1993